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Cameroun : Santé - Se soigner dans nos villages , une gageure - Cameroon tribune - Cameroun - 23/02/02
La trentaine bien sonnée, Kalara semble ne pas avoir conscience du soleil accablant qui darde ses rayons sur elle, amaigrie, frissonnante, les yeux hagards, la jeune femme tient à peine debout seule.

Depuis six semaines, elle se plaint d'une fièvre qui s'intensifie la nuit, de douleurs dans le ventre et de fatigue générale. " Soupçonnant un début de paludisme, j'ai d'abord pris des décoctions à base d'écorces de chez nous. J'ai également fait des sudations, de saignées et des massages avec des herbes, sans changement.

Puis, j'ai pris des comprimés de paracétamol achetés auprès du colporteur. Voyant que mon état allait de mal en pis, je suis allée chez le guérisseur qui a dit qu'on m'a lancé quelque chose au village ", raconte Kalara. Inquiète face à l'absence de résultats après un long traitement magico-homéopathique chez le tradi-praticien, un cousin de la jeune femme s'endette pour la transporter à l'hôpital.

A environ 30 km du village. Des examens cliniques révèlent que la malade souffre d'une fièvre typhoïde avancée, de vers intestinaux, d'anémie et d'un début d'infection pulmonaire. " C'est un cadavre que vous m'apporter là. Je ne soigne pas la mort. Vous attendiez quoi depuis le début de la maladie ? ", se plaint le médecin de l'hôpital départemental.

Dans ce village de la Lékié, comme dans la plupart des villages camerounais, les malades ont généralement un parcours semblable à celui de Kalara. Dès l'apparition des symptômes, le premier réflexe est d'ingurgiter des décoctions du cru. Une ou plusieurs visites chez différents tradi-praticiens permettent de s'assurer qu'il ne s'agit pas d'un cour tordu de quelques sorcier malveillant.

L'hôpital constitue toujours le dernier recours, longtemps après que la situation s'est considérablement dégradée. Tant qu'ils ne sont pas à l'article de la mort, d'aucuns passent allégrement une année sans " voir de leurs yeux " un médecin. Aller à l'hôpital, consulter un spécialiste, faire des analyses médicales, acheter les médicaments prescrits sont un luxe que les populations du monde rural se permettent difficilement.

La faute à la récession économique d'abord qui les a plus qu'appauvries. La faute ensuite à l'enclavement, aux longues distances à parcourir pour atteindre l'hôpital, à la mauvaise qualité des routes ne favorisant pas le passage régulier des cars de transport, à l'absence des commodités telles que l'eau potable et l'électricité.

Dans ces régions reculées, la moindre affection bénigne est un problème de santé publique. " Certains malades ont bien la volonté de se rendre à l'hôpital, quand les moyens financiers le leur permettent bien sûr. Hélas, il faut passer par bien des péripéties. Les malades sont transportés sur des brancards de fortune ou dans des brouettes. Les routes chaotiques aggravent certains états. Et beaucoup de malades meurent ainsi à l'arrivée, sans avoir même été consulté ainsi à l'arrivée, sans avoir même été consultés... ", expliquent un médecin de campagne. Du coup, les accouchements par exemple relèvent des méthodes traditionnelles.

Exit les consultations prénatales, les vaccinations, les examens prénuptiaux, les consultations gynécologiques et autres dépistages du Sida. Aussi dans nos villages, beaucoup de femmes décèdent-elles encore des infections post-natales. L'insuffisance des infrastructures sanitaires et du personnel médical dans les zones rurales a créé un terrain fertile sur lequel évolue de nombreux débrouillards. Il s'agit essentiellement des infirmiers retraités, des personnes ayant appris leur science sur le tas et même des agents d'entretien ayant servi dans les formations hospitalières en ville.

Tenez-vous bien, ces débrouillards exercent leurs talents dans des domaines aussi divers et compliqués que la chirurgie, la médecine dentaire, la gynécologie, les autopsies... Et par ces temps où le Sida fait des ravages, d'aucuns n'hésitent pas à piquer tout un village avec la même seringue. Certes, ils la font chauffer, mais... Allez donc chez ces praticiens de bazar avec un petit rhume, le malade en sort avec quelque chose de plus grave. Commencera alors un long périple qui l'entraînera de guérisseur jusqu'à ce que la mort délivre.
Source: Yvette Bikele - Cameroun Tribune - 23/02/2002

Lire l'article original : www.polemedia.org/

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