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Dans la région de Matam, beaucoup de personnes se font encore une
fausse représentation du paludisme qui peut se révéler dramatique
au bout du compte. C'est la banalisation de la maladie qui retarde
la prise en charge des malades. Ce qui contribue à augmenter le
nombre des victimes du paludisme. La confidence est de l'adjudant
Babacar Badiane, chef du service régional de l'Education pour la
santé.
Le soleil : Quelle est la représentation de
la maladie que les gens se font ici du paludisme ?
Babacar Badiane : Beaucoup de gens
se font encore une fausse représentation du paludisme qui peut se
révéler dramatique au bout du compte. Certains disent que la chaleur
ou le fait de recevoir l'eau de pluie sur le corps sont, entre autres,
des causes qui déclenchent l'accès palustre. Ils ne sont pas toujours
au fait que c'est une maladie parasitaire transmise par un seul
vecteur, le moustique, qu'il faut combattre par diverses actions
comme l'assainissement et l'hygiène du cadre de vie, auxquels les
populations doivent prendre part effectivement aux côtés des agents
du service d'hygiène. La fausse représentation de la maladie et
sa banalisation persistante dans l'opinion font que son impact restera
très lourd chaque année. Il y a aussi que la personne infectée,
qui commence à développer un accès palustre, ne fait rien au début.
Elle va prendre à la légère sa maladie en se basant sur des points
trompeurs comme les moments de baisse de la fièvre et de faux signes
de rétablissement. Les parasites vont, entre temps, se démultiplier
dans son organisme jusqu'à faire apparaître une anémie, un des facteurs
aggravant du paludisme, surtout chez l'enfant et la femme enceinte
qui, elle, peut avorter, voire décéder. Nous voyons donc qu'il y
a encore des actions à faire pour mieux faire comprendre à la population
les dangers du paludisme, son mode de transmission, les voies et
moyens de sa prévention, mais aussi l'importance d'aller à la structure
sanitaire la plus proche dès les premiers signes d'accès palustre,
dont le premier est la fièvre. Il y en a qui, malades, restent encore
à la maison jusqu'à l'apparition des signes de gravité (très forte
fièvre, délire, coma, collapsus, etc.). Nombre de gens déboulent
fréquemment et tardivement à la structure de santé, avec leur (s)
parent (s) malade (s). Certains n'en échappent pas…
Le soleil : Quelles sont les interventions spécifiques
que vous menez pour éduquer les populations afin qu'elles comprennent
les dangers du paludisme ?
Babacar Badiane : Les interventions
que nous menons sont des campagnes de mobilisation sociale à travers
les trois départements. Nous identifions les postes de santé où
il y a des comités de salubrité pour travailler avec eux dans la
promotion de l'hygiène du milieu de vie. Nous faisons avec ces comités
de salubrité des opérations d'assainissement dans les concessions
et leurs environs. Nous cherchons, par ces actions qui se font d'ailleurs
durant les matinées, à diminuer les possibilités de gîtes larvaires,
notamment par la destruction de tous ce qui est susceptible d'accueillir
de l'eau propice à la prolifération des moustiques, comme les vieilles
calebasses, les pneus usagés, les pots de conserves, les poteries
de terre, etc. Durant l'après-midi, nous organisons des causeries
avec la communauté afin d'informer les populations sur les conséquences
du paludisme et les éduquer sur les conduites à tenir. Ces messages
que nous délivrons à la communauté, aux chefs de famille et aux
leaders, prennent bien en compte les groupes les plus vulnérables
que sont les enfants et les femmes enceintes.
Le soleil : Quelles sont les organisations qui
vous appuient dans vos interventions à base communautaire ?
Babacar Badiane : Je vous ai parlé
plus haut des stratégies que nous mettons en œuvre avec les comités
de salubrité. Mous oeuvrons également avec les autres organisations
communautaires de base, les associations sportives et culturelles,
les groupements féminins, les clubs de solidarité, la Croix-Rouge,
les associations de religieux, etc. Quand il y a des actions de
mobilisation sociale, chacune de ces organisations envoie des membres
au niveau d'un comité chargé de piloter les actions. Ils participent
à des séances de formation, aux causeries et aux actions sur le
terrain. L'autre action consiste à la mise en place d'unités d'imprégnation
(et de ré-imprégnation) des moustiquaires composées de membres provenant
des comités de salubrité. Ces personnes seront formées par les agents
d'hygiène aux techniques simples d'imprégnation avec utilisation
de produits chimiques liquides ou sous forme de pastilles solides
à dissoudre.
Chaque poste de santé a son comité de salubrité et son unité d'imprégnation
de moustiquaires. Dans le département de Matam, nous avons 25 postes
de santé. Il y en a 24 dans le département de Kanel et 6 dans celui
de Ranérou. Ce sont les infirmiers chefs de poste (ICP) eux-mêmes
qui encadrent les unités d'imprégnation composées de membres choisis
et formés dans le comité de salubrité. Le personnel du service régional
de l'hygiène n'est pas assez fourni. Il ne peut pas donc tout faire.
Il revient donc aux ICP d'encadrer les unités d'imprégnation avec
l'appui des comités de santé qui achètent les produits et les moustiquaires
au dépôt de Matam. Nous leur fournissons aussi du matériel d'intervention
puisqu'il s'agit de manipulation de produits chimiques. Grâce aux
recettes de prestations d'imprégnation et de vente de moustiquaires,
le comité de santé rémunère les membres des unités d'imprégnation.
Je signale que chaque dimanche, les comités de salubrité ont des
actions d'assainissement du cadre de vie de leurs propres communautés.
Le soleil : Est-ce que les gens acceptent d'y
aller de leur poche pour participer à la lutte préventive contre
le paludisme ?
Babacar Badiane : Il arrive parfois
que les populations ne participent pas aux séances de réimprégnation
des moustiquaires, même si le prix d'une réimprégnation est de 300
Fcfa. En revanche, si on leur dit que c'est gratuit, elles sortent
en masse avec leurs moustiquaires. Même si c'est 200 Fcfa, elles
nous disent que c'est cher alors qu'elles ont dans leurs maisons
beaucoup de moustiquaires, entre cinq et dix, faites artisanalement.
Le soleil : Quel est le coût unitaire véritable
de la réimprégnation ?
Babacar Badiane : D'après la lettre
circulaire du ministre de la Santé et de la prévention, il est de
500 Fcfa. Notre objectif est d'arriver à amener les gens à dormir
sous moustiquaire imprégnée. Cela nous aidera à lutter contre le
paludisme et aussi à diminuer la charge ambiante en moustiques.
Le soleil : Comment faites-vous pour effectuer
des opérations sur le terrain ?
Babacar Badiane : Indépendamment
de la sensibilisation et de l'imprégnation des moustiquaires, les
agents de la brigade régionale de l'hygiène font aussi de la promotion
de moustiquaires imprégnées dans les communes et les villages, notamment
au niveau des marchés fixes ou des marchés itinérants hebdomadaires
populairement appelés "loumas" et qui se tiennent de façon hebdomadaire.
Nous faisons aussi des opérations d'assainissement pendant et après
l'hivernage pour lutter contre la prolifération des moustiques par
la destruction des gîtes larvaires.
Le soleil : Quels sont vos moyens ?
Babacar Badiane : Ils sont limités.
Nous n'avons pas de véhicule destiné uniquement aux opérations essentielles
de lutte contre les vecteurs des maladies : la sensibilisation,
la formation décentralisée des personnels de santé, le monitoring
et la promotion de produits. On se rabat donc sur le véhicule du
médecin chef de région, le seul d'ailleurs de la région médicale.
Nous n'en sommes pas les seuls utilisateurs, car il y a d'autres
programmes qui sont mis œuvre. Pour que le service régional de l'hygiène
arrive à mieux assurer ces activités de prévention, il lui faut
des moyens mobiles. Sur le plan du personnel, je n'ai que huit agents.
La brigade est composée d'un sous-officier (moi-même), de cinq agents
et trois auxiliaires qui sont basés à Matam. Du fait de leur petit
nombre, nous ne pouvons pas les disperser dans les départements.
Il y en aurait que deux à trois agents par département ; ce qui
est très peu pour assurer toutes les activités nécessaires. On les
a regroupés pour plus d'efficacité.
Propos recueillis par FARA DIAW et MBAYE DRAME
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=36862&index__edition=10167
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