|
"Le petit Malick, 14 ans, les deux jambes flasques,
atrophiées, assis dans un fauteuil roulant, regarde ses amis jouer
ou football. Il partage leur plaisir de taper dans le ballon rond,
en rêvant de devenir une gloire du football plus tard". Ce rêve,
pour Malick, s'est brisé depuis l'âge de cinq ans, quand à la suite
d'un cas de polio non déclaré, il a perdu l'usage de ses deux jambes,
avec l'espoir de devenir "Ronaldo".
La poliomyélite, il faut le dire, est une maladie
invalidante voire mortelle pour les enfants de 0 à cinq ans. Elle
débute par une fièvre, des maux de tête, des vomissements et des
douleurs musculaires. Et dans la plupart des cas, la maladie fait
son apparition au bout de trois à quatre jours. Le virus agent de
la maladie, est le poliovirus.
Il est présent dans la gorge et dans les selles des malades porteurs
inapparents, pendant un mois voire plus souvent. S'agissant de son
mode de transmission, on retiendra que le poliovirus se transmet
par voie fécale (c'est-à-dire par les selles) et par contact direct.
Autre donnée, à même d'inquiéter plus d'un, c'est que le poliovirus
peut vivre jusqu'à trois mois dans les eaux usées. Et par ce fait,
il y contamine les mouches, l'eau de boisson (surtout en zone rurale),
l'eau d'irrigation. Cela permet à chacun de réaliser que les mauvaises
conditions d'hygiène, malheureusement ces conditions sont légions
en Afrique, sont un vecteur du Poliovirus.
L'histoire d'une lutte
Au commencement était une découverte. "En 1962,
tout juste douze mois après l'homologation, dans la plupart des
pays industrialisés, du mémorable Vaccin antipoliomyélitique (VPO)
mis au point par Albert Sabin, Cuba commençait à l'utiliser dans
une série de campagnes de vaccination sur l'ensemble de son territoire.
Peu de temps après, la transmission du virus sauvage autochtone
était interrompue". Révèle l'Organisation mondiale de la santé (OMS)
dans son dernier rapport annuel. Ce vaccin, M. Sabin en a fait don
à l'OMS. Les choses n'ont pas, malgré tout, évolué aussi rapidement
puisque jusque dans les années 90 "on comptait un demi million de
paralytiques entre dix et vingt millions de personnes qui, ayant
survécu à la phase aiguë de la maladie, en subissaient encore les
séquelles invalidantes et souvent douloureuses", révèle l'OMS. Néanmoins,
à partir de 1988, la lutte contre la poliomyélite va faire un bond
qualitatif. En effet, en 1985, le Rotary international va lancer
son programme "Polio Plus" dont l'objectif est de vacciner tous
les enfants contre polio d'ici l'an 2005, date anniversaire de ses
cents ans.
"Polio Plus est la première et la plus importante campagne de santé
publique entreprise par un organisme non-gouvernemental", explique
Mme Irène Richmond Ahoua, présidente de la Commission nationale
"Polio Plus". Dans cette lutte, selon Mme Richmond, les Rotariens
participent à la livraison des vaccins, aux actions de mobilisation
sociale et règlent les questions d'ordre logistique en coopération
avec les ministères de la Santé des pays concernés, ainsi qu'avec
l'OMS, l'UNICEF et le CDC d'Atlanta. Le Rotary, à ce jour, a versé
plus de 500 millions de dollars soit plus de 300 milliards de FCFA,
destinés à la vaccination de deux milliards d'enfants dans 122 pays.
Pour la campagne en cours, en Côte d'Ivoire, l'organisation a fourni
deux cents millions sur les quatre milliards de budgets.
Le dernier virage
Les résultats de la lutte, après quarante ans,
sont spectaculaires. On compte désormais deux cent neuf pays, territoires
et régions exempts de polio dont 134 certifiés pour des Commissions
indépendantes. Seuls sept pays endémiques. Cinq cent mille cas de
polio sont évités chaque année, trois continents sont certifiés
libres de polio : les Amériques (1994), le Pacifique (1997) l'Europe
(2002). Seuls quelques pays de l'Afrique subsaharienne et d'Asie
du Sud-Est occupent la queue du peloton.
Mais, l'existence de trois grands réservoirs (Inde-Pakistan et Nigeria)
suscite quelques inquiétudes. Selon Mme Bellamy, Directrice générale
de l'UNICEF "le Nigeria est à l'origine de la récente flambée de
polio en Afrique de l'Ouest. Ce pays compte plus de cas que n'importe
quelle autre Nation et il est à l'origine des cas de polio survenus
au Ghana (8 cas), au Burkina Faso (7), 3 au Tchad, 1 au Togo". C'est
d'ailleurs pourquoi, l'UNICEF mène des investigations pour confirmer
si le dernier cas de poliomyélite détecté en Côte d'Ivoire, à Duékoué,
ne provient pas du Nigeria.
Par ailleurs, le refus de deux Etats du Nord du Nigeria : Kano et
Zamfara de participer aux journées de vaccinations synchronisées
renforce le pessimisme de certains observateurs. Mais, les efforts
conjugués de la communauté internationale, la société civile et
des chefs religieux nigérians est à même de faire fléchir les obscurantistes
musulmans du Nord du Nigeria.
En Côte d'Ivoire, grâce à un sens de responsabilité
historique, le ministre Mabri Toikeuse, avec l'aide de la communauté
internationale et du Rotary international, a couvert tout le territoire
national. Et pour prouver que la santé est au service de la paix
et de l'Union, le lancement officiel de la campagne a eu lieu, le
samedi 23 février dernier, à Bouaké (fief des Forces Nouvelles).
"Soyons tous fiers de brandir un carnet de vaccination à jour de
nos enfants à chaque occasion de leur anniversaire (...) Nous leur
devons protection, nous leur devons l'instruction, nous leur devons
la vaccination", a-t-il plaidé à Bouaké.
Mamadou Doumbes
Lire l'article original : http://lepatriote.net/lpX3.asp?action=lire&rname=Société&id=8254
|