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Lutte contre le sida: Des accords qui vont compromettre l'accès aux médicaments - Sidwaya - Burkina Faso - 27/02/02

Le Centre national de presse Norbert Zongo, a abrité le 26 février, une conférence de presse sur l'accès aux soins et aux anti-rétroviraux. Animée par le Réseau social "Alert Burkina", Médecins sans frontière et des organisations de la Société civile burkinabè, la conférence a sonné l'alerte sur la prochaine entrée en vigueur des accords de Bangui révisés en 1999 qui va sérieusement compromettre les acquis de la conférence de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) de Doha sur l'accessibilité des malades aux médicaments anti-rétroviraux.

Le Sida est devenu à l'heure actuelle la première cause de mortalité en Afrique et la 4e cause de décès dans le monde. La maladie tue ainsi chaque année plus de 2 millions d'Africains. Au Burkina Faso, les décès attribuables au Sida depuis le début de l'épidémie seraient supérieurs à 300 000 dont 43 000 pour la seule année 1999 (ONUSIDA). Véritable problème de développement, la pandémie du Sida est d'autant plus dramatique que les pays les plus touchés n'ont pas accès aux médicaments. Il faut rappeler que plus de 28 millions d'Africains vivent avec le virus du Sida. Ce qui représente environ 70% des personnes contaminées à travers le monde. L'on se rappelle encore la bataille mémorable gagnée par l'Afrique du Sud sur les multinationales pharmaceutiques et qui lui a permis de casser les prix des anti-rétroviraux. L'expérience avait fait tâche d'huile et des négociations avec les laboratoires avaient permis une réduction sensible des prix des médicaments.

La dernière conférence ministérielle de Doha au Qatar, en novembre 2001, avait même reconnu le caractère prioritaire des impératifs sanitaires sur les règles commerciales dans les pays en développement. Les droits de propriété intellectuelle devaient être mis en oeuvre "d'une manière qui appuie le droit des membres de l'OMC de protéger la santé publique et en particulier, de promouvoir l'accès de tous aux médicaments". Les Etats membres de l'OMC ont donc décidé que la date à laquelle les Pays les moins avancés allaient devoir se mettre en conformité avec les règles des accords ADPIC (Aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce) serait reportée à 2016 au lieu de 2006. Ils ont également réaffirmé que chaque pays avait le droit de recourir aux importations parallèles et de délivrer des licences obligatoires pour importer des médicaments pour les pays n'ayant pas de capacité de production.

Les conclusions de Doha avaient suscité l'espoir dans plusieurs pays du sud quant à l'accès de leurs malades à des traitements moins chers.
Un événement risque cependant de faire déchanter les pays africains. Il s'agit de l'entrée en vigueur le 28 février 2002 des accords de Bangui, révisés en 1999 sur la propriété intellectuelle en Afrique de l'Ouest et Centrale régis par l'OAPI (Organisation africaine de la propriété intellectuelle). L'accord de Bangui regroupe 16 pays au sein de l'OAPI (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République Centrafrique, République du Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée Conakry, Guinée équatoriale, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Togo). L'OAPI dont le siège est à Yaoundé est régie par des accords ayant valeur de lois nationales. Cette organisation délivre les brevets des médicaments dans les 16 pays membres.

La mise en vigueur des accords révisés de Bangui sera lourde de conséquences négatives pour ces 16 pays africains. Les acquis de Doha étant simplement hypothéqués par les fameux accords. Concrètement, ces accords vont empêcher les importations parallèles depuis des pays tiers et exclure toute possibilité de licences obligatoires pour importer des médicaments de pays comme l'Inde, le Brésil ou d'autres pays producteurs de génériques. Ces accords de Bangui prévoient aussi le doublement de la durée des brevets qui passe de 10 ans actuellement à 20 ans. Ce qui prolonge la période pendant laquelle l'accès aux médicaments génériques est en principe interdite.

Pour un pays comme le Burkina Faso, les acquis de Doha peuvent faire baisser de manière considérable le coût des anti-rétroviraux. La CAMEG a réussi à ramener le prix des traitements des malades avec des spécialistes d'anti-rétroviraux à 60 000 ou 80 000 francs par mois. L'importation de génériques de ces médicaments peut faire chuter les prix à 23 000 francs par mois. Les accords de Bangui par contre ne vont entraîner que la flambée des prix.

Face à une telle aberration, la société civile qui a eu récemment vent de ces accords suicidaires s'est lancée dans une campagne de dénonciation. La campagne qui a déjà mobilisé plusieurs dizaines d'organisations et associations au Burkina, veut obtenir un report de la mise en application des accords révisés de Bangui. Deux pétitions à adresser aux autorités sont actuellement en circulation pour recueillir des signatures. Hamado Nana

Lire l'article original : fr.allafrica.com/stories/200202270774.html

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