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Situation du paludisme en Côte d’Ivoire - Dr. Niangué Joseph (DCPNLP) : “Le paludisme est la 1ère cause de mortalité en Côte d’Ivoire” - Notre voie - Côte d'Ivoire - 06/05/02

A l’occasion de la journée africaine de lutte contre le paludisme dont la cérémonie officielle a eu lieu le 25 avril dernier à Aboisso, nous avons rencontré Dr. Niangué Joseph, directeur coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme (DCPNLP). Dans cet entretien, il parle de la situation du paludisme dans le monde, en Côte d’Ivoire et des stratégies pour freiner le mal.

Notre Voie : Il y a des croyances populaires, selon lesquelles le paludisme est provoqué par la consommation de sucre, d’huile ou d’une longue exposition sous le soleil.

Dr. Niangué Joseph. : Je voudrais vous dire que pour avoir un paludisme, il faut avoir été piqué par un moustique infecté. Et que votre organisme développe, par la suite, la maladie. C’est dire que ce n’est ni le sucre, ni l’huile, encore moins le soleil qui donnent le paludisme. C’est une maladie infectieuse et parasitaire.

Notre Voie : Quelle est la situation au niveau mondial ?

Dr. Niangué Joseph. : Au niveau mondial d’abord, je vous dirai qu’actuellement, toutes les 12 secondes, il y a un Africain qui meurt du paludisme. Il y a 40% de la population mondiale qui sont exposés au risque de paludisme ; et sur ces 40% de population mondiale exposée, il y a 90% qui sont Africains. Ce qui fait que, finalement, quand on regarde le volume spécifique de la Côte d’Ivoire, je dirai que c’est vraiment la première cause de consultation et c’est également la première cause de mortalité, surtout dans les services de pédiatrie.

Notre Voie : En Côte d’Ivoire justement, est-ce qu’on a des chiffres plus éloquents que cela ?

Dr. Niangué Joseph. : Moi, je ne cherche pas forcément des chiffres éloquents. Je vous dis les chiffres tels qu’ils se présentent. Je vous dis, par exemple, que 60% des raisons de consultation sont dus au paludisme. Quand on regarde également les femmes enceintes, 60% des femmes enceintes qui viennent en consultation prénatale sont anémiés pour des raisons de paludisme. Toujours dans le même sens des femmes enceintes, on se rend compte que 20% des enfants de ces femmes enceintes qui ont été infectées par le paludisme naissent avec un faible poids de naissance. Voici donc la triste situation épidémiologique. Mais il faut aussi vous dire qu’en Côte d’Ivoire, le paludisme se transmet toute l’année. Mais avec une recrudescence en saison de pluie. C’est pas comme dans certains pays où il y a certaines périodes où on n’a pas le paludisme. En Côte d’Ivoire, toute l’année, nous avons le paludisme. L’autre fait marquant également, c’est qu’en Côte d’Ivoire, nous avons un des moustiques qui est un très bon vecteur du paludisme. C’est l’anophèle Gamzi. Mais, en même temps aussi, nous avons la malchance d’avoir les parasites les plus dangereux. Ceux qui donnent les formes les plus graves de paludisme. Le plasmodium falciparum est présent dans au moins 80% des consultations de paludisme dans notre pays. C’est dire que c’est une maladie qui reste endémique chez nous et pour laquelle il est tout à fait important de développer des stratégies pertinentes. Et il est également tout à fait important qu’il y ait un engagement politique. Il est tout à fait important qu’il y ait des actions vigoureuses, mais qui ne doivent pas seulement venir des professionnels de la santé mais aussi de pratiquement toute la communauté parce que les différents facteurs qui déterminent l’existence même de cette maladie imposent que ce soit dans la multisectorialité que l’on puisse venir au bout de cette maladie.

Notre Voie : Le sida bénéficie d’une forte publicité en ce moment. Est-ce que ça ne vous cause pas de problèmes ? Parce qu’à vous entendre, le paludisme tue autant que le sida.

Dr. Niangué Joseph. : Je vous dis qu’au niveau africain, toutes les12 secondes, un enfant meurt du paludisme. Bon, mon problème n’est pas de vouloir faire une comparaison entre le paludisme et le sida. Je sais que la charge émotionnelle un niveau du sida est très forte et c’est ce qui fait aussi la différence avec le paludisme. Il y a aussi le fait que quelqu’un qui est infecté du sida, qui présente bien les signes du sida, a un avenir tout à fait différent de quelqu’un qui a le paludisme pour lequel un traitement existe. Donc il y a des différences, il y a des spécificités pour ces deux maladies. Sinon que le paludisme reste la première cause de consultation dans nos formations hospitalières.

Notre Voie : Venons-en aux stratégies. Vous avez fait mention de la situation épidémiologique. Maintenant, quelle stratégie avez-vous adoptée pour faire reculer le mal ?

Dr. Niangué Joseph. : Nous avons trois (3) stratégies majeures. La 1ère c’est la prise en charge précoce des malades, que ce soit dans les formations sanitaires, que ce soit au niveau communautaire, notamment à domicile. La 2e stratégie, c’est la prévention. Et, dans la prévention, il y a un volet assainissement que nous essayons d’abord sous l’angle de la multisectorialité ; et le deuxième aspect de cette prévention, c’est la prévention à travers les médicaments, ce que nous appelons la chimioprophilaxie. Et cette chimioprophilaxie s’adresse surtout aux femmes enceintes et certains enfants de manière spécifique qui sont des enfants à risque.

Notre Voie : Et comment se présente cette chimioprophilaxie ?

Dr. Niangué Joseph. : Cette chimioprophilaxie chez la femme enceinte se fait à base de chloroquine où pour la première consultation prénatale, on fait une cure de 25 mg étalée sur 3 jours et sur la base de 10 mg le 1er jour, 10 mg le 2e jour et 5 mg le 3e jour. Donc on fait une cure systématique. Pour me faire comprendre, si c’est des comprimés de chloroquine 100, le premier jour, la femme prend 6 comprimés, le 2e jour, encore 6 comprimés et le 3e jour, elle prend 3 comprimés. A partir de ce moment-là, elle attend 8 jours, et, après 8 jours, elle fait une chimioprophilaxie sur la base de 5 mg kilo et comme j’ai pris la chloroquine 5 mg pour cette femme-là, donc alors, par semaine, ça lui fera 3 comprimés de 5mg ou un comprimé de 300mg. C’est donc cette chimioprophilaxie qui est préconisée chez nos femmes enceintes en Côte d’Ivoire. Donc, pour continuer dans les stratégies que vous avez demandées, outre la chimioprophilaxie, il y a aussi la prophilaxie, je dirai mécanique à travers l’outil. Et cet outil est la moustiquaire imprégnée. Et nous pensons qu’actuellement, la moustiquaire imprégnée représente ce qui est le préservatif pour le sida. Parce que, tout à l’heure, vous parliez du sida. Pour éviter d’avoir le sida, généralement, l’on conseille, travers les rapports sexuels, d’utiliser le préservatif. Ce qui représente le préservatif au niveau du paludisme, c’est la moustiquaire imprégnée. C’est pour cela que nous voulons que vous nous aidiez activement à sensibiliser la population de manière à l’amener à adhérer à cette stratégie et finalement à faire en sorte d’avoir moins de crises de paludisme. Et le 3e aspect, c’est la recherche. Une recherche opérationnelle qui nous permet de répondre à nos différentes questions dans la mise en œuvre par rapport à la prise en charge qui est la première stratégie. Egalement de répondre à nos préoccupations par rapport aux aspects de prévention. Ce n’est pas par rapport à cette recherche opérationnelle qu’il nous arrive de comprendre, par exemple, que la communauté doit être fortement impliquée. Au regard de nos réalités, il nous faut comprendre qu’il doit avoir une communication positive qui devrait non seulement venir des communautés mais également des professionnels de la santé. Les professionnels de la santé devraient, notamment, davantage développer l’écoute. Donc c’est à travers ces différentes recherches que nous arrivons à ces genres de conclusion. C’est à travers ces recherches que nous arrivons à voir quel est le médicament qui n’est plus efficace par rapport à un signe donné et qu’il faille changer. C’est par rapport à cette recherche opérationnelle également que nous mettons l’accent sur les aspects comportements de populations à travers des études sociologiques. Et puis nous arrivons, en ce moment, à adapter nos stratégies de terrain au regard des résultats sur les recherches opérationnelles. Ça c’est pour l’aspect des stratégies majeures. Après, il y a des stratégies d’appui. C’est des aspects formations, information, développement de partenariat…

Notre Voie : Dans une de vos conférences, vous avez parlé d’un comprimé qui est en train d’être élaboré à base d’une plante ivoirienne. Où en êtes-vous en ce moment?

Dr. Niangué Joseph. : L’OMS a compris la nécessité de cette démarche, et actuellement, nous sommes en collaboration avec le service de l’OMS habilité en la matière, et tout le processus de validation de ce médicament est engagé. Au moment opportun, vous aurez les résultats. Interview réalisée par Coulibaly Zié Oumar

Lire l'article original : www.notrevoie.ci/story.asp?ID=5180

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