Le
Centre national de presse Norbert Zongo, a abrité le 26 février,
une conférence de presse sur l'accès aux soins et
aux anti-rétroviraux. Animée par le Réseau
social "Alert Burkina", Médecins sans frontière
et des organisations de la Société civile burkinabè,
la conférence a sonné l'alerte sur la prochaine entrée
en vigueur des accords de Bangui révisés en 1999 qui
va sérieusement compromettre les acquis de la conférence
de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) de Doha sur l'accessibilité
des malades aux médicaments anti-rétroviraux.
Le
Sida est devenu à l'heure actuelle la première cause
de mortalité en Afrique et la 4e cause de décès
dans le monde. La maladie tue ainsi chaque année plus de
2 millions d'Africains. Au Burkina Faso, les décès
attribuables au Sida depuis le début de l'épidémie
seraient supérieurs à 300 000 dont 43 000 pour la
seule année 1999 (ONUSIDA). Véritable problème
de développement, la pandémie du Sida est d'autant
plus dramatique que les pays les plus touchés n'ont pas accès
aux médicaments. Il faut rappeler que plus de 28 millions
d'Africains vivent avec le virus du Sida. Ce qui représente
environ 70% des personnes contaminées à travers le
monde. L'on se rappelle encore la bataille mémorable gagnée
par l'Afrique du Sud sur les multinationales pharmaceutiques et
qui lui a permis de casser les prix des anti-rétroviraux.
L'expérience avait fait tâche d'huile et des négociations
avec les laboratoires avaient permis une réduction sensible
des prix des médicaments.
La
dernière conférence ministérielle de Doha au
Qatar, en novembre 2001, avait même reconnu le caractère
prioritaire des impératifs sanitaires sur les règles
commerciales dans les pays en développement. Les droits de
propriété intellectuelle devaient être mis en
oeuvre "d'une manière qui appuie le droit des membres
de l'OMC de protéger la santé publique et en particulier,
de promouvoir l'accès de tous aux médicaments".
Les Etats membres de l'OMC ont donc décidé que la
date à laquelle les Pays les moins avancés allaient
devoir se mettre en conformité avec les règles des
accords ADPIC (Aspects des droits de la propriété
intellectuelle qui touchent au commerce) serait reportée
à 2016 au lieu de 2006. Ils ont également réaffirmé
que chaque pays avait le droit de recourir aux importations parallèles
et de délivrer des licences obligatoires pour importer des
médicaments pour les pays n'ayant pas de capacité
de production.
Les
conclusions de Doha avaient suscité l'espoir dans plusieurs
pays du sud quant à l'accès de leurs malades à
des traitements moins chers.
Un événement risque cependant de faire déchanter
les pays africains. Il s'agit de l'entrée en vigueur le 28
février 2002 des accords de Bangui, révisés
en 1999 sur la propriété intellectuelle en Afrique
de l'Ouest et Centrale régis par l'OAPI (Organisation africaine
de la propriété intellectuelle). L'accord de Bangui
regroupe 16 pays au sein de l'OAPI (Bénin, Burkina Faso,
Cameroun, République Centrafrique, République du Congo,
Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée
Conakry, Guinée équatoriale, Mali, Mauritanie, Niger,
Sénégal, Tchad et Togo). L'OAPI dont le siège
est à Yaoundé est régie par des accords ayant
valeur de lois nationales. Cette organisation délivre les
brevets des médicaments dans les 16 pays membres.
La
mise en vigueur des accords révisés de Bangui sera
lourde de conséquences négatives pour ces 16 pays
africains. Les acquis de Doha étant simplement hypothéqués
par les fameux accords. Concrètement, ces accords vont empêcher
les importations parallèles depuis des pays tiers et exclure
toute possibilité de licences obligatoires pour importer
des médicaments de pays comme l'Inde, le Brésil ou
d'autres pays producteurs de génériques. Ces accords
de Bangui prévoient aussi le doublement de la durée
des brevets qui passe de 10 ans actuellement à 20 ans. Ce
qui prolonge la période pendant laquelle l'accès aux
médicaments génériques est en principe interdite.
Pour
un pays comme le Burkina Faso, les acquis de Doha peuvent faire
baisser de manière considérable le coût des
anti-rétroviraux. La CAMEG a réussi à ramener
le prix des traitements des malades avec des spécialistes
d'anti-rétroviraux à 60 000 ou 80 000 francs par mois.
L'importation de génériques de ces médicaments
peut faire chuter les prix à 23 000 francs par mois. Les
accords de Bangui par contre ne vont entraîner que la flambée
des prix.
Face
à une telle aberration, la société civile qui
a eu récemment vent de ces accords suicidaires s'est lancée
dans une campagne de dénonciation. La campagne qui a déjà
mobilisé plusieurs dizaines d'organisations et associations
au Burkina, veut obtenir un report de la mise en application des
accords révisés de Bangui. Deux pétitions à
adresser aux autorités sont actuellement en circulation pour
recueillir des signatures. Hamado Nana
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l'article original : fr.allafrica.com/stories/200202270774.html
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