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La mort d'une fillette vient
relancer le débat sur le contrôle sanitaire des voyageurs venant
de régions affectées par le paludisme. Celui-ci se transmet par
une piqûre de moustique. La maladie ne devient mortelle que si elle
n'est pas dépistée et soignée à temps.
Un oubli. C'est un peu ce qui a tué Pallavi Purmah,
5 ans. Pendant les sept jours qu'elle sera hospitalisée, elle subira
plusieurs tests sanguins. Sauf celui du dépistage de la malaria.
Forte fièvre, douleurs au foie, état de faiblesse… ce sont pourtant
bien les symptômes de la maladie. Mais infirmiers et médecins n'y
ont pas pensé. Quand le test est effectué, il est trop tard.
Quand ce n'est pas de l'oubli qui tue, c'est l'absence
de rigueur. Si c'est bien une fillette des Comores qui l'a contaminée
- ce qui n'est pas encore prouvé - comment se fait-il qu'elle n'ait
pas été testée ? "Quand on a mis la main sur la famille comorienne,
les parents ont refusé que du sang soit prélevé sur leur enfant,
car, disaient-ils, ce prélèvement avait déjà été fait à la clinique
où elle était soignée." Et le mal aussi avait été fait.
Il faut se rendre à l'évidence : bien que notre
système de prévention sanitaire ait la réputation d'être fiable,
il comporte des failles. La première étant cette formule hasardeuse
qui consiste à retrouver le passager venant de zones à risque au
moyen d'une fiche laissée aux services de l'aéroport afin de réaliser
le test sanguin. Le cas récent de Didier Giraud n'a malheureusement
pas été l'occasion d'une révision de la formule.
Didier Giraud est mort de malaria après un voyage
en Zambie en avril 2001. Cet ancien directeur du département tourisme
d'Ireland Blyth avait donné pour adresse "Grand-Baie" à son arrivée
à Plaisance. Le Health Surveillance Officer (HSO) n'a pu le retrouver
car Didier Giraud se trouvait en fait à Péreybère. Il y a vécu avec
sa malaria falciparum et ne savait même pas que sa vie était en
danger et qu'il pouvait contaminer sa famille et ses voisins à 500
mètres à la ronde.
La fiche n'a pas été convenablement complétée et
la démarche pour retracer le passager non plus. Aujourd'hui à la
retraite, Philippe Moothoosamy, supérieur hiérarchique du HSO responsable
de la région, se souvient. "J'ai demandé au HSO s'il avait interrogé
les gens de Grand-Baie pour savoir où pouvait se trouver Didier
Giraud. Il m'a dit non. Je n'étais pas d'accord qu'on n'arrive pas
à retrouver un Mauricien, même s'il avait donné une fausse adresse.
J'ai alors ouvert l'annuaire du téléphone et j'ai vu que le nom
Didier Giraud s'y trouvait. Malgré ses sept ans d'expérience, l'officier
n'avait pas fait l'effort nécessaire à ce type de travail. J'ai
demandé qu'il soit transféré. Après mon départ, j'ai appris qu'il
a repris son poste pour s'occuper des visiting incoming passengers".
Dépistage obligatoire
Combien sont-ils ces porteurs ou porteurs potentiels
de malaria à échapper au contrôle du service de dépistage ? Beaucoup
trop… Le Dr Chinien Ragavoodoo, conseiller en paludisme au ministère,
explique que ce ne sont pas seulement les adresses incomplètes ou
fausses qui permettent à bon nombre de Mauriciens ou d'étrangers
d'échapper au dépistage. Des porteurs potentiels ne se trouvent
pas toujours là quand le HSO se présente à leur domicile, d'aures
refusent la prise de sang pour l'analyse.
C'est un droit que tout citoyen mauricien ou visiteur
peut évoquer. L'officier ne peut pas contraindre qui que ce soit
à faire ce test. En fait, de l'aveu même du Dr Ragavoodoo, les parents
de la petite Comorienne n'ont pu être retracés qu'après l'incident.
Ils avaient donné une adresse à Vallée-des-Prêtres, mais ils ne
s'y trouvaient pas.
En 2002, selon le ministère de la Santé, 162 312
personnes ont débarqué à Plaisance en provenance d'un pays à risque.
Environ 25 % de ceux-là, soit près de 40 000, n'ont pas été dépistés
parce qu'ils se rendaient dans de grands hôtels de plage où le HSO
ne peut pas les déranger. Ce sont les infirmeries des hôtels qui
les prennent en charge et sont tenues d'informer le département
malaria en cas de fièvre suspecte. Mais bon nombre de personnes
donnent l'adresse d'un grand hôtel et vont ensuite dans un bungalow
en location ou chez des amis mauriciens.
Philippe Moothoosamy estime que nous sommes en
train de jouer avec le feu avec cette formule. D'autant plus que
les symptômes sont parfois difficilement perceptibles. "Dans les
années 80, je tombe sur un médecin béninois à Maurice dans le cadre
d'une session de formation à côté de l'hôpital du Nord. Quand je
lui dis que je suis venu pour un dépistage, il me répond qu'il a
la malaria, que 80 % de ses compatriotes l'ont, qu'ils sont immunisés
et ne présentent aucun symptôme. Je prélève son sang et on découvre
qu'effectivement il a la malaria falciparum. Que se passe-t-il si
une telle personne était descendue dans un hôtel ? Il n'aurait eu
ni fièvre, ni symptômes et aurait contaminé son entourage."
Autre signe d'un manque de rigueur : les personnes
identifiées comme porteurs de la malaria ne sont pas isolées. Cela
n'a pas été le cas, par exemple, de la petite Comorienne, assurent
des médecins de l'hôpital Jeetoo, sous le couvert de l'anonymat.
Faut-il rendre le dépistage légalement obligatoire
? Certains médecins y sont favorables. "Il faut cesser d'envoyer
des HSO chercher des adresses fictives ou frapper à des portes fermées.
Ces gens qu'on doit dépister doivent eux-mêmes prendre rendez-vous
le jour ou le lendemain de leur arrivée et le HSO se déplace alors
pour le prélèvement. Des poursuites judiciaires doivent être entamées
contre ceux qui ne respectent pas la réglementation", s'exclame
un virologue.
Comment se transmet la malaria…
La malaria se transmet de personne à personne uniquement
par l'intermédiaire d'un moustique appelé anophèle. Sans ce moustique,
introduit à Maurice vers 1867, il n'y aurait pas eu de malaria.
La maladie était inconnue dans l'île avant cette date et tous les
efforts pour éradiquer complètement l'anophèle gambae, qui transmet
la malaria, ont été vains. L'homme est infecté par la piqûre de
l'anophèle femelle qui a besoin de sang humain pour développer ses
œufs avant la ponte.
Le moustique infecté injecte le parasite de la
malaria à toutes les personnes qu'il pique. Celui-ci migre rapidement,
via la circulation sanguine, vers le foie. Il pénètre dans la cellule
hépatique où il se divise très activement pour donner naissance,
en quelques jours, à des dizaines de milliers de nouveaux parasites
: les mérozoïtes.
Les cellules du foie éclatent en libérant dans
le sang, ces parasites qui pénètrent et se multiplient à l'intérieur
des globules rouges. Lorsque ces derniers éclatent, les mérozoïtes
ainsi libérés infectent de nouveaux globules rouges. Si le malade
n'est pas traité à temps, c'est la mort à brève échéance dans le
cas de la malaria falciparum, alors que la malaria vivax ne tue
pas rapidement.
Pour le traitement, il existe plusieurs médicaments,
quoique le parasite de la malaria falciparum dans certains pays,
des régions retirées de la Thaïlande par exemple, a développé une
forte résistance à tous les types de médicaments. C'est pour cette
raison qu'à Maurice, un prélèvement sanguin est passé sous microscope
pour évaluer la quantité de parasites avant d'administrer des médicaments.
D'autres évaluations sont faites après le début du traitement pour
voir si le taux de parasites dans le sang baisse. On change de médicament
si le taux ne diminue pas, car c'est une indication que le parasite
est résistant au médicament utilisé. Les médicaments les plus efficaces
lors de la phase d'infection des globules rouges sont la chloroquine
(Nivaquine), qui tue le parasite à l'intérieur du globule rouge,
mais aussi l'halofantrine (Halfan), la méfloquine (Lariam) et la
quinine. La quinine reste le médicament de référence dans le traitement
de la malaria.
Lire l'article original : http://www.lexpress.mu/display_search_result.php?news_id=16701
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