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Revue de presse scientifique de APIDPM Santé tropicale


Douleur abdominale et lombaire aiguë chez l’enfant et chez l’adulte

Yves Patrice Le Treut, Jean Hardwigsen, Thierry Merrot, Eric Lechevallier Septembre 2005 - (Faculté de Médecine de Marseille) - France - pdf - (Source : )

Objectifs pédagogiques :

1. Introduction

On définit la Douleur Abdominale Aiguë (DAA) par une douleur se projetant sur l’abdomen et évoluant depuis moins d’une semaine au moment de la consultation. Il s’agit d’un motif très fréquent de consultation en urgence, avec un taux d’hospitalisation subséquent qui avoisine 1 patient sur 2, et une proportion importante d’interventions chirurgicales ultérieures. La DAA peut être le signe d’appel d’une affection intra-abdominale (gastro-intestinale, uro-génitale ou vasculaire) mais aussi d’une affection cardiaque, pulmonaire, endocrinienne ou métabolique. Le diagnostic d’une DAA est souvent difficile et la prise en charge d’un patient présentant une DAA doit avant tout essayer de déceler une affection potentiellement grave, relevant d’un traitement urgent, en règle chirurgical. A cet égard, la place de la clinique - interrogatoire et examen - reste fondamentale, et la prescription des examens para-cliniques, en particulier d’imagerie, ne doit pas être systématique mais ciblée. On pourra décider de poursuivre les investigations jusqu’à l’obtention d’un diagnostic, ou de traiter chirurgicalement malgré l’absence de diagnostic certain : faire le diagnostic de péritonite par perforation est plus important que d’en déterminer la cause. En urgence, une bonne décision est plus importante qu’un diagnostic précis.

2. Les signes et leur interprétation

Pour caractériser la DAA, la valeur informative de l’interrogatoire est déterminante, car elle est très supérieure à celle de l’examen physique. L’interrogatoire doit préciser les caractères de la douleur, les autres signes fonctionnels, mais aussi les antécédents du patient.

2.1. Rappel sur les indices informationnels

2.2. Analyse de la douleur

Il faut en préciser le siège et les irradiations, les modes d’installation et d’évolution, l’intensité et le type, les facteurs qui la modifient, l’existence d’épisode identique dans les antécédents.

2.2.1. Siège

Le mode de transmission des stimulations nociceptives doit être connu. La douleur viscérale pure (ischémie, distension ou inflammation localisée à l’organe) est transmise par le système nerveux autonome. Soit elle n’est pas localisée par le patient, soit elle est localisée sur la ligne médiane, au niveau de l’épigastre, de la région péri-ombilicale, ou de l’hypogastre. La douleur pariétale, qui prend son point de départ au niveau du péritoine pariétal stimulé par une inflammation, est transmise par le système nerveux central ; elle est beaucoup mieux localisée par le patient, en regard de l’organe intéressé. La succession dans le temps des deux types de douleur est possible : la douleur péri ombilicale ou épigastrique avec migration secondaire vers la Fosse Iliaque Droite (FID) est ainsi très évocatrice de l’appendicite ; pour les auteurs anglo-saxons, la sensibilité de ce signe serait de 60 à 70% et sa spécificité de 80 %.

2.2.2. Certaines irradiations douloureuses sont très évocatrices de l’atteinte d’un organe

Il arrive que la douleur irradiée l’emporte en intensité sur le siège initial de la douleur : il est ainsi de l’irradiation scapulaire postérieure, à la pointe de l’omoplate, des affections biliaires ou des collections sous phréniques ; de l’irradiation transfixiante postérieure des affections pancréatiques, ou de l’irradiation descendante, vers les organes génitaux externes des coliques néphrétiques.

2.2.3. Mode d’installation et évolution

une douleur brutale, installée en quelques secondes et d’emblée maximale évoque une perforation, une embolie ou une rupture ; une douleur rapide, en quelques minutes, et maximale en quelques heures, évoque une ischémie, un obstacle, une torsion. Une douleur progressive s’installe en quelques heures ou jours et reste souvent supportable : elle évoque un foyer inflammatoire, une occlusion, une tumeur. D’une manière générale, les douleurs d’origine organique évoluent vers l’aggravation, tandis que les douleurs non spécifiées s’atténuent. C’est d’ailleurs sur ce principe que repose l’attitude de « mise en observation » des patients qui présentent une DAA atypique.

2.2.4. l’intensité de la douleur peut-être appréciée de façon

subjective (légère, moyenne ou sévère), ou mieux en utilisant une échelle analogique (règle de la douleur). Mais il est plus intéressant de faire préciser le type intermittent ou continu. Il peut s’agir d’une douleur paroxystique à type de crampe, ou de colique : douleur à type de torsion, s’aggravant par paliers, jusqu’à un maximum précédant de peu l’accalmie ; les paroxysmes douloureux correspondent à la contraction des fibres musculaires lisses luttant contre un obstacle. La douleur permanente, intense, est observée dans la distension viscérale ou l’ischémie. La coexistence des deux types douloureux est possible en cas d’occlusion par strangulation : une douleur permanente intense en rapport avec l’ischémie digestive, et des paroxysmes douloureux traduisant l’obstruction intestinale.

2.2.5. Facteurs d’exacerbation et de soulagement

l’exagération de la douleur à la marche, à la toux, à l’inspiration profonde est observée dans les foyers inflammatoires intra-abdominaux, lorsqu’ils viennent irriter le péritoine pariétal lors de la mobilisation viscérale. Ce type de douleur est calmé par l’immobilité, qui frappe à l’inspection des patients qui présentent une péritonite. Le psoïtis est une douleur spontanée et provoquée à la flexion-extension de la hanche : il est très spécifique d’une inflammation au contact du psoas (appendicite ou abcès péri-colique). La douleur de l’occlusion est aggravée par l’alimentation, et temporairement calmée par les vomissements. La douleur ulcéreuse est calmée par l’alimentation, et la douleur pancréatique par l’anteflexion.

2.2.6. La notion d’épisode douloureux identique dans les antécédents est très importante

car elle permet d’éliminer certains diagnostics comme l’appendicite aiguë, et d’en évoquer d’autres comme les occlusions par obstruction du grêle, les coliques hépatiques, etc.

2.3. Les signes d’accompagnement et les antécédents

L’interrogatoire doit rechercher les signes fonctionnels :

L’interrogatoire doit absolument préciser les antécédents du patient, en particulier :

Tableau I : Dix questions importantes à ne pas oublier pour leur valeur discriminante et leur valeur pronostique.

Question Intérêt
Quel âge avez-vous ? Le risque augmente avec l’âge
Depuis quand avez-vous mal ? Une délai < 48 heures est plus grave
Avez-vous déjà été opéré de l’abdomen ? Pensez à une occlusion par bride ou
adhérence.
La douleur est-elle permanente ou intermittente ? Une douleur permanente est plus grave.
Avez-vous déjà eu une épisode douloureux similaire ? L’absence d’épisode similaire est plus
grave.
Avez-vous un antécédent de cancer, de diverticulite, de
pancréatite, d’insuffisance rénale, de lithiase biliaire ou de
maladie inflammatoire du tube digestif ?
Tous sont des facteurs de risque.
Combien d’alcool buvez-vous par jour ? pensez à une pancréatite ou une hépatite.
Etes-vous enceinte ? Pensez à la GEU.
Prenez-vous des antibiotiques ou des corticoïdes ? Ces médicaments masquent l’infection.
Avez-vous une maladie vasculaire, cardiaque, une
hypertension ou une fibrillation auriculaire ?
Pensez à l’ischémie digestive ou la
rupture d’un anévrysme aortique.

 

2.4. Les données de l’examen clinique

Parmi les signes généraux, la fièvre n’a guère de valeur au dessous de 38°5. Au delà, elle évoque un foyer suppuré. Une température normale n’élimine pas le diagnostic d’infection abdominale, surtout chez le sujet âgé. Une fièvre élevée avec des frissons, pseudo-palustre, fait évoquer une étiologie biliaire ou urinaire.

Une chute de la tension artérielle traduit soit une hémorragie intra-abdominale (elle est alors accompagnée de pâleur, de soif et de sueurs), soit un choc septique (elle est alors accompagnée de fièvre, et de marbrures des membres inférieurs). Il faut savoir ne pas méconnaître un collapsus devant une pression artérielle normale chez un hypertendu non stabilisé.

L’inspection du patient peut être d’emblée évocatrice : Si le patient préfère la position assise, une étiologie pulmonaire ou cardiaque doit être évoquée, surtout s’il s’y associe une dyspnée. Un patient immobile, figé, avec une respiration courte est suspect de péritonite ou d’hémopéritoine. Un patient agité, cherchant en vain une position antalgique est suspect de colique néphrétique (colique frénétique). La pâleur évoque l’hémopéritoine, la cyanose évoque la péritonite, l’ictère ou le subictère évoque une affection biliaire.

L’inspection de l’abdomen peut noter une augmentation de son volume, (symétrique ou asymétrique ?), une cicatrice abdominale (qu’il faut aussi savoir rechercher dans les poils pubiens chez la femme), l’absence de respiration abdominale (qui va de pair avec l’immobilité du patient).

La palpation de l’abdomen recherche le siège de la douleur provoquée (elle manque rarement dans les affections graves) et analyse surtout le degré de réaction de la paroi abdominale à une éventuelle inflammation sous-jacente. L’interprétation de ces signes péritonéaux demande de l’expérience. La défense abdominale (souvent localisée) est une contraction musculaire douloureuse à la palpation («La paroi se durcit dès que le palper veut être plus profond ») qui résulte de la mise en contact du péritoine pariétal avec le foyer infectieux. La douleur à la décompression et la douleur à la toux, qui mobilisent les viscères ont la même valeur séméiologique. Plus rare que la défense, mais beaucoup plus spécifique, la contracture abdominale (presque toujours généralisée) est une contraction musculaire douloureuse involontaire qui existe en dehors de toute palpation, car elle traduit l’irritation permanente du péritoine pariétal par un épanchement péritonéal sanglant ou infecté.

L’auscultation de l’abdomen est utile quand elle décèle une augmentation des borborygmes abdominaux qui caractérise l’hyperpéristaltisme d’une obstruction intestinale. Une absence de bruits digestifs est observée en cas d’iléus paralytique, de péritonite, d’infarctus intestinal. La percussion de l’abdomen augmenté de volume montre une matité si son contenu (péritonéal ou digestif) est liquidien, ou un tympanisme s’il existe une distension gazeuse du tube digestif ou un pneumopéritoine important. La recherche d’une disparition de la matité pré-hépatique normale, qui témoigne d’un pneumopéritoine, est d’interprétation difficile. L’examen des orifices herniaires (inguinaux, cruraux, ombilical) recherche une hernie, dont l’étranglement peut être à l’origine d’un syndrome occlusif. Si l’orifice herniaire est large, il permet aussi une palpation facile du péritoine, douloureux en cas d’inflammation.

Les touchers pelviens procurent le même accès direct au péritoine du cul de sac de Douglas à travers la musculeuse rectale ou le dôme vaginal. Le toucher rectal est très riche d’informations dans l’examen d’un syndrome occlusif : fécalome ou vacuité de l’ampoule rectale, tumeur perceptible dans le rectum ou la cavité pelvienne, sang sur le doigtier. Chez la femme, les touchers pelviens sont indispensables à l’examen de l’appareil génital.

2.5. Les examens paracliniques

2.5.1. Biologie

2.5.1.1. L’hémogramme est toujours demandé.

La sensibilité de l’hyperleucocytose est élevée, mais sa spécificité est faible. De plus, l’hyperleucocytose n’est pas un signe précoce : ainsi, l’hémogramme est normal chez la majorité des enfants qui souffrent d’appendicite depuis moins de 24 heures.

2.5.1.2. Le dosage de la Protéine C-réactive (PCR)

serait plus performant pour le diagnostic d’appendicite (Se 62%, Sp 66%), mais il faut que les symptômes aient débuté depuis plus de 12 heures.

2.5.1.3. Amylase

un taux seuil de 3 fois la valeur supérieure de la normale serait spécifique de pancréatite aiguë. Mais l’amylase peut être élevée chez le sujet alcoolique même en l’absence de pancréatite. La lipase est plus spécifique que l’amylase.

2.5.1.4. Analyse d’urine

La bandelette urinaire (type Clinitek®) est un dispositif permettant une recherche rapide (1 à 2 min) de la bilirubine, du sang, des leucocytes, des nitrites (dont la présence est synonyme d’une bactériurie), etc ... On estime qu’un compte > 30 hématies ou > 20 leucocytes par champ, est très évocateur d’une affection urinaire. L’analyse d’urine peut être trompeuse : l’association d’une hématurie à une douleur du flanc signe la colique néphrétique ; mais on observe au moins 30 % d’hématurie en cas de rupture d’anévrysme aortique, et une anomalie urinaire (pyurie, hématurie, bactériurie) est observée dans 20 à 30 % des appendicites.

2.5.1.5. La mesure des β hormones chorionogonodatrophiques (HCG) sériques est un test rapide et performant.

Un test négatif permet d’écarter le diagnostic de GEU. Un test positif permet d’affirmer le diagnostic de grossesse, sans autre indication.

2.5.2. Imagerie

L’imagerie a fait beaucoup de progrès, et ses performances ont beaucoup amélioré la prise en charge des DAA. Mais les indications de l’imagerie doivent être pertinentes : ces examens viennent trop souvent confirmer un diagnostic par ailleurs évident, et il est des cas où l’urgence impose de savoir s’en passer : « chez un patient dont l’hémodynamique est instable, toute imagerie autre que l’échographie immédiate au chevet du patient peut signifier un arrêt de mort « Un aphorisme américain stipule : « CT (Computed Tomography) is a dark and lonely place where emergency patients go to die »

2.5.2.1. Les clichés de l’Abdomen Sans Préparation (ASP)

ils sont l’examen le plus ancien, dont la rentabilité globale est médiocre, et très inférieure à celle de l’imagerie moderne. Il est très peu performant dans les syndromes appendiculaires, et dans les syndromes abdominaux qui ne font pas leur preuve. En revanche il reste utile car sensible, peu onéreux et assez facile à interpréter dans 3 circonstances particulières :

2.5.2.2. L’ échographie est un très bon examen

car il est n’est pas invasif, peut être répété, réalisé si nécessaire au lit du patient, et peu onéreux ; mais il est plus que les autres opérateur-dépendant, il est gêné par la distension gazeuse et l’obésité. Il est surtout performant pour l’étude des parenchymes (foie, voies biliaires, rate, pancréas, reins) et pour l’exploration pelvienne, en particulier par voie endovaginale, où elle est d’un apport diagnostique considérable.

Pour l’appendicite, la performance diagnostique de l’échographie est limitée par une faible VPN (65-75 %), l’appendice normal n’étant visible que chez 5 % des sujets. Dans cette indication, l’échographie reste cependant indiquée chez l’enfant, et chez la femme enceinte ou susceptible de l’être.

2.5.2.3. La tomodensitométrie (TDM)

(si possible spiralée, avec contraste oral, rectal, IV à la demande) est devenue l’examen d’imagerie de choix dans beaucoup de circonstances : colique néphrétique, sigmoïdite, abcès, rupture d’anévrysme de l’aorte, ischémie digestive, syndromes abdominaux bâtards. Pour le diagnostic d’appendicite, la TDM spiralée (Se 90-100 %, Sp 91-99 %, VPP 95-97 %, VPN 83-95 %) est supérieure à l’échographie [Paulson EK et al, Suspected appendicitis. NEJM 2003, 348 :236-41]. La performance de la TDM est telle qu’elle peut diminuer le coût de la prise en charge des patients en limitant la durée d’observation avant une prise de décision. Mais plusieurs réserves doivent être faites : a) les performances de la TDM sont très amoindries si l’injection de produit de contraste n’est pas possible (allergie, insuffisance rénale) ; b) les meilleurs résultats ne sont pas transposables partout ; c) l’interprétation de la TDM nécessite un radiologue disponible ; d) sa prescription chez un patient dont l’hémodynamique est instable peut signifier un arrêt de mort (cf supra).

2.5.3. L’électrocardiogramme

Chez un patient de plus de 40 ans, une douleur épigastrique atypique ou inexpliquée doit faire pratiquer un ECG.

2.6. Conduite à tenir

Au terme de l’interrogatoire, de l’examen clinique, et souvent avant les premiers examens complémentaires, il est possible dans une grande proportion des cas d’envisager un diagnostic et surtout une conduite à tenir. Dans les autres cas, la mise en observation du patient pendant 24-48 heures avec des examens cliniques répétés ou des investigations complémentaires, est la solution habituelle. Cette attitude est basée sur le fait que les patients qui présentent une affection organique complètent habituellement leur tableau clinique avec le temps ; à l’inverse, les autres voient leur symptomatologie s’amender. Ainsi, 40 % des patients admis pour un syndrome appendiculaire s’améliorent dans les 24 heures et n’ont finalement pas d’appendicectomie. La proportion des patients qui présentent une DAA non spécifiée (DAANS) avoisine 20 à 25 % des cas. Mais ce diagnostic de DAANS doit rester un diagnostic d’exclusion et être porté avec beaucoup de précaution chez le sujet âgé, chez lequel il est beaucoup plus rare que chez le sujet plus jeune. Le tableau II présente 4 affections dont le diagnostic est facilement méconnu, et les conséquences à en tirer. Mieux vaut surtout une décision correcte - sortie, transfert spécialisé ou chirurgie immédiate - qu’un diagnostic exact.

Tableau II : Les diagnostics les plus souvent méconnus

Diagnostic méconnu Précaution à observer
Rupture d’anévrysme aortique Echographie ou TDM chez l’homme > 50 ans
présentant une douleur abdominale mal étiquetée
Grossesse extra-utérine Test de grossesse chez la femme en âge de procréer
Appendicite aiguë Y penser aussi chez la femme et chez le sujet âgé.
Infarctus du myocarde Faire un ECG chez le sujet âgé

 

3. Le diagnostic étiologique

3.1. En fonction de la localisation de la douleur

Toutes les localisations sont possibles, sans qu’il y ait une correspondance automatique avec la situation anatomique des organes. Mais plusieurs localisations sont fréquentes et source de difficultés en raison de la multiplicité des étiologies.

3.1.1. Douleurs de la Fosse Iliaque Droite (FID)

L’appendicite aiguë est le diagnostic le plus fréquent, et le plus souvent évoqué devant une douleur de la FID. Deux notions contradictoires traduisent bien la difficulté du diagnostic : d’une part, l’appendicite est perforée au moment du diagnostic dans 20 à 30 % des cas, autrement dit le diagnostic peut être considéré comme tardif ; et d’autre part, on observe 20 % d’appendicectomies « blanches » et jusqu’à 40 % chez la femme et chez le sujet âgé, soit autant d’erreurs de diagnostic. Le tableau III présente la sensibilité et la spécificité des signes cliniques habituels pour le diagnostic d’appendicite : la migration de la douleur en FID, la fièvre, la contracture en FID, le psoïtis sont très en faveur du diagnostic. A l’inverse, l’absence de douleur en FID, l’existence d’un épisode similaire dans les antécédents, l’absence de défense, vont contre le diagnostic.

Tableau III : Sensibilité et spécificité des signes cliniques pour le diagnostic d’appendicite aiguë (d’après JM Wagner et al, 19961, A. Alvarado, 19862)

Symptômes et signes Sensibilité Spécificité
Douleur en FID 81 53
Migration de la douleur en FID 64-69 82
Nausées 58-74 37
Vomissements 51 45
Anorexie 61-68 36
Pas de douleur similaire antérieure 81 41
Fièvre 67-73 79
Défense en FID 74 57
Contracture en FID 27 83
Douleur au toucher rectal 41 77
Douleur à la décompression 55-63 69
Psoïtis (signe du psoas) 16 95

1. Wagner JM et al. Does this patient have appendicitis ? JAMA, 1996, 276 :1589-94. 2. Alvarado A. A pratical score for the early diagnostics of acute appendicitis. Ann Emerg Med 1986, 13 : 557-64.

Les patients pour lesquels le diagnostic clinique est facilement porté doivent être opérés, sans examen complémentaire. Les Références Médicales Opposables (RMO) stipulent que l’absence de défense pariétale avec une température < 38° et un compte leucocytaire < 10 Giga/l permettent de surseoir temporairement à une intervention. Les formes douteuses relèvent de la mise en observation, et/ou d’investigations paracliniques. La performance diagnostique de la TDM est supérieure à celle de l’échographie, celle-ci devant être réservée aux enfants, aux femmes enceintes ou susceptibles de l’être, ou à celles qui ont une forte probabilité d'affection gynécologique.

Parmi les autres causes possibles de douleurs de la FID, on peut citer : l’adéno-lymphite mésentérique, l’iléite terminale, la perforation ulcéreuse duodénale, la pancréatite aiguë, la cholécystite aiguë, l’occlusion intestinale, la grossesse extra-utérine, la rupture de kyste ovarien, la sigmoïdite, sans oublier la DAANS.

Le tableau suivant résume les seuls symptômes et signes qui, chez les patients présentant une DAA de la FID, augmentent la probabilité d’avoir une appendicite aiguë d’une part et une DAANS d’autre part. (d’après JM Hay, Y Flamant, Rev Prat 1992, 42 678-687).

Symptômes et signes Appendicite aiguë DAANS
Installation de la douleur rapide progressive
Intensité de la douleur sévère modérée
Type de la douleur continue intermittente
Evolution de la douleur aggravée inchangée/atténuée
ATCD identiques non oui
Température 37° – 38°5 ≤ 37°6
Douleur à la décompression oui oui
Défense de la FID oui oui
Douleur aux TR/TV Douglas diffuse, bilatérale
Echographie FID anormale normale
Hémogramme GB > 10 Giga/L GB < 10 Giga/L

 

3.1.2. Douleurs de l’hypocondre droit et de la région épigastrique

3.1.2.1. La colique hépatique

La colique hépatique (mal nommée car elle n’est ni une colique, ni hépatique) est une douleur due à la mise en tension brutale des voies biliaires, sans préjuger de la localisation de l’obstacle sur la vésicule ou sur la Voie Biliaire Principale (VBP). Ses caractéristiques séméiologiques sont formelles : elle débute brutalement souvent dans la deuxième moitié de la nuit, et atteint rapidement son intensité maximum. Elle est d’intensité sévère, de type continu. Elle siège plus souvent dans le creux épigastrique (2/3) que dans l’hypocondre droit. Elle irradie volontiers dans le dos et vers la pointe de l’omoplate droite. Elle s’accompagne d’une inhibition respiratoire, et de vomissements 2 fois sur 3. Elle dure une quinzaine de minutes à quelques heures, et disparaît rapidement.

3.1.2.2. La cholécystite aiguë

Quand la colique hépatique dure plus de 6 heures, il faut craindre une cholécystite aiguë, qui correspond à l’infection de la vésicule biliaire. Elle est fréquente chez le sujet âgé (1/5ème au moins des DAA après 50 ans). A l’interrogatoire, on retrouve très souvent (60-70 %) une crise douloureuse antérieure. La douleur est localisée à l’hypocondre droit (50-100 %), la fièvre est très fréquente (70 –100 %), la vésicule douloureuse est souvent palpable (25 à 50 %). Le signe de Murphy (douleur à la palpation de l’hypocondre droit, bloquant l’inspiration est très fréquent chez le sujet jeune (Se 97 %, VPN 93 %), mais sa spécificité est assez faible (50 %).[Dans la manoeuvre de Murphy, la douleur est due à la mise en contact du péritoine pariétal repoussé par la main de l’examinateur avec le foyer inflammatoire vésiculaire abaissé par le diaphragme lors de l’inspiration.] Biologiquement, on note une hyper leucocytose, parfois une élévation modérée de la bilirubine (15-45 %) et des transaminases (25 %). L’échographie est très performante pour le diagnostic (Se 76-98 %, Sp 85 %) : elle montre la lithiase, l’épaississement de la paroi vésiculaire (double contour), un épanchement péri vésiculaire éventuel et une douleur au passage de la sonde (on parle de « Murphy échographique »).

3.1.2.3. L’angiocholite

L’angiocholite correspond à l’infection bactérienne de la VBP et /ou des voies biliaires intrahépatiques. Elle se manifeste par une fièvre élevée (39°-41°), mal tolérée, avec des frissons, voire un état de choc. La lithiase en est la cause la plus fréquente. Le tableau clinique de la lithiase de la VBP associe une triade symptomatique, retrouvée dans 50 à 60 % des cas : douleur, fièvre et ictère, se succédant dans le temps, dans cet ordre et en moins de 72 heures Il persiste à ce sujet une fréquente confusion : pour certains, l’angiocholite est définie par la triade symptomatique : douleur, fièvre, ictère. Pour d’autres (dont nous sommes), cette triade signe le diagnostic de lithiase de la voie biliaire principale, qui est la cause la plus fréquente - mais non la seule - de l’angiocholite]. La douleur est une colique hépatique, la fièvre est celle de l’angiocholite, l’ictère est volontiers fluctuant. Le diagnostic est facile quand la triade est complète, difficile dans les autres cas. Un choc septique est révélateur dans 30 % des cas et 10 % des patients ont des troubles psychiques. Le traitement de l’angiocholite (antibiothérapie et drainage biliaire endoscopique ou chirurgical) est d’une extrême urgence. D’autres affections sont susceptibles de se manifester par une douleur de l’hypocondre droit : pancréatite, perforation ulcéreuse, appendicite, pneumonie, infarctus du myocarde.

3.1.3. Douleurs diffuses ou mal localisées

3.1.3.1. L’occlusion intestinale par obstruction

L’occlusion intestinale par obstruction se traduit en règle par une douleur d’intensité variable, de siège péri-ombilical, sans irradiation, à type de torsion, qui évolue typiquement sur le mode paroxystique, ce dernier caractère étant très évocateur ; les vomissements sont d’autant plus fréquents que l’obstacle est haut situé ; l’arrêt du transit, qui définit l’affection, n’est pas toujours évident. A l’examen, le météorisme peut manquer ; l’hyper-péristaltisme doit être recherché à l’auscultation (le syndrome de Koenig en est un exemple, qui traduit une obstruction incomplète). La vacuité de l’ampoule rectale au toucher rectal est un signe de valeur. La notion d’intervention chirurgicale abdominale dans les antécédents est très prédictive d’une occlusion aiguë du grêle par bride ou adhérence. Les clichés d’ASP sont en règle très contributifs. Le lavement opaque est utile en cas d’occlusion basse.

3.1.3.2. L’occlusion par strangulation

L’occlusion par strangulation du grêle (sur bride ou par volvulus) a une symptomatologie plus bruyante : début brutal, douleur intense, qui tend à devenir permanente, vomissements précoces, altération rapide de l’état général par déshydratation ; à l’examen de l’abdomen, on recherche une cicatrice abdominale, une défense localisée, une douleur à la décompression. Si les clichés d’ASP sont peu évocateurs, une TDM en urgence montre la lésion intestinale et aussi l’obstruction vasculaire dans le mésentère ; mais cet examen tend à surestimer l’importance des lésions digestives.

3.1.3.3. La péritonite

Le diagnostic de péritonite est avant tout clinique : la douleur de début généralement brutal, est intense, diffuse, permanente, aggravée par le moindre mouvement. A l’examen, le patient est donc immobile, figé, polypnéïque. Son faciès est altéré : teint terreux, traits tirés, yeux excavés, lèvres cyanosées. L’abdomen ne respire pas ou peu. L’examen note une contracture, plus souvent une défense, une douleur à la décompression et une douleur au toucher rectal. La disparition de la matité pré-hépatique est plus difficile à déceler. En revanche, la constatation d’un pneumopéritoine radiologique est un signe pathognomonique, mais dont la sensibilité est variable : il manque dans 30 à 50 % des perforations d’un viscère creux, et dans 100 % des autres causes de péritonite. Il faut savoir que la TDM est plus performante que les clichés d’ASP dans la détection des petits pneumopéritoines.

3.1.3.4. L’ ischémie digestive aiguë

Le diagnostic d’ischémie digestive aiguë (par obstruction artérielle, par obstruction veineuse, ou par bas-débit circulatoire) doit être envisagé chez les patients dont la douleur n’est pas localisée et dont la sévérité contraste avec la pauvreté des constatations cliniques. L’existence d’une diarrhée sanglante, ou de vomissements fécaloïdes est évocatrice. La recherche d’un facteur de risque est déterminante pour le diagnostic : maladie emboligène, arythmie récente, terrain vasculaire, tabagisme, hypotension, médicaments vasopresseurs. La TDM trouve là une de ses meilleures indications (Se 64 %, Sp 92 %), mais sa VPN est faible.

Causes les plus fréquentes des douleurs abdominales diffuses :

  • Gastro-entérite infectieuse ;
  • Occlusion intestinale aiguë ;
  • Ischémie mésentérique ;
  • Perforation digestive.

3.1.4. Douleurs abdomino-lombaires

Quand la douleur est localisée au flanc, l’étiologie la plus fréquente est une colique néphrétique par obstruction lithiasique (80 % des coliques néphrétiques), par une anomalie de la jonction pyélo-calicielle (10 %), ou par une autre cause (10 %). La douleur est la conséquence de l’augmentation brutale de la pression urinaire.

La douleur est de survenue brutale, d’intensité habituellement très sévère, d’emblée maximale. Elle siège dans le flanc (fosse lombaire et angle costo-vertébral le long du bord inférieur de la 12ème côte), avec une irradiation antéro-inférieure descendante très évocatrice vers les organes génitaux externes. Certaines irradiations vers la cuisse ou le périnée sont trompeuses. Il n’y a pas de corrélation entre le siège de la douleur et la topographie du calcul. Il n’y a pas de facteur aggravant ni de soulagement, le patient manifestant une grande agitation à la recherche d’une position antalgique. L’évolution se fait par crises durant quelques heures suivies de périodes de rémission spontanée durant lesquelles il persiste un fond douloureux lombaire. L’évolution naturelle se fait vers l’expulsion spontanée du calcul. Les signes d’accompagnement digestifs, nausées, vomissements, sont très fréquents. Les signes d’accompagnement urinaires sont des signes d’irritation vésicale lorsque le calcul est bloqué au niveau de l’uretère terminal ou de la jonction urétéro-vésicale, et une dysurie ou une rétention d’urines si le calcul est bloqué dans l’urétre.

A l’examen, l’abdomen est souple, sans défense, avec un météorisme possible. La palpation et la percussion du flanc sont douloureuses. Le contact lombaire est rare. Le testicule peut être rétracté à l’anneau inguinal, mais non douloureux. Les signes de gravité doivent être systématiquement recherchés : fièvre (risque de sepsis grave, voire foudroyant), anurie, signes péritonéaux, pouvant traduire une rupture de la voie excrétrice (ou une affection digestive simulant un colique néphrétique). L’état de mal néphrétique, caractérisé par la répétition des crises malgré un traitement médical adapté, comporte un risque de rupture de la voie excrétrice.

Parmi les examens complémentaires, la bandelette urinaire est utile pour rechercher une hématurie microscopique, une infection, et mesurer le pH urinaire. Les clichés d’ASP peuvent déceler les calculs sur le trajet de l’uretère, mais leur performance diagnostique est médiocre. L’échographie, et surtout la TDM (non injectée) sont très supérieures car presque tous les calculs sont radio-opaques en TDM, laquelle permet aussi de redresser le diagnostic. L’UIV ne doit être faite qu’à distance de la crise (2 à 7 jours).

Quand la triade symptomatique (douleur du flanc, hématurie, nausées-vomissements) est incomplète, il faut redouter un autre diagnostic que celui de colique néphrétique : rupture d’anévrysme de l’aorte abdominale (AAA), appendicite, pancréatite aiguë, cholécystite aiguë, lithiase de la VBP, pyélonéphrite, zona, etc.

Le tableau de rupture d’un AAA associe une douleur sévère, à irradiation dorsale transfixiante dans 40 % des cas, mais pouvant aussi irradier dans le flanc ou dans l’aine, et dont l’intensité est souvent hors de proportion avec les signes physiques. A l’examen, on doit rechercher une masse battante, expansive, sous le rebord chondral gauche. Un état de choc est observé à l’admission dans 40 à 60 % des cas. La rupture survient en règle chez un patient dont l’AAA n’est pas connu, et le tableau traditionnel (douleur aiguë abdomino-lombaire, hypotension, masse battante palpable) n’est retrouvé que dans 25 % des cas. L’erreur diagnostique est très fréquente (30-60 % des cas) avec une colique néphrétique, un infarctus du myocarde, une sigmoïdite ou un lumbago (Cf tableau VI). En cas de suspicion de rupture d’AAA, le premier examen d’imagerie est l’échographie, éventuellement au lit du patient ; elle montre bien l’AAA, mais montre mal l’hématome rétro-péritonéal. La TDM est plus performante, mais il est important de rappeler qu’il faut savoir s’en passer chez un patient dont l’hémodynamique est instable.

Causes les plus fréquentes des douleurs abdomino-lombaires :

  • Lithiase urinaire ;
  • Cause urinaire autre (pyélonéphrite, cancer du rein) ;
  • Cause extra-urinaire (appendicite, diverticulite) ;
  • Pancréatite aigue ;
  • Rupture d’anévrysme de l’aorte abdominale.

3.2. En fonction du terrain

3.2.1. DAA chez le sujet âgé

Chez le sujet âgé, la prévalence des différentes affections est sensiblement différente de celle des sujets plus jeunes (Tableau IV), la proportion d’interventions chirurgicales nécessaires avoisine 1/3 des cas, et le pronostic est globalement plus sévère. Il importe donc de reconnaître rapidement les causes graves de DAA. Or, les modifications du système immunitaire, de la musculature abdominale, de la réponse péritonéale, et l’intrication des pathologies modifient beaucoup les tableaux cliniques. Il y a schématiquement 4 types d’affections fréquentes chez le sujet âgé : les infections péritonéales, les occlusions, les drames vasculaires abdominaux et diverses affections médicales.

Tableau IV : Prévalence des causes de douleur abdominale aiguë en fonction de l’âge (d’après FT de Dombal, 1994)1

Diagnostic final de l’affection Age < 50 ans
(n = 6317)
Age > 50 ans
(n : 2406)
Cholécystite 6% 21%
Douleur non spécifiée 40% 16%
Appendicite 32% 15%
Occlusion intestinale 2% 12%
Pancréatite aiguë 2% 7%
Sigmoïdite < 0,1% 6%
Cancer < 0,1% 4%
Hernie étranglée < 0,1% 3%
Affections vasculaires < 0,1% 2%

1. de Dombal FT, Acute abdominal pain in the elderly, J Clin Gastroenterology 1994, 19 : 331-33

3.2.1.1. Les infections péritonéales

Les infections péritonéales peuvent être localisées (appendicites, cholécystites, sigmoïdite) ou généralisées (par perforation digestive). La présentation classique est possible, mais il faut se garder des formes asthéniques, étiquetées gastro-entérite ou constipation, voire troubles psychiques. L’appendicite est rare et sa présentation volontiers atypique, malgré un taux de perforation qui avoisine 60-70 % des cas. La pathologie biliaire est en revanche très fréquente, et 2 fois plus chez la femme. Dans 1/4 des cas, la cholécystite aiguë est la première manifestation de la maladie. La lithiase de la VBP (et donc l’angiocholite) est aussi beaucoup plus fréquente : 23 à 50 % des cas de lithiase biliaire après 65 ans (vs 5 à 12 % avant). La maladie diverticulaire est présente chez plus de 50 % des sujets de plus de 70 ans, même si elle reste asymptomatique dans 80 % des cas. Le diagnostic des formes compliquées a beaucoup bénéficié de l’apport de la TDM.

3.2.1.2. Les occlusions

Les occlusions sont beaucoup plus fréquentes que chez le sujet jeune : par bride ou adhérence postopératoire, par hernie étranglée pour les OIA du grêle, d’origine tumorale ou par volvulus pour les OIA coliques.

3.2.1.3. Les « drames vasculaires abdominaux »

Les « drames vasculaires abdominaux » ont une prévalence multipliée par 20 après 50 ans (Tableau IV). Ils représentent jusqu’à 10 % des DAA au-delà de 70 ans. Il faut savoir les reconnaître devant des symptômes atténués, évoquant une colique néphrétique ou un lumbago (rupture d’AAA), ou une gastro-entérite (ischémie digestive).

3.2.1.4. Autres affections médicales

Plusieurs affections médicales doivent enfin être évoquées devant une DAA chez le sujet âgé : infarctus inférieur du myocarde, pneumonie ou infarctus pulmonaire, acidocétose diabétique, pyélonéphrite, origine médicamenteuse (gastrite des AINS, pancréatite de nombreux médicaments, colite pseudo-membraneuse des antibiotiques).

3.2.2. DAA chez la femme

Le problème diagnostique est plus complexe que chez l’homme en raison de la possibilité de grossesse et d’affections gynécologiques variées (Tableau V). Il faut donc en premier lieu faire le diagnostic de grossesse éventuelle afin : a) d’éviter l’irradiation abdominale pendant les 14 premières semaines, et b) d’écarter le diagnostic de Grossesse Extra-Utérine (GEU). Ce diagnostic de grossesse est difficile. On ne peut pas accorder un crédit absolu à l’historique des menstruations, et les moyens de contraception ne sont pas infaillibles : car 3 % des GEU sont observées chez des patients qui ont eu une ligature de trompe, et 10 % chez des patientes porteuses d’un stérilet. Il faut donc faire un dosage sérique des β HCG chez toute patiente en âge de procréer présentant une DAA. La possibilité d’une GEU doit toujours être envisagée. Il faut garder en mémoire les facteurs de risque que sont : les antécédents de chirurgie pelvienne, d’endométriose, d’infection génitale ou de GEU. Le diagnostic de GEU avant la rupture (50 % des cas) est particulièrement difficile, car la symptomatologie est à ce stade peu différente de celle de la grossesse intra-utérine : douleur abdominale (30 % vs 6 %), aménorrhée (51 % vs 92 %), métrorragies (16 % vs 39 %), annexe douloureuse (28 % vs 14 %), masse annexielle (4 % vs 7 %), douleur à la mobilisation du col (25 % vs 4 %). L’échographie est intéressante quand elle montre une grossesse intra-utérine (bonne VPN), ou extra-utérine (bonne VPP). Le dosage quantitatif des β HCG est utile : il double tous les 2 jours en cas de grossesse normale, et pas en cas de GEU. Le dosage sérique de la progestérone est aussi contributif, qui reste bas en cas de GEU (< 25 ng/ml), et haut en cas de grossesse normale. Mais il y a d’autres affections spécifiques, comme l’infection pelvi-génitale, qui pose un problème très fréquent de diagnostic différentiel avec l’appendicite aiguë. Chez une patiente présentant une douleur de la FID, sont en faveur du diagnostic d’infection génitale : l’histoire, la notion de pertes vaginales dans les antécédents ou à l’examen clinique, l’existence de signes urinaires, une défense dépassant la FID, une douleur à la mobilisation du col.

Tableau V : Prévalence des affections douloureuses aiguës de l’abdomen en fonction du sexe (d’après 7000 observations colligées par l’AURC1)

Diagnostic final de l’affection Hommes Femmes
Appendicite 30 % 23 %
Douleur non spécifiée 21,7 % 25,3 %
Occlusion intestinale 7,8 % 8,9 %
Cholécystite 7,7 % 12,4 %
Perforation d’ulcère 6,5 % 1,6 %
Pancréatite 5,2 % 1,8 %
Autres diagnostics 5,1 % 3,4 %
Colique néphrétique 4,9 % 1,9 %
Poussée ulcéreuse 4,0 % 0,8 %
Salpingite - 4,5 %
Grossesse extra-utérine - 3,1 %
Kyste de l’ovaire - 2,8 %
Péritonite 2,5 % 2,1 %
Hernie étranglée 2,3 % 3,7 %
Sigmoïdite 2,1 % 2,0 %
Infection urinaire 0,2 % 2,7 %

 

Flamant Y. Douleurs abdominales aiguës. In Fagniez PL, Houssin D eds. Chirurgie digestive et thoracique, vol 2, Paris, Masson 1991, pp 43-47

3.2.3. DAA chez l’enfant

Chez l’enfant, le diagnostic est compliqué par le fait que l’abdomen est le siège de l’ensemble des plaintes somatiques, que leur origine soit abdominale, thoracique ou lombaire. Quelques spécificités doivent être soulignées. L’interrogatoire qui s’adresse plus souvent à la mère qu’à l’enfant, doit s’attacher à préciser les antécédents obstétricaux, la recherche de maladies familiales, les antécédents chirurgicaux (cicatrice abdominale), l’existence de crises douloureuses antérieures, et les signes d’accompagnement : diarrhée qui peut être sanglante, vomissements à distinguer des régurgitations, refus du biberon chez le nourrisson, constipation, troubles mictionnels, signes respiratoires (polypnée, battement des ailes du nez) etc. L’examen de l’abdomen doit absolument vérifier les organes génitaux externes et les orifices inguinaux. Le toucher rectal, en fin d’examen, est d’interprétation difficile, car il est toujours considéré comme douloureux. Le diagnostic étiologique dépend beaucoup de l’âge de l’enfant. Chez l’enfant de 3 à 36 mois, il faut évoquer 3 affections « chirurgicales » :

3.3. En fonction de « l’insignifiance » des symptômes

Il faut à tout prix bannir la « désinvolture » diagnostique en présence de tableaux non spécifiques, et toujours éviter d’attribuer à une DAA qui ne fait pas sa preuve des diagnostics tels que : constipation, gastro-entérite, gastrite, infection urinaire, infection génitale, etc. Le tableau VI illustre les erreurs les plus fréquemment attachées à ces diagnostics insignifiants. Mieux vaut porter un diagnostic de douleur non spécifiée qu’un diagnostic inexact.

Tableau VI : Dangereuses méprises (d’après A Colucciello et al, 1999)1

Diagnostic exact Diagnostic « insignifiant »
Appendicite Gastro-entérite, infection génitale ou urinaire
Rupture d’anévrysme aortique Colique néphrétique, sigmoïdite, lumbago
Grossesse extra utérine Infection génitale ou urinaire, hémorragie lutéale
Sigmoïdite diverticulaire Constipation, gastro-entérite, pyélonéphrite
Perforation digestive Poussée ulcéreuse, pancréatite, douleur NS
Occlusion intestinale Constipation, gastro-entérite, douleur NS
Ischémie mésentérique Gastro-entérite, constipation, iléus, occlusion
Hernie étranglée Iléus, occlusion
Sepsis abdominal (sujet âgé) Infection urinaire ou pulmonaire (sujet âgé)

 

1. Colucciello SA, Lukens TW, Morgan DL. Assessing abdominal pain in adultes : a rational, cost-effective and evidence-based strategy. Emergency Medicine Practice 1999, 1 :1-20

4. A retenir absolument

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