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Hier, le Sénégal s'est mobilisé pour une des multiples "journées
mondiales" célébrées chaque année. Mais sans doute une des plus
importantes, quand on sait que le paludisme tue quelque 500 millions
de personnes chaque année. A Bakel, par exemple, 18 877 cas ont
été enregistrés l'année dernière. Les médicaments existent pour
ramener les risques de mortalité à presque zéro, mais ils coûtent
cher.
Chaque jour, 600 millions de personnes (la plupart vivant en Afrique)
sont exposées à un risque mortel : le Plasmodium falciparum, le
plus virulent des parasites transmetteurs de la malaria. Or la nouvelle
parade contre ce tueur en série a fait ses preuves en Asie. L'Act,
combinaison de l'extrait d'une plante chinoise, l'artémisinine,
et de substances chimiques, commence à se répandre en Afrique, mais
elle coûte dix à vingt fois plus cher que les traitements classiques
devenus inefficaces. Après une certaine inertie, la communauté internationale
et l'industrie pharmaceutique semblent enfin prêtes pour une mobilisation
générale,… à condition de trouver de l'argent. L'Oms a battu le
rappel à l'occasion de la Journée africaine du paludisme célébrée
hier.
A Genève, la doctoresse malienne Fatoumata Nafo-Traoré qui dirige
le programme Faire reculer le paludisme est claire : "Un million
d'enfants africains en meurent chaque année, des millions d'autres
tombent malades. Dans beaucoup de régions, on les soigne essentiellement
à la chloroquine et au SP (sulfadoxine pyriméthamine) dont l'efficacité
est tombée à moins de 50 %, à cause de la résistance développée
par le virus. Plus il y aura de pays qui décident de passer à l'Act,
plus les prix des nouveaux traitements baisseront. Mais il faudrait
1 milliard de dollars par an pour encourager cette conversion et
fournir les traitements nécessaires". Malheureusement les donateurs
ne se bousculent pas, déplore Médecins sans frontières enthousiaste
sur les résultats de ce nouveau traitement. Pourtant, laisser le
champ libre au palu coûte bien plus cher au continent : au moins
12 milliards de dollars par an, soit 40 à 50 % des dépenses de santé.
Les espoirs de diminuer de moitié l'incidence de la maladie d'ici
2010 sont encore ténus.
Depuis 2002, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose
et le paludisme tente d'encourager les pays africains à changer
de stratégie. Six pays africains ont déjà commencé à utiliser l'Act
: Afrique du Sud, Burundi, Mozambique, Sénégal, Zambie et Zanzibar.
Neuf autres ont décidé récemment de leur emboîter le pas. En Afrique
de l'Ouest, où les thérapies conventionnelles restent relativement
efficaces, plusieurs Etats hésitent à faire le pas.
Le prix reste évidemment le principal frein. Le Coartem, fourni
à bas prix par Novartis, coûte 2,4 dollars (environ 1 500 F) pour
une cure de trois jours, indique-t-on à l'Oms. Alors que les monothérapies
anti-palu des années 1950, toujours en usage, reviennent à 10 ou
20 cents (100 ou 200 F environ). Pourtant, une embellie se dessine,
se réjouit le Dr Allan Shapira, coordinateur de la stratégie anti-palu
au niveau du programme Faire reculer le paludisme : "Il y a dix
ans, l'industrie pharmaceutique se désintéressait de la malaria
: pas de profit, pas de marché intéressant…
Aujourd'hui des partenariats public-privés entre l'aide internationale
et les firmes permettent de diminuer les coûts de recherche et les
risques pour ces dernières. De plus, elles tirent une bonne image
en disant qu'elles vendent à bas prix ou même à perte pour sauver
des vies." Pour l'instant, le Suisse Novartis et le Français Sanofi
jouent les pionniers, alors que des sociétés américaines préparent
une nouvelle génération d'Act. Mais comme l'artéminisine est cultivée
en Chine et au Vietnam, des compagnies asiatiques se mettent aussi
sur les rangs. Autre perspective intéressante : des cultures de
la plante miracle s'implantent en Afrique, à commencer par la Tanzanie
et le Ghana. Parallèlement, l'Oms étudie également la pharmacopée
traditionnelle.
Lire l'article original : http://www.walf.sn/societe/suite.php?rub=4&id_art=9499
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