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Mutations : Selon vous, quelle
est la stratégie adéquate pour lutter contre la cécité de rivière
?
Jean Momo : Au
préalable il faut engager de nombreuses campagnes pour sensibiliser
les populations riveraines sur les risques qu'ils encourent du fait
de la proximité qui existe entre les lieux de leurs habitations
ou de travail et les nids des simulies dont les rivières constituent
un milieu d'expansion rapide. Ensuite, l'on doit les amener à consommer,
à titre préventif ou curatif, des doses de mectizan qui, depuis
quelques années, sont distribuées gratuitement dans notre pays.
Aussi, régulièrement, dans le cadre de notre fondation, nous discutons
avec les acteurs locaux pour savoir s'ils n'ont pas d'autres moyens
pour combattre cette maladie. Lorsque leurs méthodes s'avèrent efficaces,
nous œuvrons pour leur large diffusion. Afin d'aider les populations
des autres contrées où se développent facilement les simulies.
Mutations : Comment détruire
directement les simulies ?
Jean Momo : Ce
n'est pas facile, surtout ici à l'Ouest où il existe de nombreux
ruissellements des cours d'eau et rivières tout comme des zones
d'humidité dues à l'ombrage engendré par le feuillage des arbres
et des grandes herbes. Cette difficulté est d'autant plus grande
que nous ne disposons pas d'insecticides à large spectre comme en
Afrique de l'Ouest. Où les simulies ont été complètement détruits
par des insecticides largement répandus par des hélicoptères sur
leurs foyers. De nos jours, l'onchocercose n'est plus un problème
de santé publique dans cette partie du continent. Ici, chez nous,
nous espérons un jour disposer des moyens pour des opérations du
genre.
Mutations : Cette démarche n'est-elle
pas nuisible à l'équilibre de l'écosystème ?
Jean Momo : Quand
nous avons deux priorités en face de nous, il faut choisir la plus
utile C'est ainsi, qu'entre la santé des populations attaquées par
l'onchocercose et la préservation de l'espèce des simulies pour
leurs éventuels bienfaits pour le maintien de la biodiversité, nous
avons opté pour la première préoccupation au détriment de la seconde.
Car on ne peut pas, parce qu'il faut protéger l'environnement, laisser
toute une population devenir aveugle.
Mutations : Peut-on avoir une
idée sur l'évaluation des actions entreprises dans le cadre de la
lutte contre la cécité des rivières dans la province de l'Ouest
?
Jean Momo : Avec
l'appui du ministère de la Santé publique, nous avons parcouru tous
les centres de santé de la province pour former le personnel médico-sanitaire
sur l'onchocercose, en insistant sur la cécité des rivières qui
est sa phase compliquée. Dans le même cadre, ils ont été édifiés
par nos enseignements sur la prise du mectizan. En plus, au niveau
de la fondation Moje que je dirige, des consultations et des soins
gratuits sont accordés aux patients atteints de la cécité des rivières.
C'est ainsi que nous avons aidé plusieurs personnes à sauver leur
vue.
Mutations : Dans ce combat,
quelles difficultés rencontrez-vous ?
Jean Momo : L'accès
aux villages reculés ou enclavés n'est pas toujours facile pour
nous. La vétusté et l'inadaptation de notre matériel de travail
ne sont pas pour nous permettre l'optimisation de nos capacités
d'intervention. En plus, il y'a dans nos publics cibles des gens
qui ne montrent toujours pas réceptifs aux premiers abords. Il faut
parcourir la localité plusieurs fois afin qu'ils soient pénétrés
par nos messages sur la prévention et le traitement de l'onchocercose
et de ses complications.
Propos recueillis par GMD
Lire l'article original : http://www.quotidienmutations.net/cgi-bin/alpha/j/25/2.cgi?category=2&id=1080899308
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