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A l'initiative de l'OMS (Organisation mondiale de la santé), la
quatrième journée africaine de lutte contre le paludisme est célébrée
aujourd'hui. Cette maladie qui demeure la première cause de mortalité
infantile en Afrique, donne encore du fil à retordre à la médecine
sur le continent noir. Quatre ans après les résolutions d'Abuja,
le bilan de la lutte antipaludique n'est guère reluisant. Etat des
lieux.
Le paludisme continue à affecter les populations vivant dans les
44 pays d'endémie palustre, particulièrement les enfants. C'est
d'ailleurs pour attirer l'attention des adultes sur la situation
des tout petits que l'édition de cette année a pour thème : "Un
avenir sans paludisme", accompagné du slogan : "Les enfants font
reculer le paludisme avec les enfants". Pour le Dr. Ebrahim Malick
Samba, Directeur régional Afrique de l'OMS, les enfants, bien que
premières victimes n'ont pas souvent l'occasion de plaider pour
leur propre cause, d'exiger la protection et une bonne santé, de
faire connaître leurs besoins à ceux qui ont les moyens d'y remédier.
"Le thème et le slogan offrent aux enfants africains, l'occasion
de faire campagne et de sensibiliser un grand nombre d'enfants et
d'adultes dans les pays d'endémies et ailleurs", estime t-il.
Qu'est ce que le paludisme ?
Le paludisme est une maladie parasitaire potentiellement mortelle
transmise par des moustiques. A l'origine, on pensait qu'elle provenait
des zones marécageuses, d'où le nom paludisme, dérivé d'un mot ancien
"palud" (marais). Cependant, en 1880, les scientifiques se sont
rendus compte que la véritable cause du mal est un parasite appelé
plasmodium. Les travaux ont permis ensuite de comprendre que le
parasite en question était transmis d'une personne à une autre par
les piqûres d'une moustique, l'Anophèle femelle, qui a besoin de
sang pour nourrir ses œufs.
Les symptômes du paludisme apparaissent 9 à 14 jours environ après
la piqûre du moustique infecte. En règle général, le paludisme s'accompagne
de fièvre, céphalées, vomissements et autres symptômes de type grippal.
En l'absence de médicaments ou en cas de résistance des parasites
aux médicaments disponibles, l'infection peut évoluer rapidement
et devenir potentiellement mortelle. Selon les statistiques, on
compte chaque année au moins 300 millions de cas aigus de paludisme
dans le monde, et plus d'un million de décès. 90% de ces décès surviennent
en Afrique, principalement chez les jeunes enfants. Des chiffres
concordants indiquent 3000 enfants tués chaque jour sur le continent
africain, ce qui donne une moyenne d'une victime toutes les trente
secondes.
En effet, ce fléau est la cause de mortalité chez les moins de cinq
ans en Afrique (20%) ce qui représente 10% de la charge totale de
morbidité du continent.
La Côte d'Ivoire pas épargnée
L'anémie, l'insuffisance pondérale à la naissance, l'épilepsie
et les problèmes neurologiques, conséquences fréquentes du paludisme,
compromettent la santé et le développement de plusieurs millions
d'enfants dans les pays tropicaux. Au nombre des explications avancées
pour justifier cette situation, on note une résistance aux médicaments
antipaludiques de plus en plus fréquente, aggravée par une pauvreté
très répandue, l'insuffisance des infrastructures médicales, et
dans certains pays, des troubles civils ou militaires.
En Côte d'Ivoire, la situation s'est soudainement aggravée. La crise
militaro-politique déclenchée le 19 septembre 2002 a contribué à
accroître les cas de personnes infectées. Selon le Dr. Memain, responsable
du programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) depuis
janvier 2004, le taux de morbidité de 40% en 2001 est passé à 60%
en 2003. Quant au taux de mortalité, il a grimpé à 28% l'année dernière,
contre 15% en 2001. Ce qui démontre une aggravation de la situation
dans toutes les régions du pays (zones assiégées comme zones gouvernementales).
Toutefois, on signale une recrudescence du fléau en zones forestières,
comme Gagnoa, Agboville et autres. C'est d'ailleurs pour cette raison
que la capitale de l'Agneby a été choisie cette année pour abriter
la cérémonie officielle de célébration de la journée africaine de
lutte contre le paludisme. Dans certaines régions du pays, l'augmentation
du taux d'infection est liée à la malnutrition et aux conditions
de vie exécrable (vie en pleine brousse, maisons sans fenêtres,
une densité très faible due au déplacement d'un grand nombre de
populations de leur habitat d'origine), pour ne citer que ces quelques
exemples.
Avec le VIH/Sida et la tuberculose, le paludisme est l'un des principaux
problèmes de santé publique menaçant le développement des pays les
plus pauvres. Il affecte en effet la santé et la richesse des Etats
et des personnes.
Il a un important coût direct et indirect qui entrave sérieusement
le développement économique. Dans les pays de forte tradition, la
croissance économique annuelle a toujours été inférieure à celle
des pays sans paludisme. Les économistes attribuent au fléau un
déficit de croissance annuel pouvant atteindre 1,3% dans certains
pays du continent. L'effet du paludisme sur les ressources humaines
en Afrique ne se limite pas à une simple perte de revenu. Outre
la douleur et les souffrances humaines, le fléau entrave également
la scolarisation et le développement social des enfants. La simple
présence du paludisme dans une collectivité ou un pays est préjudiciable
à la prospérité individuelle et nationale en raison de son influence
sur les décisions sociales et économiques.
C'est d'ailleurs pour cette raison que les organisations internationales
et principalement l'OMS débloquent régulièrement des sommes colossales
pour aider les pays gravement touchés à combattre le fléau. En 1997,
elle a pour la première fois de son histoire dégagée la bagatelle
de six milliards de F Cfa pour appuyer l'accélération de la lutte
contre le paludisme en Afrique. Outre les moyens financiers, des
rencontres au sommet ont lieu pour dégager des stratégies efficientes
de lutte.
44 pays africains très touchés
La dernière en date est l'Initiative africaine de lutte contre
le paludisme au 21ème siècle et la signature de la Déclaration et
du plan d'action historique d'Abuja (Nigeria). En effet, le 25 avril
2000, les dirigeants de 44 pays africains où le paludisme sévit
de façon endémique se sont rencontrés dans la capitale nigériane.
Une déclaration produite à la fin du sommet engageait les gouvernements
africains à mener un effort intense pour réduire de moitié le fardeau
du paludisme en Afrique d'ici 2010 et fixait des cibles pour 2005.
Un an avant la date fixée pour atteindre les objectifs fixés à Abuja,
la maladie continue à sévir dangereusement. Le thème " un avenir
sans le paludisme " pourrait n'être qu'un simple slogan. Malheureusement.
Karim Wally
Lire l'article original : http://www.leliberal.info/ll01.asp?action=lire&rname=Société&id=2903
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