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Pascal Müller et Klaas Heyland pour la Société nord-américaine de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques (SSGHNP) - () - Suisse - pdf - (Source : )
Adaptation des recommandations de la Société nord-américaine de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques à la situation en Suisse.
Pascal Müller et Klaas Heyland pour la SSGHNP
Traduction : Rudolf Schlaepfer, La Chaux-de-Fonds
Cet article a pour but de résumer et commenter les recommandations de la Société nord-américaine de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique (NASPGHAN) concernant l’évaluation et le traitement de la constipation chez le nourrisson et l’enfant, en l’adaptant aux conditions suisses 1. La publication de ces recommandations date de 2006 et conserve toute sa validité. Il n’existe actuellement pas de recommandations de la Société européenne de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique (ES-PGHAN).
La constipation est une émission retardée et douloureuse des selles, durant deux semaines ou plus, qui s’accompagne d’un inconfort significatif pour le patient. La constipation fait partie des troubles fonctionnels du tractus gastrointestinal, définis par les critères de Rome III 2. Les problèmes inhérents aux selles représentent jusqu’à 3% des motifs de consultation dans la pratique pédiatrique générale et jusqu’à 25% des consultations du gastroentérologue pédiatre. De nombreux parents craignent qu’une maladie organique soit à l’origine de la constipation.
Par constipation fonctionnelle, on entend un trouble de la défécation sans évidence objective d’une maladie sous-jacente – étant en général douloureux il entraîne des manœuvres de rétention volontaire, afin d’éviter l’émission désagréable des selles.
La défécation est supprimée par contraction du sphincter anal, ce qui provoque, à long terme, une dilatation du rectum, éventuellement une accoutumance et l’affaiblissement de la sensation du besoin d’aller à selles. Soiling, irritabilité, douleurs abominales, ballonnement et inappétence seront des signes cliniques plus tardifs.
L’anamnèse détaillée mettra l’accent sur un éventuel passage retardé du méconium, la nature actuelle des selles, leur fréquence, taille, consistance, la durée des symptômes, la présence de douleurs accompagnant la défécation, de sang sur les selles ou le papier de toilette, de douleurs abdominales.
Les parents interprètent parfois le soiling comme étant de la diarrhée. La présence de manœuvres de rétention de la part de l’enfant rend une cause organique improbable. Il faut également s’intéresser à une éventuelle prise de médicaments.
La fièvre, les troubles de la croissance staturo-pondérale, les nausées et vomissements ou les rectorragies du nourrisson (pouvant indiquer une entérocolite suite à une maladie de Hirschsprung) sont des signes d’alerte évoquant une maladie organique.
L’anamnèse psychosociale explore la structure et les interactions familiales ainsi que la possibilité de mauvais traitement ou d’abus.
L’examen clinique de l’enfant comprend, outre la palpation abdominale, l’inspection de la région périnéale. Le toucher rectal permet l’appréciation du tonus du sphincter externe, d’une éventuelle sténose et du contenu de l’ampoule. Une fossette ou une agénésie sacrale, l’absence de relief du sphincter anal ou une sensibilité périanale réduite, un rectum vide en présence d’une masse abdominale palpable, l’évacuation explosive de selles après le toucher rectal ou des troubles neurologiques des membres inférieurs sont autant d’indices d’une affection organique.
Dans la grande majorité des cas, l’anamnèse et l’examen clinique permettent de poser le diagnostic de constipation fonctionnelle.
Tableau 1: Laxatifs couramment utilisés (les indications détaillées concernant les produits se trouvent dans le Compendium suisse des médicaments).
Médicament | Dosage | Effets indésirables | Remarques |
---|---|---|---|
Lactulose | 1-3 ml/kg/jour, si nécessaire augmenter la dose | Flatulence, douleurs abdominales | Disaccharide synthétique |
PEG 3350/4000* | Traitement de départ 1-1.5 g/kg/jour, traitement d’entretien 0.4-1 g/kg/jour | Les préparations commercialisées contiennent des électrolytes : compliance parfois moins bonne. Le principe actif (Macrogolum 4000 pulvis) s’obtient aussi exempt d’électrolytes. |
|
Huile de paraffine** | ≥ 18 mois: 5-10 ml p.o. ≥6 ans: 10-45 ml p.o. |
Pneumonie lors d’aspiration, malabsorption lors d’utilisation à long terme | |
Extrait de séné | A partir de 6 ans : 1 ml/kg, 1x/jour | Coliques abdominales, diarrhée |
Pas d’utilisation à long terme, e.a. à cause du risque d’accoutumance |
Bisacodyl | 4–12 ans: 1 x 5 mg p.o. ou application rectale > 12 ans: 10 mg p.o. ou application rectale |
Coliques abdominales, diarrhée, hypokaliémie, vomissements, proctite après application rectale | Pas d’utilisation à long terme à cause du risque d’accoutumance, de troubles de l’équilibre hydrique et électrolytique |
Suppositoires à base de glycérine ou de bicarbonate de soude | Si nécessaire un suppositoire en dosage adapté à l’âge | ||
Lavements osmotiques à base de phosphates | ≥ 2 ans 6 ml/kg, max. 133 ml | Risque de traumatisme mécanique, hyperphosphatémie, hypocalcémie | ≤ 2 ans en dosage réduit, cave insuffisance rénale |
* Macrogolum 4000 pulvis: non enregistré/admis en Suisse, disponible sous forme de principe actif.
** admis en Suisse à partir de 18 mois, aux USA dès 12 mois.
Tableau 2 : Signes cliniques d’alarme en cas de constipation
Troubles de la croissance staturo-pondérale |
Vomissements récidivants |
Signes d’ileus |
Anomalies à l’inspection de la région anogénitale |
Toucher rectal pathologique |
Evacuation explosive de selles après toucher rectal |
Troubles neurologiques |
La prise en charge d’un enfant souffrant d’une constipation fonctionnelle comprend fondamentalement les étapes suivantes : désimpaction d’une éventuelle retenue de selles, introduction d’un traitement de maintien par voie orale, formation des parents en vue d’une modification du comportement, contrôles réguliers et – si nécessaire – adaptation de la médication.
La formation des parents consiste, dans un premier temps, à expliquer les interactions physiopathologiques et à démystifier la maladie. En présence de soiling il est important d’atténuer les sentiments négatifs et de culpabilité et d’inciter les parents à adopter une attitude positive face aux multiples aspects de la maladie et du traitement.
Le diagnostic d’impaction fécale se fait cliniquement par palpation abdominale, éventuellement par toucher rectal, mettant en évidence une ampoule remplie de selles ou, dans de rares cas, par un examen radiologique conventionnel de l’abdomen à vide.
Pour la désimpaction s’avèrent efficaces des médicaments par voie orale ou rectale,le vécu de la variante orale étant normalement moins traumatisant. Par voie orale on utilise des doses élevées de laxatifs osmotiques (disaccharides, préparations à base de polyéthylène glycol [PEG]), les huiles minérales ou les stimulants (extraits de séné, bisacodyl) (tabl.1).
L’application rectale se fait au moyen de lavements à base de solutions électrolytiques; chez le nourrisson on utilise également les suppositoires de glycérine et, dès la petite enfance, les suppositoires de bisacodyl ou à base de bicarbonate de soude, formant du CO2.
La désimpaction est suivie d’un traitement de maintien, en première ligne médicamenteux, accompagné de mesures diététiques et de modifications comportementales. Afin de garantir une bonne compliance, le traitement médicamenteux doit permettre une évacuation quotidienne et sans douleur de selles molles, les produits doivent être faciles à avaler et occasionner le moins d’effets indésirables possible. Outre les disaccharides (lactulose, sorbitol), sont surtout utilisés les laxatifs osmotiques à base de PEG (PEG 3350/4000); l’utilisation à long terme de stimulants n’est pas conseillée. L’efficacité et la tolérance des produits à effet osmotique et leur utilisation à long terme sont scientifiquement bien documentées. A cause du risque de complications pulmonaires en cas d’aspiration et de malabsorption lors de dosage élevé, les produits contenant des huiles minérales ne devraient être utilisés qu’avec retenue. Le traitement médicamenteux s’étend normalement sur une durée prolongée, normalement deux à six mois, si nécessaire plus longtemps.
Les mesures diététiques sont souvent conseillées. Les preuves scientifiques de leur bénéfice sont pourtant limitées, souvent elles n’ont pas été recherchées. Ces mesures englobent un plus grand apport en liquides et une alimentation équilibrée avec des hydrates en carbone non résorbables (fibres). En complément, des jus de fruits (pruneaux, pommes ou poires p.ex.) peuvent être utilisés pour leur effet laxatif. Pour les petits enfants qui ne répondent pas au traitement, un essai durant deux semaines avec une alimentation exempte de protéines bovines se justifie.
Selon l’âge de l’enfant, les modifications comportementales jouent un rôle important. Elles comprennent l’instauration d’un horaire: après le repas l’enfant se rend sans contrainte et pendant quelques minutes aux toilettes, afin de conditionner, à long terme, le reflexe gastro-colique et d’intégrer, dans le cas optimal, l’évacuation des selles dans le cours normal de sa journée. Des systèmes de récompenses sont également à envisager, mais là aussi les données scientifiques ne sont que fragmentaires. Dans des cas individuels le traitement par bio-feedback ou une exploration psychologique peuvent s’avérer utile.
Le suivi régulier de la famille et une grande disponibilité sont importants, afin de rendre l’enfant et ses parents le plus rapidement indépendants et aptes à gérer la constipation.
Il est raisonnable de référer l’enfant au gastroentérologue pédiatre en cas d’échec de traitement ou en présence de signes évoquant une maladie organique sous-jacente.
Les signes d’alerte sont résumés dans le tableau 2. Le gastroentérologue pédiatre réexaminera l’enfant, cherchera à préciser le diagnostic différentiel par des investigations complémentaires et réajustera ou intensifiera le traitement. En général il s’agira d’exclure une coeliakie, une hypothyroïdie, une hypercalcémie, une hypokaliémie et une mucoviscidose.
En cas de doute on procédera aux investigations suivantes :
1) Clinical Practice Guideline: Evaluation and Treatment of Constipation in Infants and Children.
Journal of Pediatric Gastroenterology and Nutrition 43: e1–e13, September 2006 Lippincott Williams & Wilkins, Philadelphia.
2) Rasquin A, Di Lorenzo C, Forbes D, et al. Childhood functional gastrointestinal disorders: child/adolescent. Gastroenterology 2006; 130 (5): 1527–37.
Correspondance
Dr Pascal Müller
Ostschweizer Kinderspital
9006 St. Gallen
pascal.mueller@kispisg.ch
Dr Klaas Heyland
Kinderklinik, Kantonsspital Winterthur
8401 Winterthur
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