C'est à Vancouver en juillet 1996, lors de la 11ème
conférence mondiale du sida, qu'il a été question pour la première
fois de traitements médicamenteux du sida. Des comprimés à prendre
avec un régime compliqué (à l'époque des prises différentes qui
pouvaient dépasser les 10 comprimés par jour). Il n'empêche, des
personnes infectées par le VIH aux Etats-Unis et en Europe avaient
goûté à "ces merveilles de la science", et on ne finissait pas de
vanter leurs mérites durant toute la conférence. Les présentations
scientifiques se suivaient pour montrer les acquis de cette nouvelle
thérapie, qui ne détruisait certes pas le virus du sida dans l'organisme,
mais le maintenait dans un état latent.
Commencer par bien distribuer
la nivaquine
Il n'était pas question à cette époque pour les
Africains en particulier et les malades des pays en développement
en général de disposer de ces précieux médicaments, d'utilisation
compliquée et chers. Deux éléments qui s'opposaient "de fait" à
leur accessibilité et disponibilité dans les pays du sud. Eux qui,
disait-on ironiquement, n'arrivaient pas encore à distribuer correctement
la nivaquine dans toutes leurs contrées. Alors que l'AZT et consorts
devaient être pris à heure fixe et à vie. L'Afrique et ses malades
devaient donc se contenter de faire la prévention. Rien que la prévention,
à travers l'information, l'éducation et la communication, la fameuse
IEC. Mais à Vancouver, le ministre de la Santé publique de la Côte
d'Ivoire à l'époque, le professeur Maurice Kacou Guikahué, est monté
au créneau en donnant une conférence de presse pour s'opposer à
cette vision "injuste" des choses. Notamment pour faire comprendre
que son pays n'était plus au stade de l'organisation de la distribution
de la nivaquine et de l'aspirine. Avec la PSP (Pharmacie de la Santé
Publique), la Côte d'Ivoire, a-t-il assené à qui voulait l'entendre,
peut distribuer correctement les antirétroviraux. Seul problème
à ses yeux : le coût des médicaments. Le message n'était pas tombé
dans l'oreille d'un sourd.
La Côte d'Ivoire bénéficie de
l'initiative ONUSIDA
Mais ce sera après la conférence mondiale de Genève
en juillet 1998 que la Côte d'Ivoire pourra accéder aux antirétroviraux,
du moins pour un peu plus de monde chez les économiquement faibles.
Sinon les riches, ceux qui pouvaient s'offrir ces médicaments à
500 000F par mois, se les procuraient déjà avec le Fonds sida du
professeur Bondurand. Bref !
A Genève, les nouveaux médicaments du sida étaient encore à l'honneur,
cette fois avec l'ambition affichée de la conférence, (la 12ème),
de rapprocher les deux mondes, le Sud et le Nord par rapport à la
disponibilité et l'accessibilité des antirétroviraux avec son thème
"Gap on the bridge". Un mois après cette conférence, la Côte d'Ivoire
est éligible à l'initiative ONUSIDA d'accès aux antirétroviraux
avec trois autres pays en développement. Une initiative qui sera
renforcée par un fonds de solidarité. Mais cette initiative ne touchera
jamais à terme les 4000 personnes annoncées par celui qui en fut
la cheville ouvrière, le professeur Guikahué.
Les présidents français et ivoirien
s'engagent
Après Vancouver et Genève, qui ont ouvert la marche
de "l'accessibilité" (ce qui ne réglait pas la difficile équation
de la disponibilité) des antirétroviraux et autres médicaments pour
les infections opportunistes du sida à une infime partie du continent,
Durban 2000 et Barcelone 2002, seront presque des répétitions. De
même que les conférences africaines, notamment Abidjan 1998 qui
a été le déclic avec les engagements des présidents ivoirien et
français de soutenir l'accessibilité et la disponibilité des traitements
du sida en Côte d'Ivoire. Le premier avec le fonds de solidarité
nationale et le second par le Fonds de solidarité thérapeutique
internationale (FSTI). Comme en 2000 à Durban avec la 13ème conférence
mondiale sur le sida, où il a été prôné de briser le silence, "Break
the silence", autour du sida ; tant dans la prévention que dans
le traitement ; Bangkok 2004 exige un "accès pour tous" à tout par
rapport au VIH/SIDA. Parce que de par le monde, surtout sur le continent
qui ne compte que 10% de la population mondiale, mais porte malheureusement
tout le poids de la pandémie, il y a encore un besoin croissant
d'accéder à l'information et à l'éducation sur le VIH/SIDA, aux
traitements et aux médicaments. 50 000 personnes reçoivent les traitements
antirétroviraux en Afrique subsaharienne. Alors que ce sont 4,1
millions de personnes qui en ont besoin. Pour l'ensemble des pays
en développement, ce sont 6 millions de personnes qui ont besoin
de traitement, contre 300 000 effectivement sous traitement. Bangkok
2004 vise aussi un accès à une meilleure politique à l'endroit des
décideurs dans nos Etats en vue d'une distribution équilibrée des
ressources.
Le pire est à venir
La 15ème conférence mondiale sur le sida à Bangkok
veut associer ainsi la science, la communauté, les politiques afin
d'atteindre au soir du 16 juillet, de meilleures perspectives scientifiques
et sociales dans cette lutte de l'humanité entière contre le VIH/SIDA.
Qui continue sa marche dévastatrice. Car à en croire le docteur
Peter Piot, directeur exécutif de l'ONUSIDA, le pire est à venir.
Plus de 20 ans après le diagnostic du premier cas de sida, Piot
prévient : "Les retombées sociales et économiques les plus catastrophiques
du sida restent à venir."
En effet, le virus du sida qui a encore infecté l'an dernier, 5
millions de personnes dans le monde dont 3, 2 en Afrique, ne bénéficie
pas jusque-là selon le patron de l'ONUSIDA de toutes les ressources
financières qu'il faut. Les initiatives de l'OMS, de fournir des
médicaments antirétroviraux à trois millions de personnes d'ici
2005, du Programme d'urgence du président des Etats-Unis, qui va
par exemple mettre sous traitement antirétroviraux en Côte d'Ivoire
77 000 personnes et toucher 15 pays dans le monde sont certes louables.
Mais les 10 milliards de dollars nécessaires tous les ans à la lutte
contre cette maladie ne sont pas toujours matérialisés, déplore
le docteur Piot. Pour qui, avec les taux d'infection, lutter efficacement
contre la pandémie du siècle dans le monde coûtera 15 milliards
par an d'ici 2007.
BAKAYOKO Zeguela
Lire l'article original : http://www.fratmat.co.ci/content/detail.php?cid=9RybJW4avZQ
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