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L'Express | Maurice | 08/04/2018 | Lire l'article original
Si sa famille et elle ont regagné Maurice en septembre dernier, ce n’est que depuis trois semaines que le Dr Mehjabeen Beebeejaun a ouvert sa consultation à Beau-Bassin. Elle est l’aînée d’une famille de trois enfants. Son père était manager des Financial Operations au ministère de la Santé et sa mère, une femme au foyer dévouée.
À la fin de sa scolarité primaire, la jeune femme est admise au collège Lorette de Port-Louis, où elle effectue sa scolarité secondaire, privilégiant les matières scientifiques. Ses trois A lui valent l’obtention d’une bourse australienne qu’elle refuse car celle-ci n’est pas en médecine, le domaine qui l’intéresse.
C’est à l’université de Cape Town, en Afrique du Sud, qu’elle étudie la médecine générale pendant six ans et obtient son diplôme. Elle regagne ensuite Maurice et fait son internat d’un an à l’hôpital SSRN, puis passe quatre mois en tant que Registered Medical Officer à l’hôpital de Flacq.
Cette perfectionniste veut se spécialiser. Elle décide alors de partir s’installer en Grande-Bretagne, où elle effectue sa spécialisation. C’est au sein de deux centres hospitaliers de renommée internationale, à savoir St George’s Hospital et King’s College Hospital, qu’elle travaille, d’abord pour identifier son domaine de spécialisation et ensuite pour parfaire ses connaissances.
Fascinée par les fluctuations des hormones et leurs conséquences sur le métabolisme, c’est tout naturellement qu’elle se dirige vers la médecine interne et suit une double spécialisation en endocrinologie et diabétologie. D’autant qu’elle sait qu’elle veut retourner vivre à Maurice, où l’incidence du diabète est très élevée.
Cette double spécialisation dure cinq ans. Elle acquiert de l’expérience clinique non seulement en gestion du diabète de Type 1 et 2, mais aussi en technologie du diabète, en soins de pieds diabétiques, en diabète anténatal, en maladie rénale due au diabète, en obésité, en psychologie du diabète, pour ne citer que ceux-là.
Estimant qu’elle a acquis suffisamment d’expérience en Grande-Bretagne, en septembre dernier, elle décide d’apporter son expertise à Maurice comme elle l’avait planifié. Toute la famille rentre au pays. Son mari, Taariq Mauthoor, trouve de l’emploi comme Managing Director au sein du GMF Engineering Group.
« Imposer un traitement est contre-productif »
En la comptant, cela fait cinq diabétologues- endocrinologues à exercer dans le privé. Ce qui n’est pas énorme lorsque l’on sait que la prévalence du diabète à Maurice est de 22 % et que plus de 19 % de la population est en étape prédiabétique. Si elle a choisi le privé au lieu du secteur public, c’est parce qu’elle refuse de faire un compromis sur la qualité des soins.
« Toutes les options de traitement ne sont pas disponibles dans les hôpitaux. Ensuite, à l’hôpital, les procédures administratives peuvent limiter les capacités d’intervention des praticiens. Et puis, je pense que je peux être plus utile dans le privé », explique-t-elle.
Ce qu’elle veut apporter aux patients mauriciens, c’est un « first class British standard of care. Je veux introduire un traitement moderne du diabète centré sur le patient après avoir établi un tailor-made assessment et établi son profil psychosocial ». Si elle a décidé de procéder ainsi, c’est parce qu’elle a réalisé qu’imposer un traitement n’assure pas une meilleure adhésion.
« Imposer un traitement est contre-productif car au final, son adhésion repose sur le patient. Il ne faut pas qu’il accepte devant moi et que derrière mon dos il ne suive pas son traitement. Je fais donc l’évaluation psychosociale pour identifier les éventuels blocages et suggérer un traitement qui s’insère dans un Integrated Care Plan adapté à sa vie. Il faut que ce soit un mutual agreement, car c’est ainsi que le patient va suivre son traitement. »
Il est très rare qu’elle rédige une ordonnance à la main. « J’utilise la technologie. Mes registres de patients sont informatisés. Après chaque consultation, j’imprime mes remarques et une copie est remise au patient pour qu’il puisse s’y référer, en cas de besoin. Cela favorise la prise en charge. Et puis, si cette personne veut aller se faire soigner à l’hôpital ou au dispensaire, elle peut toujours emmener la copie de son dossier afin que le praticien qui l’examine sache exactement quel traitement elle a suivi jusque-là. »
Le ministère de la Santé et certaines organisations non gouvernementales multiplient les efforts pour sensibiliser la population aux complications liées au diabète. Mais ce n’est pas pour autant que la prévalence de cette maladie recule ou que les diabétiques gèrent mieux leur glycémie.
À quoi l’attribue-t-elle ? « Le diabète est causé par une multitude de facteurs. Il a une base génétique mais est alimenté par le mode de vie et une combinaison d’autres facteurs. Je crois que les diabétiques ne sont toujours pas suffisamment conscients des séquelles du diabète car, autrement, ils auraient mieux géré leur glycémie. »
Le Dr Mehjabeen Beebeejaun indique qu’elle veut justement développer une relation plus étroite entre médecin et patients pour qu’ils comprennent comment leur métabolisme fonctionne et les conséquences d’un diabète non contrôlé. « Et puis, il y a aussi de nombreuses personnes qui sont en étape prédiabétique et qui l’ignorent, alors qu’il leur suffit de faire un bilan sanguin pour le savoir et agir en conséquence. »
Le conseil qu’elle donnerait à tout Mauricien de 40 ans à monter, c’est de faire un bilan sanguin annuel afin de voir si tous leurs paramètres de santé sont normaux. « Cela devrait être un test de routine. Il y a des gens qui préfèrent ne pas savoir. On dit qu’ignorance is bliss, mais ignorance is not bliss in non-communicable diseases. Quand un diabétique développe une gangrène au pied et qu’il faut l’amputer, par exemple, savoir qu’il aurait pu sauver ce membre s’il avait pris soin de lui plus tôt n’est pas rien. »
Pour informer le plus grand nombre, le Dr Beebeejaun compte lancer son site web, qui est en cours de réalisation. En outre, elle veut bientôt ouvrir une DiabetesWellness Clinic au Labourdonnais Court, à Port-Louis, où une équipe pluridisciplinaire s’activera pour prendre en charge les patients et faire de la prévention.
Par Marie-Annick Savripène
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