Contactez_nous
La_santé_tropicale_sur_internet  
www_santetropicale_com
Malaria : une question de démocratie au Burundi - inburundi.net - Burundi - 29/04/02

Dans les pharmacies et cabinets médicaux privés, les riches peuvent se soigner efficacement et guérir de malaria. Car des nouveaux médicaments efficaces existent, et un traitement coûte 5000 frbu, partiellement remboursables par les mutuelles parfois. Pourtant, la maladie décime des populations entières, chez les pauvres, l' écrasante majorité du peuple. Car actuellement, l' Etat oblige l' utilisation des anciens médicaments, Chloroquine et Fansidar dont l' inefficacité face à la résistance de la maladie est connue et prouvée. Plusieurs fois, le ministère de la Santé s' est montré très sévère face aux organisations qui militaient pour le changement du protocole national. L' Organisation Médecins Sans Frontières en a payé les frais, l' année dernière, en se faisant expulsé par le gouvernement. Au moment où l' Afrique célèbre la journée de lutte contre le paludisme, la malaria est devenue aujourd'hui, au Burundi, une question de démocratie. Tout simplement.

Le gouvernement soutient l' utilisation d' un traitement inefficace

Plus de 2 millions de cas officiellement recensés en 1999, contre 200 000 dix ans plus tôt. En octobre 2000, une épidémie de paludisme d'une ampleur sans précédent touche 6 des 16 provinces du pays. Elle durera plus de six mois et plus de 3 millions de cas seront recensés à l'échelle du pays (qui compte 6.5 millions d'habitants). Cette épidémie, pour la première fois, touche des zones de moyenne à basse endémie (zones de hauts plateaux, de 1 400 à 1 700 mètres d'altitude), des régions où les populations étaient peu immunisées, ce qui a entraîné une mortalité élevée. Des études de résistance, effectuées par MSF au Burundi début 2001, en collaboration avec le ministère de la Santé burundais, et selon le protocole OMS (1996), ont révélé des taux particulièrement élevés pour les molécules classiques Chloroquine (CQ) et Fansidar (SP), avec parfois plus de 93% de taux de résistance. Pour rappel, l'OMS considère à 25% le seuil de résistance à partir duquel il est indispensable de changer un traitement de première ligne. Le gouvernement a décidé, en juin 2001, l'adoption d'un " protocole de transition ", recommandant l'utilisation du Fansidar en traitement de première ligne, de la Quinine en seconde ligne et du Coartem (une combinaison fixe d'Artémether et de Luméfantrine), uniquement en cas d'épidémie. Ainsi, ce protocole préconise un médicament en traitement de première ligne dont l'inefficacité a été prouvée et un traitement contraignant (7 jours - ou éventuellement 5 - ce qui pose des problèmes d'adhérence et peut favoriser l'apparition de résistance) en seconde ligne. Comme l' organisation MSF, les experts demandent d' utiliser un traitement combinant des dérivés d'artémisinine et un anti-paludique classique efficace, un traitement, connu pour son efficacité et son innocuité, et qui aurait permis de traiter efficacement les malades et probablement de " casser " la propagation de l'épidémie de 2000 par exemple. Le gouvernement burundais s' est dérobé plusieurs fois dans des enquêtes " inutiles et lentes " reconnaît un médecin burundais de Gitega; et entre temps, les patients atteints du paludisme, et ne disposant pas de moyens de payer un traitement efficace, sont traités avec un médicament, en première intention, qui ne peut les guérir. Bine-sûr, seules les populations rurales pauvres sont victimes de cette situation : des dérivés d'artémisinine sont disponibles dans la plupart des pharmacies privées et prescrits pour les seuls malades qui peuvent les payer.

Homicide involontaire

Pourquoi les dirigeants du ministère de la Santé se sont-ils obstinés, alors que le paludisme faisait des ravages dans les populations, à ne pas changer les protocoles nationaux, au moment où les médicaments utilisés étaient en toute évidence inefficaces ? Pourquoi le gouvernement a-t-il combattu la position de l' ONG Médecins Sans Frontières France, jusqu' à l' expulser, qui non seulement proposait (et propose toujours) de soigner efficacement des patients pauvres, mais aussi d' aider dans la recherche des financements au niveau international pour la généralisation des nouvelles molécules efficaces ? Certes, le changement du protocole national se heurte à des difficultés financières. Dans son rapport, MSF estime par exemple que "les médicaments classiques ne coûtent que 0.25$ par traitement pour un adulte, alors que les combinaisons à base de dérivés d'Artémisinine reviennent en moyenne à 1.30$. " "Toutefois, ajoute ce rapport, pour intégrer ces combinaisons efficaces le coût additionnel ne représente que 19 millions de dollars par an pour l'ensemble de 5 pays : le Burundi, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie et l'Ouganda " Le manque de ressources financières ne pourrait en aucun cas expliquer le manque de volonté du gouvernement " Une mauvaise foi cynique " estime certains observateurs indépendants, même si l' ONG MSF qui vient d' être re- autorisée à travailler dans le pays, loue aujourd'hui " la bonne volonté des autorités actuelles à commencer par le président Buyoya ". Il ne faut oublier que d' énormes intérêts industriels et financiers locaux sont en jeu. Les fabricants des comprimés actuellement utilisés ne verraient pas d' un bon œil l' utilisation de cette nouvelle molécule, affirment des sources locales. Mais aussi, comme le signale le responsable de Médecins Sans Frontières Dr Fournier, les bailleurs occidentaux ne sont pas pressés de voir un médicament issu de la pharmacopée chinoise s' imposer sur le très rentable marché africain du paludisme. Comment un gouvernement responsable peut tergiverser autour des spéculations financières face à une catastrophe d' une aussi grande envergure? Depuis 2000, avec notamment la terrible épidémie qui a endeuillé le pays, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont sans doute mortes faute de médicaments efficaces. Une chose est sûre : des milliers de vies humaines auraient pu être sauvées, si elles avaient pu avoir par exemple les traitements que l' ONG MSF étaient prêtes à leur administrer. "Savoir que des médicaments efficaces existent, sans qu'il nous soit possible de les administrer à nos patients est réellement difficile à supporter", explique le docteur Diane Cheynier, médecin pour MSF au Burundi.MEC/// Edgar C. MBANZA

Lire l'article original : www.in-burundi.net/Contenus/Rubriques/Lejournal/04_25malaria.htm

Retour actualités