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Revue de presse de Santé tropicale

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Une nuit aux urgences de Yalgado

L'Observateur | Burkina Faso | 19/03/2006 | Lire l'article original

Service le plus fréquenté du Centre hospitalier universitaire Yalgado-Ouédraogo (CHU-YO), les Urgences traumatologiques illustrent à elles seules les difficiles conditions d’accès de la majorité des Burkinabè aux soins de santé. Nous y avons passé une nuit entière ce vendredi 24 février 2006, de 20 heures au lendemain 8 heures. Constat majeur : la santé, contrairement à ce que dit l’adage, a un prix malheureusement hors de portée de nombre de malades.

Des malades qui gémissent de douleur dans les couloirs. Des accompagnants qui exhalent mauvaise humeur et colère. Un personnel de garde débordé. Un ballet interminable d’ambulances transportant des blessés. Un violent choc émotionnel engendré par ces images insoutenables secoue le visiteur. Au service des urgences traumatologiques, le repos est un luxe auquel le personnel n’a pas droit.

"Il n’y a pas d’urgence à l’hôpital Yalgado"
"J’ai donné cours ce matin à 7 heures. Je suis revenu faire la visite aux hospitalisés et élaborer le programme opératoire. Je suis descendu à 14 heures et me voici de garde la nuit", raconte, pressé, le docteur Christophe Da, chirurgien traumatologue, sur le point d’entrer au bloc opératoire. Puis de s’empresser de lâcher : "Il faut former des chirurgiens orthopédistes". Avec une moyenne de 35 cas d’urgence par jour (avec des extrêmes pouvant aller jusqu’à 60 et même à 80 pendant la fête de la bière) pour une équipe de garde composée d’un seul chirurgien, de deux anesthésistes, d’un aide opérateur, d’une équipe d’infirmiers et de deux brancardiers, l’accès aux soins est un véritable chemin de croix, et la notion d’urgence vient à perdre tout son sens : "A l’hôpital Yalgado, il n’y a pas d’urgence", conclut le docteur Da.
Son homologue Innocent Nacoulma, chef de service adjoint, rencontré dans la journée, n’a pas dit autre chose que lui : "l’on a beau travailler toute la nuit, on ne peut pas s’occuper de tous les patients. Nous avons la chair de poule lorsque nous regardons les malades couchés dans les couloirs". Depuis trois jours, Salam Ouédraogo, âgé de 15 ans, est couché sur un morceau de natte dans le couloir gauche. Le visage tuméfié et le dos recouvert d’un gros pansement, il traîne, par le bras, une poche de soluté vide depuis deux jours. Renversé par un motocycliste qui a pris la fuite, il a été évacué aux urgences sans accompagnateur. Les quelques soins qu’il a pu recevoir, Salam les doit à l’association caritative "Contact sans limite", qui intervient dans le domaine de l’aide aux malades indigents. "J’ai toujours mal à la tête. Je n’ai personne avec moi ici, mes parents habitent le quartier Dassasgho", bredouille-t-il, l’haleine nauséabonde.

Des pratiques médicales d’un autre âge
A côté de lui, un jeune homme se tord de douleur, la tête posée sur les jambes de son frère. Rongé par une gangrène à la jambe gauche suite à une fracture mal soignée à l’indigénat, il attend d’être amputé. A intervalles réguliers, les blessés, évacués par des ambulances des sapeurs-pompiers, des véhicules personnels voire même au moyen d’engins à deux roues, affluent toujours. Les lits des salles d’attentes sont tous occupés. Les couloirs grouillent de blessés et d’accompagnateurs.
L’interne de 7e année Hamidou Séogo du service d’accueil ne peut nous recevoir, faute de temps libre. "Les capacités d’accueil de l’hôpital Yalgado sont dépassées depuis 30 ans. Il faut construire deux ou trois autres de plus. Ouagadougou ne peut plus se contenter d’un seul hôpital. Un point un trait", nous avait martelé le docteur Nacoulma.

Structure médicale la plus sollicitée, et distinguée pour cela par d’un prix décerné à elle l’année dernière, le service d’urgences traumatologiques est pourtant considéré comme le parent pauvre de l’hôpital Yalgado. Déficit en ressources humaines, matériel médical insuffisant et parfois désuet. Il arrive qu’une équipe chirurgicale prête pour une intervention soit contrainte de différer l’opération faute de matériels stérilisés. L’admission d’un blessé en salle d’opérations peut aussi être retardée pour manque de brancard libre. "Nous manquons jusqu’au strict minimum. C’est vrai que le matériel coûte cher, mais il faut mettre le prix parce que la plupart des accidentés sont des jeunes qu’il faut remettre vite en activité. Sinon, ce sont des bras valides qui séjournent inutilement à l’hôpital", se plaint, à n’en pas finir, le docteur Da.
Face à cet état de dénuement et d’obsolescence matériels, une seule solution, à la limite de la résignation : se débrouiller avec les moyens du bord. Conséquence : lenteur dans la prise en charge et soins réduits au strict minimum.

A entendre certains chirurgiens, le recours, par exemple aux broches (instruments pour maintenir les os fracturés) pour effectuer les parages (nettoyages d’une fracture ouverte pour enlever les morceaux d’os, de chair et les corps étrangers pour éviter toute surinfection) semble être une pratique d’un autre âge. "Cette technique prolonge le temps d’immobilisation et occasionne souvent un mauvais alignement des os. Ailleurs, ça ne se fait plus comme ça", explique, en fin connaisseur, le docteur Da.
Mais le principal motif de ressentiment des malades et de leurs parents reste le temps d’attente. Très long, il est aussi source de complications des lésions : "Pour bien prendre en urgence une fracture ouverte, il faut le faire dans les six heures qui suivent l’accident, pour éviter toute infection. Ici, si vous obtenez un parage dans les délais requis, vous êtes un chanceux. En général, les blessés peuvent attendre douze à vingt-quatre heures", estime toujours le docteur Da, qui a du mal à dissimuler son impuissance.

Accompagnateur d’un patient souffrant d’une fracture ouverte au tibia lors d’un accident de la route à Yako, Alexis Zoma témoigne : "Nous avons été évacués ici à 7 heures, mais c’est à 16 heures que nous avons pu faire la radiographie. Quant à l’intervention chirurgicale, c’est à 20 heures que mon patient a eu accès au bloc opératoire". Fort heureusement, l’intervention, qui a duré cinq heures, fut un vrai succès au regard de la gravité du cas. Le pied du blessé, qui n’était relié au reste du tibia que par un lambeau de chair, fut remis à l’endroit. "Du beau travail", s’est écrié un infirmier. Même sentiment de satisfaction et d’admiration chez nombre d’accompagnateurs.
Amertume toujours vivace chez d’autres, par contre. C’est le cas d’Ahmed Nassa, accompagnateur d’un autre blessé du même accident de Yako. "Il n’y a pas de place pour les pauvres ici. Sans argent, tu n’as pas de soins. Pourtant, chaque jour, on entend dire que l’hôpital a reçu des dons", bougonne-t-il. Lorsque nous abordons les conditions d’acquisition des kits d’urgence (produits destinés aux premiers soins pour lever l’urgence et délivrés, en principe, sans prépaiement), Ahmed nous entraîne hors du bâtiment, fait la moue, hausse les épaules avant de fulminer : "Depuis ce matin, j’ai acheté tous les produits, dont certains ont même disparu en salle d’attentes. On dit que les kits sont livrés sans prépaiement, mais c’est faux. Je suis un habitué des services d’urgences et je sais de quoi je parle".

Kits sans prépaiement, une histoire ambiguë
Pourtant, selon une réglementation du Service des urgences, lorsqu’un patient y arrive, en fonction des lésions qu’il présente et des actes médicaux qui doivent être posés pour sa prise en charge, le médecin détermine le kit (dont le montant varie de 2 000 F CFA à 50 000 F CFA), qui est, en principe, servi sans paiement à l’avance. Après les traitements, une facture est établie puis remise au patient ou à son accompagnateur : "Les soins d’urgence sont un droit pour tout blessé qui arrive ici. Qu’il ait de l’argent avec lui ou pas, les produits lui sont livrés immédiatement, non pas gratuitement, mais seulement sans prépaiement", explique l’agent du recouvrement, Harouna Ouédraogo, de garde cette nuit du 24 février. Mais de déplorer plus loin : "Malheureusement, certaines personnes sont de mauvaise foi. Une fois les soins obtenus, elles disparaissent dans la nature, nous laissant leurs pièces d’identité, passeports, permis de conduire ou même leurs contrats de travail".

Institué sous le gouvernement de l’ancien Premier ministre Désiré Kadré Ouédraogo, le principe de la prise en charge sans prépaiement a engendré, en fait, une certaine confusion dans l’esprit des malades, et son application semble être fonction de la solvabilité du patient.
"La notion de sans prépaiement est perçue chez certains comme de la gratuité", relève la directrice générale du CHU-YO, Christine Naré, que nous avons rencontrée trois jours plus tard. "Parfois, face à certains malades qui ne sont pas fiables, l’agent du recouvrement demande un paiement à l’avance, mais cela n’est pas normal", a-t-elle reconnu plus loin.

4h 40 mn du matin. Une ambulance des sapeurs-pompiers, gyrophare allumé, arrive en trombe avec un accidenté de nationalité ghanéenne. Diagnostic effroyable : fracture ouverte de la jambe. Son frère Edmond Koffi, muni d’une ordonnance prescrite par le service d’accueil, court au dépôt de kits d’urgence. Sitôt arrivé, sitôt servi. Mais il n’a ni pièce d’identité pour la garantie, ni argent pour le paiement. L’agent du recouvrement rouspète. Une discussion s’engage entre les deux. Mais de savantes explications, Koffi n’en a cure. Le kit agrippé, il file au chevet de son frère aîné. Mais peu après, il paiera... cher son refus d’obtempérer : sans le quitus de l’agent du recouvrement, impossible d’accéder à la salle de radiologie. Donc pas d’intervention chirurgicale. Malgré ses supplications et ses multiples engagements verbaux, rien n’y fera. Aux environs de 6 heures du matin, Koffi quitte l’hôpital en quête d’une hypothétique aide auprès des siens au secteur 16 de Ouagadougou.

Le cas pathétique de Noufou
Le cas le plus troublant reste celui de Noufou Ouédraogo, âgé d’à peine 25 ans. Blessé à coups de machette aux bras lors d’une rixe, il est transporté d’urgence à l’hôpital par un oncle vers 2 heures du matin. Baignant toujours dans son sang, il est pourtant abandonné par son accompagnateur. Désargenté au centime près, Noufou se verra refusé le kit d’urgence pour "manque d’accompagnateur". Couché à même le sol, il se mord les lèvres pour étouffer les cris de douleur. Puis, dans un grand effort, il quitte la salle d’attentes, nous croise à l’entrée principale du bâtiment et nous confond à un infirmier : "S’il vous plaît, il faut me soigner. Quand mon grand frère va venir, il paiera tout", nous supplie-t-il, tenant son bras droit blessé, le visage creusé par la souffrance. Les minutes passent... il est 4h30 du matin. Rongé par la douleur et las d’attendre un frère qui n’arrive pas, Noufou ne se fait plus d’illusions. Nonchalamment, il reprend peu avant 7 heures le chemin de son domicile. Dans le même état qu’à son arrivée.

"Les blessés sans accompagnateurs ne bénéficient pas de prise en charge sans prépaiement", rétorqua l’agent du recouvrement lorsque nous sommes revenu sur le cas de Noufou. La mésaventure de ce jeune homme révèle toute la complexité, voire l’ambiguïté de la prise en charge sans prépaiement, et les chirurgiens ne manquent pas l’occasion de soulever le problème : "Lorsque le patient n’a pas les moyens de s’acquitter du coût de son kit, nous sommes dans l’obligation de différer la levée d’urgence. Ce n’est pas logique, et c’est contraire aux règles scientifiques de traitement des lésions", a reconnu le docteur Nacoulma.
Et le chirurgien Da d’enfoncer le clou : "Ils disent qu’il n’y a pas de prépaiement, mais allez interroger les malades. Je dis souvent à certains patients, que je n’ai que mes dix doigts. Il m’est arrivé de me rendre chez l’agent du recouvrement pour lui signifier que c’est une question de vie ou de mort, et que je prends sur moi la responsabilité d’emmener des kits".

Quand nous quittions les urgences aux environs de 8 heures, cette réflexion de notre confrère Sourou Sanon, chargé de communication du CHU-YO, nous taraudait l’esprit : "Lorsque vous voyez la souffrance humaine qu’il y a aux Urgences, vous êtes obligé de cultiver l’humilité et la compassion".
Et de penser avec tant d’autres, que face à l’insuffisance des ressources humaines, et la carence des moyens matériels constatées, il y a vraiment des urgences aux Urgences au CHU-YO comme un peu partout ailleurs du reste.

Alain Saint Robespierre

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