Région frontalière avec le Ghana et la Côte-d'Ivoire, le Sud-ouest
du Burkina est une zone à forte migration humaine. Une situation
qui favorise également l'émergence de certaines maladies dont le
Directeur régional de la Santé Monsieur Sidi Coulibaly nous parle.
Sidwaya : Présentez-nous la Direction régionale
de la santé du Sud-ouest.
Docteur Sidi Coulibaly : la Direction
régionale du Sud-ouest couvre quatre districts répartis dans quatre
provinces qui sont la Bougouriba, le Noumbiel, le Ioba et le Poni.
C'est une région qui s'étend sur 17 544 km2 et qui compte 558 000
habitants.
Sidwaya : Comment se présente la situation sanitaire
dans cette région ?
Docteur Sidi Coulibaly : la situation
sanitaire dans la région du Sud-ouest ressemble un peu à la situation
générale dans tout le pays mais la particularité de cette région
tient au fait qu'elle continue d'enregistrer un certain nombre de
pathologies que l'on ne retrouve pas dans certaines régions. Indépendamment
des maladies classiques tels que le paludisme, la tuberculose, les
maladies respiratoires, la diarrhée etc, la région a la particularité
de connaître le ver de guinée. Cette maladie sévit dans deux districts,
ceux de Batié dans le Noumbiel et de Gaoua dans le Poni. Il y a
aussi l'onchocercose qui est présente dans les quatre districts
de la région. Il faut signaler également que cette région est l'une
des rares localités du Burkina où quatre districts sont concernés
en même temps par cette maladie.
Sidwaya : Quelles sont les difficultés que rencontre
la Direction régionale de la santé du Sud-ouest ?
Docteur Sidi Coulibaly : La première
difficulté de la DRS du Sud-ouest est l'insuffisance du personnel.
A cela il faut ajouter l'éloignement de la région de Ouagadougou.
Avec le bitumage de la route Pâ - Dano - frontière Côte-d'Ivoire,
la région a été désenclavée mais l'autre problème est que toujours
à l'intérieur de cette région, les pistes restent impraticables
et les villages difficilement accessibles, ce qui fait qu'il y a
des problèmes à ce niveau. Il y a aussi que certaines formations
sanitaires n'ont pas la norme minimale en personnel. Certaines se
retrouvent souvent avec une ou deux personnes. L'autre problème,
c'est la logistique. Je disais tantôt que les voies sont impraticables
notamment en saison pluvieuse. La logistique qui est mise à notre
disposition pour le déplacement est vite amortie, surtout quand
nous voulons mener des activités en stratégie avancée, notamment
la vaccination et la consultation des femmes enceintes. En plus
de cela, il est à noter que nos formations sanitaires sont sous-équipées
et souvent nous avons des difficultés pour prendre en charge les
malades. Le plateau technique est par moments insuffisant. Par ailleurs,
la couverture en infrastructures sanitaires (les formations sanitaires)
est insuffisante. Ce qui fait que l'accessibilité de ses structures
de façon générale au niveau de la région n'est pas significative.
Il y a aussi le facteur pauvreté qui demeure un frein à la fréquentation
des services de santé. Quand on demande à quelqu'un de payer 50
F pour une consultation, c'est souvent difficile et cela constitue
un frein à la fréquentation des formations sanitaires. Nous rencontrons
également des difficultés par rapport à la gestion des rapatriés.
La région du Sud-ouest connaît depuis le début de la crise ivoirienne
un retour massif de nos compatriotes. L'impact que cela a eu au
plan sanitaire est la réapparition de certaines pathologies qu'on
avait réussit à maîtriser notamment la rougeole. Une épidémie de
rougeole sévit actuellement dans les districts de Batié et de Gaoua.
Mais grâce à la mise à notre disposition par le ministère de la
santé des médicaments, la prise en charge des cas de maladie de
rougeole se fait sans difficulté.
Sidwaya : Cette année encore, le Burkina Faso
a été durement frappée par une épidémie de méningite. Pouvez-nous
faire le point en ce qui concerne la région du sud-ouest ?
Docteur Sidi Coulibaly : La région
du Sud-ouest a été l'une des premières régions du Burkina Faso a
être touchée par l'épidémie de méningite cette année. C'est surtout
le district de Batié qui déjà à la semaine cinq était en situation
d'épidémie. Les trois autres districts de la région (Dano, Diébougou,
Gaoua) n'ont pas connu d'épidémie. Ces districts ont connu des cas
mais pas assez élevés au point d'atteindre le stade d'épidémie.
A ce jour, nous sommes à 453 cas de méningite avec 65 décès. Ce
qu'il faut souligner, nous n'avons connu que l'épidémie de méningite
à stéréotype A, contrairement au W135 qui a régné dans d'autres
régions du pays. Et comme les vaccins contre le stéréotype A était
déjà disponible, cela nous a permis de prendre assez vite des dispositions
pour pouvoir arrêter l'évolution de la maladie. Nous avons pu ainsi
vacciner environ 54000 personnes au niveau du district sanitaire
de Batié, ce qui fait un taux de couverture d'environ 124%.
Sidwaya : La ville de Gaoua est souvent citée
comme étant parmi les villes les plus touchées par le VIH/Sida au
Burkina ? Quelle est la réalité ?
Docteur Sidi Coulibaly : Dans le
temps, il y a eu une enquête à Gaoua avait produit un taux de séro-prévalence
d'environ 15% mais ce pourcentage n'était pas tout à fait juste
parce que le prélèvement effectué sur les gens avait été souillé.
Le sérum de certaines personnes séro-négatives a été souillé par
des sérums positifs. Cela n'a donc pas permis de sortir des résultats
fiables. Et malheureusement, on continue toujours à se baser sur
ces résultats pour dire que Gaoua est très infectée par le VIH/Sida.
Je reconnais que le sida est présent dans la région mais à dire
que la ville est exceptionnellement touché par rapport aux autres
régions, ce n'est pas tout à fait exact. Et d'ailleurs une étude
réalisée au niveau du site sentinelles a ressorti un taux de séro-prévalence
qui tournait autour de 4 à 6%. Ce qui n'est pas du tout supérieur
au taux national que nous connaissons.
Sidwaya : Quelles sont les maladies les plus
récurrentes ?
Docteur Sidi Coulibaly : C'est
le paludisme qui vient en première position car c'est une maladie
qui est très fréquente dans la région. Il y a également les maladies
diarrhéiques et les infections respiratoires. La lèpre est aussi
très présente dans la région mais elle est en voie d'élimination.
A ce niveau nous avons un taux qui fait quatre fois le taux national.
Une autre maladie également présente, c'est la tuberculose. A l'endroit
des autorités sanitaires du pays, je leur demanderai de renforcer
un peu le personnel de la région sanitaire du Sud-ouest, parce que
c'est une zone qui connaît une extrême mobilité du personnel. Les
gens viennent et une ou deux années après ils repartent. On se retrouve
dans un perpétuel recommencement en train de former des gens et
compte tenu du fait qu'il n'y a pas un minimum de personnel au niveau
des formations sanitaires, la qualité des soins en prend un coup.
Frédéric OUEDRAOGO
Lire l'article original : http://www.sidwaya.bf/sitesidwaya/sidawaya_quotidiens/sid2003_18_06/sidwaya.htm
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