Les
associations de lutte contre le Sida se sont rencontrées à Tenkodogo
du 25 au 27 avril 2002 pour engager des "actions musclées" de lutte
contre la pandémie. Martine Somda, présidente de l'association Responsabilité,
Espoir, vie et solidarité (REVS +) basée à Bobo-Dioulasso a pris
part à cette rencontre. Mère de quatre (4) enfants et personne vivant
avec le VIH/Sida, Martine Somda est en même temps la coordonnatrice
régionale des femmes vivant avec le VIH pour l'Afrique francophone.
Femme très déterminée dans la lutte contre le Sida, elle aborde
la question de la lutte contre le fléau au Burkina et sa sérologie
dans l'entretien qu'elle nous a accordé à visage découvert.
Sidwaya : Que pensez-vous du mouvement
associatif de lutte contre le Sida au Burkina Faso ?
Martine Somda : Le Burkina Faso a un
atout. Les Burkinabè sont de nature à se regrouper très facilement.
Maintenant, avec l'avènement du VIH, il est vrai que ce regroupement
autour de ce problème n'a pas été immédiat. Je pense que cela est
dû à la peur que les médias ont créée en diffusant des messages
et des images négatifs. Heureusement que les gens ont surmonté cela.
Et aussitôt la société s'est mobilisée. Les personnes concernées
en premier chef ont participé à la mobilisation de la société. Je
crois que de ce côté, le Burkina doit travailler à réorganiser les
groupes associatifs. Il est vrai qu'un bout de chemin a été accompli.
Mais aujourd'hui, on doit s'asseoir pour faire un certain bilan
afin de recadrer la lutte.
Les
associations de lutte contre le Sida naissent tous les jours. Mais
sur le terrain, que font-elles concrètement ? La personne vivant
avec le VIH (PVVIH) erre jusqu'à présent, ne sachant pas exactement
à qui s'adresser. Elle "court" longtemps avant de savoir à qui s'adresser.
Cela doit changer. Toutefois, les associations seules ne peuvent
pas y arriver. Il faudra une mobilisation générale des politiques
et la société civile pour réorganiser cela afin que tout soit clarifié
: qui fait quoi, quand et comment ? Car la prise en charge de la
PVVIH est globale. Il est vrai que le monde associatif se bat, mais
cela est insuffisant. S'il n'est pas soutenu par le politique pour
lui faciliter beaucoup de choses, la lutte devient très dure. Par
ailleurs, on a tendance à tout décider et planifier pour les associations.
Nous ne sommes pas des "gamins". Les partenaires et les politiques
doivent s'interroger pour savoir ce qu'ils doivent faire dans ce
domaine de la lutte pour faciliter les choses. Dans tous les cas,
quand la case de ton voisin brûle, il ne faut pas rester dans ton
fauteuil et regarder, car on ne sait pas où tourne le vent. C'est
un appel que je lance à tout le monde. Je loue le courage et l'abnégation
des associations de lutte contre le Sida au Burkina Faso. Elles
sont nées dans un contexte très difficile mais malgré tout, elles
ont pu faire et continuent de faire du bon travail. Par exemple,
au moment de la création de REVS + en 1997, on refusait de reconnaître
la prise en charge des PVVIH. Je me rappelle que par rapport à notre
premier programme le Comité national de lutte contre le Sida a refusé
de nous soutenir simplement parce que nous y avions intégré le volet
prise en charge. A l'époque nous avons travailler avec nos propres
moyens. Aujourd'hui, l'histoire nous donne raison car la prévention
est indissociable de la prise en charge.
Sidwaya
: A quand remonte votre séropositivité et quelle a été votre
réaction à l'annonce du résultat ?
Martine
Somda : Ce fut une décision personnelle. En son temps, c'était
une décision assez rare. J'ai perdu mon conjoint en 1993 et j'ai
douté de la cause de sa mort. Etant un agent de santé, ce fut très
facile pour moi d'avoir accès aux dossiers médicaux et de confirmer
mon doute. C'est ainsi que j'ai décidé de savoir si j'étais moi
aussi atteinte. C'est là également qu'est parti mon engagement.
Il est vrai que ce fut très dur parce que d'abord la personne qui
devait m'annoncer mon statut sérologique a eu tous les problèmes
car il était mon supérieur hiérarchique direct. J'ai vraiment forcé
les choses pour connaître mon statut. Mais, je reconnais aujourd'hui
qu'il a été la personne qui m'a donné les premiers éléments de ma
volonté de lutter avec abnégation contre le Sida. Il m'a donné cette
envie de vivre et de me battre d'abord pour mes enfants, ensuite
pour moi-même et enfin pour les autres.
C'est
très dur
Par
ailleurs, ce fut très dur pour moi-même en apprenant mon statut.
Heureusement, j'ai eu la chance d'avoir un supérieur hiérarchique
qui m'a accompagnée dans mon combat. Il m'a aussitôt mise en contact
avec une association française. Cela m'a donc aidée à avoir l'information
pour mettre en place un groupe. Au niveau local, j'ai également
rencontré des problèmes pour la mise en place de mon groupe car
à l'époque, il était difficile de connaître un séropositif puisque
ce sont les médecins seulement qui connaissaient le statut et gardaient
le secret. J'ai été obligée de faire des notes pour déposer dans
tous les cabinets de consultation avec mon numéro de contact et
celui du médecin pour pouvoir repérer des gens qui ont envie de
se battre et ne pas se laisser emporter par le VIH. Il y avait des
gens qui condamnaient ce regroupement disant que Sida égale mort.
Par contre, certains avaient une vision à long terme en disant qu'on
peut faire quelque chose. Heureusement que les idées de ce dernier
groupe ont prévalu. Au départ on n'était que 20 personnes. Aujourd'hui
REVS + dépasse les 300 personnes. Aujourd'hui, je ne regrette pas
du tout. Même si je meurs maintenant, je me dis que ma vie aura
servi à quelque chose. Je me dis également que si Dieu a permis
que je sois touchée par ce mal dans mon foyer, c'est dans le but
certainement de me donner la force pour que je puisse mieux le combattre.
J'ai eu la chance d'avoir des enfants admirables. Ils m'ont soutenue
depuis la création de REVS + et continuent à me soutenir.
Sidwaya : Avez-vous foi en l'avenir
?
Martine
Somda : Moi (rires). A travers tout ce que j'ai dit, vous
devez vous rendre compte que j'ai beaucoup confiance en l'avenir
(rires encore). Qu'est-ce qui change en moi ? Mon atout, c'est que
je sais ce que j'ai en moi, peut-être vis-à-vis de vous. (Elle rit
encore de plus belle). Je sais ce qu'il y a en moi, donc c'est un
plus. J'espère vivre longtemps, être grand-mère. C'est pour vous
dire que j'ai foi en l'avenir. J'ai établi des règles de base pour
me maintenir en bonne santé le plus longtemps possible. C'est un
avantage de connaître son statut. Ça fait qu'on ne perd plus son
temps avec les futilités. Charles Ouedraogo
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l'article original : fr.allafrica.com/stories/200205020627.html
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