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Les maladies cardiovasculaires ou les maladies
du cœur sont des maladies qui nécessitent un suivi médical minutieux.
Bien qu'onéreux, le traitement médical de ce genre de maladie peut
débuter par une sorte de prévention. Car il s'avère que c'est un
certain nombre de facteurs pris individuellement ou en combinaison
qui mènent à ces maladies. Ce sont le tabagisme, les diètes riches
en gras saturé, l'inactivité physique, le stress, les antécédents
familiaux de maladie du cœur et les kilos en trop. Certaines conditions
médicales des individus peuvent aussi grandement contribuer à l'évolution
d'une maladie cardiovasculaire. Il s'agit de l'hypertension artérielle,
le taux élevé de cholestérol, l'obésité et le diabète qui sont aussi
de puissants stimulants.
Dans la catégorisation des sexes, les hommes sont généralement plus
susceptibles de développer des maladies du cœur. Pourtant un nombre
assez important de femmes souffrent de ces maladies, mais elles
sont sous-diagnostiquées. Mais quel que soit le sexe, les risques
de maladies du cœur croient avec l'âge.
Il n'y a pas de cause particulière aux maladies cardio-vasculaires.
L'hypertension artérielle peut y mener, tout comme des insuffisances
rénales et autres inflammations. Au Sénégal, le cas le plus fréquent
est celui de la cardiopathie vasculaire, du moins pour les patients
consultés au service de cardiologie de l'hôpital le Dantec. Il est
généralement causé par des angines de gorge mal soignées, que les
jeunes traînent durant l'enfance et qui évoluent vers les rhumatismes
articulaires aigus (Raa). "Mais l'angine n'est que la partie visible
de l'iceberg, elle lèche le cœur et brise les os comme on le dit
souvent dans le jargon médical", explique le docteur Maboury Diao,
cardiologue à l'hôpital Le Dantec.
Les jeunes sont les plus touchés par ce cas et ils développent une
cardiopathie, car c'est durant l'adolescence que la maladie se déclenche
en général. En ce qui concerne le traitement de cette maladie, il
coûte excessivement cher et même si le patient est opéré, il n'est
pas guéri dans 70 % des cas. Il arrive aussi que l'opération soit
bien supportée par le patient, mais il doit continuer de prendre
des médicaments le restant de sa vie. Au service de cardiologie
de l'hôpital Le Dantec, sur les 1 200 patients consultés l'année
dernière, les cardiopathies vasculaires représentent les 25 % des
hospitalisations.
Les maladies cardiovasculaires, malgré leur gravité, sont très mal
comprises par la population ou ceux qui en souffrent. La plupart
des malades venant en consultation font preuve d'une incompréhension
totale de ce qui leur arrive. "Ils ont tendance à dire que c'est
la maladie des riches, alors que ce sont les plus démunis qui sont
les plus touchés. Parce qu'une personne riche, quand elle a une
angine, elle va voir le docteur. Ce qui amoindri les risques de
développer une cardiopathie vasculaire pour se faire soigner et
ce n'est pas le cas pour ceux qui n'en ont pas les moyens", soutient
le docteur Diao. Et ce ne sont pas les journées de consultations
gratuites qui vont combler ce gap. Ce qu'il faudrait, c'est un suivi
permanent qui aiderait les patients à mieux se prendre en charge
et se donner ainsi plus de chance de survie.
Au service de cardiologie de Le Dantec, par exemple, beaucoup de
malades ne viennent pas suivre leur consultation de façon régulière
et le docteur Diao d'expliquer que la plupart d'entre eux ne respectent
pas leur rendez-vous. "Ils peuvent venir deux semaines ou même un
mois après le rendez-vous et vous donnent comme toute explication
un baptême à célébrer ou un décès d'un proche ou d'un voisin. On
a beau les sensibiliser, rien n'y fait", fait remarquer le Docteur,
d'un ton dépité.
Ce qui est déplorable dans toute cette affaire, c'est que ces mêmes
personnes se retrouvent dans les médias à faire de la délation,
en se plaignant d'un accueil des plus froids de la part du corps
médical. Si l'attitude est réprouvée par le docteur Maboury Diao,
il ne manque pas de préciser que "ce sont en général les recommandés
qui font de l'excès de zèle ; ils se croient tout permis et par
conséquent ont plus de droits que les autres personnes qui viennent
le matin très tôt pour se faire consulter, après avoir acheté leur
ticket".
Etat des lieux
Trois bâtiments jumeaux peints en couleur jaune.
Sur le premier est marqué "hospitalisation hommes" et sur le second
"hospitalisation femmes", et le troisième et dernier bâtiment sert
de salle de consultations. Ce bloc constitue le service de cardiologie
qui se trouve au fonds à droite de l'hôpital Le Dantec. Il ne possède
qu'un appareil de radiographie et tous les jours, plus de cinquante
radios y sont effectués, ce "qui use l'appareil rapidement. Si on
avait un autre appareil, cela pourrait nous aider". Ce service a
une capacité de 50 lits pour l'hospitalisation. Et la demande est
plus forte que l'offre, si l'on se réfère aux explications du cardiologue
Diao. "Ils nous arrivent de faire hospitaliser des malades dans
les blocs de consultation car ne disposant plus de places. Et même
parfois nous les confions aux autres services, en attendant de leur
trouver une place de libre."
Ces bâtiments sont très vieux et dégagent un aspect lugubre, voire
même sinistre. Ils ne ressemblent, pour le moins au monde, à une
structure de santé. Même s'il est prévu de les réfectionner, les
médecins de ce service de santé préfèrent de nouveaux bâtiments
avec un nouveau matériel qui leur permettraient de faire leur travail
dans les meilleures conditions. L'aspect ne paie pas vraiment de
mine. On se croirait plutôt dans une quelconque cour de maison.
Le sol de la cour est crevassé par divers endroits, ce qui rend
l'évacuation des malades, sur les chaises roulantes, très difficile.
Les murs en jaune sont sales et dans une cuisine qui ne fonctionne
plus, des accompagnateurs de malades hospitalisés s'y sont installés
avec nattes et bagages.
Un état des lieux qui ne contribue nullement à rassurer psychologiquement
le patient.
L'accueil
Il n'est pas des meilleurs et cela se ressent à
la première étape, à la porte principale de l'hôpital où c'est la
croix et la bannière pour accéder à l'intérieur de la structure
hospitalière. La dame R. Dia, traînant une maladie cardiovasculaire
et suivant un traitement en ces lieux depuis quelques mois, souligne
d'une voix pleine d'amertume : "Le garde peut te poser des tas de
questions en te demandant de montrer tes papiers. Soit qui est ton
médecin et te faire perdre un temps fou pour te dire à la fin que
l'heure est déjà passée et tu ne peux plus entrer." Et pour cette
dernière à qui cela est arrivé plusieurs fois, elle n'a d'autre
choix que de s'asseoir devant la porte et d'attendre qu'une âme
charitable veuille la faire entrer dans l'hôpital. Au cas contraire,
elle retourne chez elle, avec la désagréable conviction d'avoir
non seulement perdu du temps, de l'argent, mais surtout de mettre
sa vie en péril en n'ayant pas honoré son rendez-vous médical. Malgré
elle.
Et ce qui est ennuyant pour cette dame, c'est que la plupart du
temps, "le médecin pense que c'est le patient qui ne veut pas respecter
ses rendez-vous".
Interpellé sur la question, le docteur Maboury Diao précise que
tout ce qui touche à l'accueil des patients demeure "un problème
purement administratif dont les médecins ne s'occupent pas".
L'attente dans la cour
Ils sont très nombreux les patients qui viennent
se soigner dans le service de cardiologie de l'hôpital Le Dantec.
L'attente est longue et peut durer des heures. "Si tu n'as pas de
ticket, il ne faut même pas négocier car le médecin ne te prendra
pas. Tu achètes un ticket et il sort ta fiche. Moi quand je souffre
beaucoup, le médecin me demande de me débrouiller pour me faire
opérer. Parce que sans opération, ma vie est presque raccourcie,
je ne peux pas vivre longtemps", lance R. Dia. Quatre cent mille
francs, c'est la somme qui lui a été demandée, sans aucune sorte
de moratoire. Une affirmation battue en brèche par le cardiologue
Maboury Diao qui soutient que "nous expliquons souvent à nos patients
qu'ils ont le droit de choisir un médecin pour les suivre régulièrement.
Il arrive même que ce médecin, au bout de quelques séances, leur
demande de ne plus payer la consultation". Il est bon à préciser
que la consultation est à 2500 francs depuis que l'hôpital a été
érigé en établissement public de santé.
Pour N.F, une jeune fille qui a découvert sa maladie, il y a tout
juste un an, la solution qu'elle a trouvée est toute simple. "J'ai
fait en sorte que ce soit le même médecin qui me consulte, et grâce
à cela je ne paie plus les consultations. Tout ce que j'ai à faire,
c'est de suivre ses prescriptions, de respecter mes rendez-vous
et la prise de mes médicaments." Des médicaments qui coûtent vraiment
chers et un seul peut coûter au moins 10 000 francs Cfa, sans compter
les seringues qu'il faut acheter.
La jeune N. F. explique qu'au cours de son hospitalisation, il y
a moins d'un mois, ses médicaments ont été volés. "Quand on me racontait
ce genre de choses, je disais que ce n'était pas possible, mais
moi on m'a volé mes médicaments dans ma chambre d'hospitalisation,
et je suis sûre que ce sont ces mêmes médicaments qui ont été vendus
à d'autres malades."
Une révélation renforcée par R. Dia qui précise que "dès fois, ils
n'ont pas besoin de les voler, ils viennent te les demander et en
général ce sont les femmes de chambre qui font ça. Ces mêmes médicaments
sont revendus à des patients et le médecin demande cinq milles francs
Cfa en échange et si le patient a la malchance de ne pas disposer
de cet argent, il garde son médicament". Pour le cardiologue, tout
ceci n'est qu'un tissu de contre-vérités, même s'il reconnaît par
ailleurs avoir été saisi à ce sujet par des patients. "C'est une
chose sur laquelle je ne peux vraiment pas me prononcer car je ne
suis pas au courant." Par contre il explique que " nous donnons
gratuitement des médicaments à nos patients, si on en a bien sûr
mais dans le cas contraire, on leur prescrit une ordonnance. Car
la plupart du temps ce sont des personnes très démunies qui viennent
nous voir pour se faire soigner. Quant aux vols, je ne peux pas
me prononcer sur ça".
Organisation du service
Comme dans tous les services, ce dernier a un responsable
qui se trouve être le docteur Sémou Mayécor Diouf. Il est aidé dans
sa tâche par ses seconds et des assistants. Ces derniers dispensent
des cours à l'université Cheikh Anta Diop, consultent les malades
et forment des étudiants de l'université. Ces médecins se sont divisés
en trois groupes et consultent à tour de rôle les patients et c'est
ce qui fait que certains patients peuvent se retrouver avec un médecin
différent à chaque consultation. Chaque groupe consulte pendant
une semaine entière tandis que les groupes qui restent s'occupent
des malades hospitalisés. "Nous avons le droit de faire des consultations
privées, c'est la loi de l'université qui nous le permet. Mais si
c'est un cas d'hospitalisation, nous devons verser une ristourne
qui est définie par l'hôpital, en tenant compte du nombre de jours
que notre patient privé a passé à l'hôpital." Ce qui fait dire à
certains de nos interlocuteurs qu'il existe une clinique privée
au sein de cette structure gérée par le chef de service. Mais ce
n'est pas le cas, selon le docteur Diao, "ce sont des consultations
privées qu'on nous demande, même si on pouvait les faire dans une
clinique. Et en général ce sont des malades qui viennent nous les
demander. Et c'est vrai qu'elles coûtent plus cher. Mais il n'y
a pas de clinique privée ici".
Ce qui n'est pas de l'avis d'un ancien étudiant stagiaire du service
de cardiologie de l'hôpital Le Dantec qui affirme sans sourciller
: "J'ai fait mon stage durant trois mois dans ce service et j'ai
jamais vu le docteur Sémou Mayécor Diouf, je ne l'ai jamais rencontré
alors qu'il était le chef du service. Sachez que tout ce qu'on vous
dira sur cet hôpital ou le service de cardiologie, on vous en cache
la moitié."
Notre interlocuteur poursuit en soutenant qu'"il y a bien des malades
privés qui sont hospitalisés dans un des bâtiments qui fait office
de clinique, ces malades sont ceux du docteur Sémou M. Diouf, alors
qu'il n'en a pas le droit. Il refuse même que les stagiaires touchent
ces derniers. Par contre pour les autres malades, c'est nous les
stagiaires aidés de quelques médecins qui nous en chargions. Une
véritable discrimination." Ces stagiaires font peur à nos deux interlocutrices.
Car d'après elles, c'est comme si elles servaient de cobayes aux
stagiaires en quête d'apprentissage. "Je ne voudrais pas être un
cobaye pour quiconque et d'ailleurs durant mon hospitalisation,
je refusais catégoriquement que les stagiaires me touchent. Même
si c'est parfois sous l'œil d'un médecin", lance la jeune N. F.
Les cas sociaux
Des cas sociaux, on ne peut pas manquer d'en retrouver,
comme le confirme le docteur Maboury Diao qui en rencontre tous
les jours. Des malades qui n'ont pas les moyens de se payer leurs
consultations ou même leurs médicaments, comme ceux qui viennent
demander la dépense quotidienne au docteur. "Mais je demande souvent
au personnel de les ménager et aussi de comprendre la personne.
Il en va de même pour ceux qui sont hospitalisés dans ce service,
nous leur devons le respect."
Pour les patients hospitalisés qui n'ont pas les moyens d'acheter
les médicaments, l'hôpital se charge de leur donner ceux dont il
dispose dans sa pharmacie et s'ils ne peuvent payer l'hospitalisation,
ils sont signalés au niveau de l'assistance sociale. Mais ce qu'il
ne faudrait pas oublier est que l'hôpital a mis en place des tarifs
sociaux et l'hospitalisation est même parfois gratuite pour certains
à qui on redistribue les échantillons offerts aux médecins.
Safiètou KANE
Lire l'article original : http://www.lequotidien.sn/archives/article.cfm?article_id=11778&index_edition=354
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