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Le paludisme est devenu une des maladies les plus graves et les
plus mortelles du continent africain : il tue un enfant toutes les
trente secondes et représente 10 % de la charge totale de morbidité
du continent. Aux facteurs de mal nutrition qui affaiblissent les
organismes, s'ajoutent les difficultés économiques que rencontrent
les populations touchées pour se procurer les médicaments adéquats
(seuls des pays comme l'Afrique du Sud, la Namibie, le Botswana,
Djibouti et le Swaziland garantissent la gratuité du traitement
contre le paludisme). Ces dernières ont favorisé l'émergence d'un
marché parallèle de médicaments contrefaits et fait de l'Afrique
la dernière étape de leur circuit de distribution.
Des chercheurs français de l'Institut de recherche pour le développement
(Ird), basé à Paris, ont mené une étude sur la contrefaçon d'antipaludéens
au Cameroun. Financés par le ministère de la Recherche, ils ont
enquêté dans seize localités du pays, et récolté 284 échantillons
de ces faux remèdes dans 132 sources de vente différentes (marché,
échoppes illégales, vente sous le manteau, etc...) entre 2001 et
2002. Le but de ces travaux était de déterminer si les principes
actifs vendus dans ces gélules ou cachets correspondaient à leur
libellé...
Et le constat est inquiétant. Dans un compte-rendu publié ce mois-ci,
l'Ird souligne que "38% des médicaments supposés contenir de la
chloroquine, 74% de la quinine et 12 % du sulfadoxine-pyriméthamine
ne contenaient en réalité soit aucun principe actif, soit un principe
actif en quantité insuffisante, soit […] d'une autre nature ou encore
des composés inconnus."
12 milliards perdus à cause du paludisme
Si l'automédication peut-être une alternative pour permettre une
réaction rapide aux crises paludiques ou aux premiers symptômes
de la maladie, cette pratique peut se révéler dévastatrice : associée
à de mauvais produits, elle stimule des agents pathogènes résistants
mais accentue aussi la mortalité par faute de bons soins. Le compte-rendu
note également que sur tous ces échantillons étudiés, "seulement
118 d'entre eux portaient mention de leur origine, 61 provenant
de l'Union européenne, 6 de l'Europe de l'Est, 39 d'Asie, et 12
d'Afrique", sans toutefois qu'il soit possible "dans la majorité
des cas de déterminer l'identité de la compagnie pharmaceutique
[...], ni le lieu de fabrication."
A l'éloignement des centres de soins pour les populations rurales
s'ajoutent les prix des consultations, sans compter l'achat des
médicaments. L'automédication est devenue la seule forme de régulation
du marché des médicaments antipaludiques. Au Cameroun comme ailleurs,
les conséquences de leur inefficacité pourraient bien aggraver la
pandémie qui touche principalement les enfants.
Ce fléau freine donc considérablement le développement du continent.
Selon le rapport 2003 sur le paludisme en Afrique de L'Organisation
mondiale de la santé (Oms) et de l'Unicef, le paludisme engendre
plus de 12 milliards de dollars de perte annuelle de Produit intérieur
brut (Pib) sur le continent…
Par Julien FOUINEAU Correspondant - permanent en France
Lire l'article original : http://www.lequotidien.sn/archives/article.cfm?article_id=13415&index_edition=401
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