|
Depuis les premières semaines
du mois de janvier 2004, les villes de Douala et de Limbé se trouvent
plongées dans une sorte de psychose, due à la résurgence de l'épidémie
de choléra.
Depuis les premières semaines du mois de janvier
2004, les villes de Douala et de Limbé se trouvent plongées dans
une sorte de psychose, due à la résurgence de l'épidémie de choléra.
Une maladie que l'on croyait totalement éradiquée depuis plusieurs
dizaines d'années, mais dont la résurgence a imposé la prise d'un
certain nombre de mesures par les autorités. Une sorte de plan d'urgence
mis sur pied par le gouvernement, ayant pour but d'arrêter la propagation
de cette épidémie. D'abord localisée au quartier Bépanda pour ce
qui est de la ville de Douala, la maladie s'est très vite répandue
dans d'autres quartiers de la ville, notamment dans les zones enclavées,
non approvisionnées en eau potable, et où règne une forte insalubrité.
Depuis lors, et malgré le "déploiement" effectué
pour lui barrer la route, la maladie ne semble pas avoir reculé.
De nouveaux malades continuent d'être admis dans les hôpitaux, et
d'autres victimes de l'épidémie dans les morgues. Ce qui amène à
s'interroger, non seulement sur le sérieux accordé à cette situation
périlleuse pour les populations, mais aussi sur l'efficacité et
la mises en pratique effective de ces mesures. Une petite balade
effectuée par Mutations dans les zones à risque, les hôpitaux, ainsi
que des entretiens avec les équipes chargées de l'application du
plan d'urgence, dévoilent la réalité sur la question.
1 - Désinfection
Au fond du puits, le chlore
La réapparition de l'épidémie de choléra est venue
révéler de situations inimaginables pour une grande ville comme
Douala. Qui, avant cette vaste campagne de chloration des puits,
pouvait imaginer que Douala compte plus de 20.000 puits. "C'est
comme si toute la ville ne s'alimentait qu'en eau de puits", ironise,
Sollé Jérémie, le délégué provincial de la Santé publique pour le
Littoral. Et l'un des points du plan d'urgence mis en place par
le gouvernement, s'appuie sur cet élément, à savoir : "le traitement
des eaux des puits par le chlore". C'est autour de cette opération
que tourne l'essentiel du travail des équipes mises en place par
la délégation de la santé, en association avec les comités locaux
de lutte contre le choléra. Ces comités ont pour missions : "le
traitement des points d'eau et les maisons des personnes infectées,
l'assainissement des marchés des vivres et la sensibilisation des
populations sur les règles d'hygiène et de salubrité". D'après les
chiffres obtenus à la délégation provinciale de la Santé, plus de
8.000 puits ont déjà été chlorés. 10.000 autres restent à traiter.
"La chloration des puits est simplement une mesure ponctuelle qui
consiste à mettre à la disposition des populations des zones à risque
en ce temps d'épidémie l'eau potable. On procède en y mettant une
quantité précise du chlore et du sable en fonction des résultats
du calcul du volume d'eau contenue dans le puits. Ce dispositif
reste au fond du puits pendant une durée qui varie entre 6 et 12
jours au maximum. Délai de renouvellement", affirme Sollé Jérémie.
Il ne s'agit pas d'une opération pérenne, elle ne va durer que le
temps de cette épidémie. "Il faudra que les pouvoirs publics prennent
le relais en construisant par exemple des forages", poursuit il.
S'il est facile aux équipes des comités locaux de faire le tour
des différents puits, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une
opération onéreuse. "Pour les 8.000 puits, nous avons déjà utilisé
plus de deux tonnes de chlore. Un seau de 45 kg coûte sur le marché
115.000 francs Cfa. Imaginez donc à combien peuvent revenir les
deux tonnes. Ajouter bien entendu à ces chiffres les coûts de près
de 30.000 sacs (qui supportent le chlore au fonds du puits), le
prix de sept camions de sable et d'autres matériels comme les ficelles",
explique t-on à la délégation. Pour tenir le coup qui demande des
gros moyens, d'autres forces ont été mises à contribution.
Ainsi, l'intervention des municipalités dans les
comités locaux a apporté une bouffée d'oxygène au fonctionnement
de ces structures, créées par arrêté préfectoral. "Ce sont les mairies
qui financent les comités locaux. Au niveau du comité local de Douala
2ème, nous avons bénéficié d'une contribution d'un million de francs
de la mairie pour le temps que va durer cette campagne", affirme
le sous-préfet de Douala 2ème, Boniface Bayaola. Des actions pas
toujours intégrées par la population où on observe de réactions
diverses. "Au moment du passage des équipes, certaines maisons sont
souvent fermées et par conséquent, l'accès aux puits devient impossible",
affirme un collaborateur du sous-préfet de Douala 2ème. "Certains
propriétaires enlèvent simplement le dispositif de chloration mis
dans le puits après le départ des équipes", relève le délégué provincial.
Toutes choses qui montrent que la chloration est certes efficace,
mais elle n'est pas une solution définitive et permanente.
2 - Vigilance
Le Littoral en état d'alerte
Les premières réactions des responsables de la
santé publique dans le Littoral avaient consisté, au lendemain de
l'enregistrement des premiers cas, à dégager des espaces dans tous
les six hôpitaux de district de Douala. Des lits ont ainsi été libérés
pour accueillir les malades. Quelques semaines après, l'attention
s'est déportée ailleurs et se focalise davantage sur le terrain,
et la veille se porte sur l'attitude des populations. Bien qu'ils
aient un grand rôle de sensibilisation, les comités locaux crées
dans les arrondissements ne sont que des solutions ponctuelles,
ses membres n'étant pas d'ordinaire commis à cette tache. Et pour
la circonstance, le système de surveillance habituel, qui existe
en principe au niveau de chaque hôpital de district, a été activé
et mis en veille maximum. "Il existe d'habitude un système de surveillance
épidémiologique normal dans toutes les zones. En temps normal, nous
recevons des rapports à la fin de chaque semaine. Ces rapports sont
basés sur des données ayant un lien avec les maladies potentiellement
épidémiques (méningite, rougeole, choléra, etc). On a évidemment
ce qu'on appelle un seuil épidémique qui nous permet de réagir.
Mais en période d'épidémie comme celle-ci, on renforce évidemment
cette veille.
Au lieu d'attendre la fin de la semaine pour avoir
le rapport, nous le faisons chaque soir", affirme le délégué provincial
de la Santé publique. C'est dans cette optique, qu'en plus des six
districts de santé de la ville de Douala, tous les autres districts
de santé de la province du Littoral (soit douze au total) ont aussi
mis en état d'alerte.
Les médecins et techniciens supérieurs des services
d'épidémiologie dans les différents centres de santé sont constamment
sur le terrain. Une présence qui suscite cependant quelques interrogatoires
au sein de la population sur le rôle de ces spécialistes de l'épidémiologie,
sur la capacité réelle de réaction de ces équipes au regard de l'évolution
de la situation actuelle. Qu'on se rappelle, au moment du déclenchement
de l'épidémie, l'alarme n'a été tirée que par une affluence massive
des malades présentant les signes du choléra à l'hôpital de district
de Deido, et non pas par à un quelconque rapport épidémiologique.
Lazare Kolyang
Lire l'article original : http://www.quotidienmutations.net/cgi-bin/alpha/j/25/2.cgi?category=2&id=1077707772
|