Kouamé Badou Benjamin est le médecin de l'ANADER, une entreprise
dont le Directeur général, M. Guédé Béhinan, s'est personnellement
investi dans la lutte contre le sida.
Votre participation à la conférence mondiale sur
le sida à Barcelone et des formations en Europe ont aidé L'ANADER
à mettre sur pied une politique de prise en charge de ses employés
par rapport au vih/sida. De quoi s'agit-il ?
L'ANADER compte 2500 employés avec qui nous faisions de la sensibilisation
basée essentiellement sur la prévention. Et nous sommes allés, le
Directeur général et moi, à la conférence mondiale sur le sida qui
s'est tenue en juillet 2002 à Barcelone en Espagne. A notre retour
de Barcelone, le directeur général a souhaité que nous passions
à la phase supérieure à savoir le dépistage et le traitement. Et
c'est dans ce cadre que le laboratoire MSD nous a apporté son appui.
Nous avons bénéficié d'un stage à Paris dans le mois de décembre
de la même année à l'hôpital Necker et au centre médical de l'Institut
Pasteur.
En France, on a vu dans les services des gens bien portants, sous
traitement depuis 4, 5 voire 7 ans qui venaient renouveler leur
traitement. Ces voyages étaient donc une autre étape pour pouvoir
donner une impulsion au médecin d'entreprise que je suis afin de
convaincre les agents en leur disant qu'ils peuvent être sous traitement
et vivre correctement comme tout le monde. Nous considérons le sida
comme une maladie chronique et non comme une maladie invalidante.
C'est une maladie chronique et les maladies chroniques, on en connaît.
C'est par exemple le diabète, l'hypertension artérielle, avec lesquelles
la prise en charge se fait correctement et les sujets vivent normalement.
Qu'est-ce que vous avez initié avec tout ce que
vous avez appris ?
L'ANADER a mis en place un fonds de traitement. On a démarré avec
15 millions constituant une contribution de l'ANADER en tant qu'institution
et une participation des agents eux-mêmes. Donc cela fait que le
budget pourra augmenter en fonction du nombre d'agents sous traitement.
Aujourd'hui, à l'ANADER lorsqu'un agent est dépisté séropositif,
il est pris en charge à 100% pour son traitement. Depuis notre retour
de Barcelone en juillet 2002 et de Paris en décembre de la même
année jusqu'en mars, nous avions déjà 6 agents dépistés séropositifs
et qui sont sous traitement. Et l'un d'entre eux fait des témoignages
à visage découvert. Aujourd'hui ce nombre est à 16 employés.
A combien s'élève le traitement par personne malade
ou séropositive ?
Pour le moment, nous sommes dans une fourchette qui selon les régimes
varie entre 48 000 et 60 000 F par mois et que l'ANADER prend en
charge à 100%.
Quelle est la situation du VIH/Sida à l'ANADER
?
Depuis 2001, le service médical et la direction de l'entreprise
sont très engagés dans la lutte contre le sida, mais on était encore
à la phase de sensibilisation.
A l'ANADER nous avons une organisation sur laquelle est calquée
notre politique de lutte contre le sida. Nous avons 60 zones sur
le territoire et dans chaque zone nous avons créé un comité de lutte
contre le sida. Et comme l'ANADER encadre le monde paysan, ses agents
mettent en place des comités villageois. On estime entre 7000 et
10 000 comités villageois à installer et à encadrer par les agents
de l'ANADER qui vivent dans ces villages. Sur cet objectif à atteindre
nous sommes à 3800 comités. Il s'agit là de comités opérationnels.
Mais pour les agents eux-mêmes, c'est-à-dire les 2500 personnes,
nous n'avons pas fait de test de dépistage systématique pour savoir
qui est séropositif et qui ne l'est pas. Mais on estime que l'Anader
peut être dans la fourchette nationale qui est de 10 à 12% de séropositifs.
Comment avez-vous fait pour que ces seize agents
révélés séropositifs acceptent de se faire dépister et surtout de
se dévoiler afin d'être mis sous traitement ?
Le directeur général a d'abord mis des garde-fous en faisant sortir
une note de service pour dire qu'aucun agent séropositif ne sera
renvoyé de son entreprise. Cela déjà a rassuré les travailleurs.
Ensuite, le médecin de l'entreprise a un budget, et c'est avec le
service des maladies infectieuses que nous travaillons. Un agent
vient chez nous, une fois qu'il est convaincu qu'il peut faire son
test, il est codifié. On ne prend plus son nom, il a un numéro,
il devient x 20 par exemple. Aux maladies infectieuses, x 20 prendra
son médicament, fera son prélèvement et tout, donc la confidentialité
est préservée.
Comment les agents ont-ils accueilli cette politique
de dépistage ? L'acceptent-ils facilement ou à la suite de plusieurs
maladies ?
Il y a deux catégories d'agents. Certains viennent parce qu'ils
veulent connaître leur sérologie, et ce sont généralement les femmes.
Pour les hommes, c'est généralement après une ou deux hospitalisations,
qu'on essaie de les convaincre à faire leur test. Ce qu'on a comme
possibilité en tant que médecin, c'est de faire le test à l'insu
du malade. Généralement c'est ce qui se fait en milieu hospitalier.
Mais en ce qui nous concerne il faut amener l'agent à accepter lui-même
de faire son test afin de pouvoir suivre le régime, parce qu'il
est contraignant. Si l'agent n'adhère pas, il ne pourra pas suivre
correctement son traitement. Donc si en hospitalisation on a vu
qu'il est séropositif, il va sortir, mais à sa sortie, nous l'amenons
progressivement, (c'est ce qu'on appelle le counselling) à faire
maintenant son test. Ce qui faisait que les agents ne se prêtaient
pas au test de dépistage, c'est qu'il n'y avait pas de prise en
charge après. Mais depuis que nous avons dit que tous ceux qui seront
révélés séropositifs à la suite du dépistage, recevront le traitement
pourront vivre comme tout le monde, les agents ont été réceptifs.
Comment cela se passe avec les agents de l'ANADER
qui sont à l'intérieur ?
Pour le moment, tous viennent à Abidjan pour commencer le traitement
et ils viennent une fois par mois pour renouveler le traitement.
Donc dans les perspectives (on a déjà envisagé cela avec MSD) c'est
de faire une formation avec les médecins qui sont à l'intérieur.
L'ANADER a 55 médecins vacataires à l'intérieur. J'ai déjà rencontré
ceux de Bondoukou, Bongouanou, Daoukro, Abengourou. Au lieu de faire
une formation pour chaque ville, on fera une formation groupée pour
tous à Abidjan en deux modules afin qu'ils puissent suivre directement
les agents. L'agent ne viendra à Abidjan que pour le pré- test et
le test et une fois qu'il aura commencé le régime, le médecin vacataire
va renouveler l'ordonnance et suivre le malade. Ce qui va éviter
les longs déplacements. Comme autre perspective, nous sommes en
train de voir avec un laboratoire pour les charges virales et le
taux de cd4. On a un protocole d'accord signé avec les maladies
infectieuses qui dit que nous rentrons dans un protocole de traitement
et que nous allons bénéficier des avantages du service des maladies
infectieuses. Eux, ils ont un pharmacien parce qu'en entreprise
pour commander des médicaments il faut avoir un pharmacien, or pour
le moment nous n'en avons pas, donc on se ravitaille à partir des
maladies infectieuses.
B. Zéguéla
Lire l'article original : http://www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=21220
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