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(…) Le dispositif institutionnel articulé autour
de la Direction de la Prévention doit permettre une efficience de
la mobilisation et de la gestion des ressources destinées à la mise
en œuvre des stratégies préventives. Cette évolution institutionnelle
doit se traduire aussi par le souci de réduire le risque de maladie
chronique (prévention primaire et secondaire) et par la prise de
conscience que les soins médicaux seuls ne contribuent guère à améliorer
les indicateurs sanitaires et beaucoup moins encore à promouvoir
un haut réseau de bien être.
La médecine, n'est pas en réalité centrale dans
ce qu'on appelle le développement sanitaire, mais elle vient en
appoint à d'autres mesures non spécifiques indispensables comme
l'approvisionnement des régions défavorisées en eau potable. On
doit reconnaître en outre, que les stratégies nécessaires pour atteindre
les objectifs de prévention et de bien être doivent s'appuyer sur
le comportement personnel (mode de vie, relations sociales) et l'action
collective (environnement, économie). Il faut ainsi éviter de configurer
le champ de l'éducation sanitaire à partir de modèles conceptuels
uniquement médicaux ; il convient de donner une place plus importante
à l'école, à l'atelier, à l'usine et aux champs.
La décentralisation doit en outre, être accrue
de telle sorte que les comités organisés au plan local disposent
de la responsabilité et de l'autorité nécessaires pour faire fonctionner
et adapter les projets en fonction des besoins de la communauté.
Cette décentralisation doit néanmoins, s'accompagner d'une capacité
administrative et gestionnaire suffisante sur le plan local et des
mécanismes permettant de garantir la transparence et la participation
de la communauté. Il faut que le département adopte une approche
multisectorielle en demandant aux autres secteurs (l'Education,
la Jeunesse, l'Hydraulique, l'Action sociale, les Forces armées
et l'Intérieur) de développer des actions dépourvues d'externalités
négatives pour le secteur de la santé et ayant si possible un potentiel
synergique avec les actions développées au sein de ce dernier dans
le cadre de la prévention (amélioration du statut des femmes).
La santé souffre encore d'une approche trop sectorialisée
et finalement imperméable aux relations de cause-à-effet évidentes
qui dans la réalité déterminent ce secteur. Si certaines questions
fondamentales sont propres au domaine de la santé dans le sens du
système sanitaire, une bonne partie du débat contemporain traite
en réalité de l'application à la santé de questions fondamentales
posées par l'évolution du monde actuel, questions relatives à la
société, la politique, la justice, l'environnement et l'économie.
Ainsi, de nos jours, le corpus hippocratique fondement de la formation
médicale, qui comporte un engagement individualiste envers le bien
être du patient, ne suffit plus à servir de paradigme à des pratiques,
des pouvoirs d'agir et des responsabilités propres au monde médical,
qui sont devenus autres ; et par médecine, nous entendons non plus
l'art samaritain de soigner les malades, mais la science de la vie
humaine, de toute la vie, science et art de prévenir les maladies
et de promouvoir la santé, état de complet bien être physique, mental
et social, grâce à une action collective concertée.
Il faut que les communautés soient impliquées davantage,
en faisant attention à la double tentation de travestir le principe
de cette implication. La première est de faire de cette dernière
un événement et un processus folkloriques, sans substance, comme
c'est souvent le cas. Pour éviter cette dérive, l'implication des
acteurs doit être reflétée dans des cercles formels afin de leur
donner un cadre légitime. La seconde tentation est de sortir leur
participation de la sphère décisionnelle pour la cantonner en aval,
en considérant les populations comme de simples agents d'exécution
et non comme ces agents porteurs de projets. Il faut capitaliser
l'expérience communautaire tirée à partir de la lutte contre le
ver de Guinée, la poliomyélite, l'onchocercose et la lèpre. Pour
les deux premières affections nous pouvons dire qu'elles ont été
éradiquées et pour les deux dernières, les taux de prévalence actuels
font qu'elles ne sont plus aujourd'hui des problèmes de santé publique.
Un travail de réflexion et de mise en forme de
toute cette expérience ainsi accumulée doit nous aider à élaborer
un cadre de référence en fonction duquel la prévention contre les
autres affections endémiques comme le paludisme, pourrait progresser.
Il y a 2500 ans, Hippocrate édictait déjà dans un Traité des airs,
des eaux et des lieux, que la santé était tributaire de notre environnement.
Il est vrai encore de nos jours que la préservation du capital santé
passe par la préservation du capital environnement. Concernant ainsi
l'amélioration du cadre urbain, Il faut d'abord, que les grilles
de lecture que trament les urbanistes soient compréhensibles par
le corps médical, ensuite ; Il faut amener les villes sénégalaises
à prendre en compte tous les facteurs qui influencent la santé et
à se doter de moyens nécessaires pour que toutes les institutions
et organisations concernées travaillent dans la même direction ;
enfin, il faut que le secteur de la santé soit associé au relevé
des différentes articulations qui, dans le contexte des programmes
de développement économique, existent entre la santé et l'environnement
urbain.
Les autorités sanitaires du pays doivent être activement
associées aux mesures visant à modifier l'environnement et les comportements
afin de prévenir les accidents de la route causés par l'imprudence
et de garantir l'adéquation des services d'urgence destinés à y
faire face. Il faut par ailleurs favoriser, des pratiques propices
à la sécurité du travail, la participation des travailleurs à la
prise de décisions, le choix de technologies propres, la neutralisation
des risques à la source, ainsi que l'intégration des activités de
médecine du travail à la protection de l'environnement.
Une réflexion doit être envisagée afin de définir
la place du secteur informel de l'alimentation dans la ville, place
qui devra tenir compte des besoins des vendeurs, des consommateurs
et des conditions urbaines prévalentes. Il faut dans ce cadre une
concertation pour la mise en place d'une part, d'une réglementation
réaliste acceptée par les acteurs du système et d'autre part, d'une
formation adéquate pour les prestataires. Une définition élargie
du système de santé non limitée comme c'est souvent le cas, au seul
système de soins et incluant les déterminants environnementaux,
sociaux et culturels d'état de santé, permettrait de jouer sur les
causes plus que sur les conséquences sanitaires.
Réciproquement, une conception élargie de l'aménagement
du territoire incluant les questions de santé publique, pourrait
constituer un levier important de développement économique. Le système
de surveillance doit être renforcé par le système d'information
à des fins de gestion (Sig) qui utilise un réseau informatisé national
et le réseau de laboratoires qui devrait servir surtout à confirmer
avec certitude et promptitude les cas suspects en cas d'épidémie.
La vaccination doit continuer à occuper une place privilégiée au
sein de la prévention, c'est un acte de souveraineté qui constitue
l'un des moyens d'action sanitaire présentant le meilleur rapport
coût/efficacité et profitant particulièrement aux pauvres.
Dans le but de lutter contre la mortalité maternelle,
des stratégies préventives doivent être renforcées tendant d'abord,
à entraîner des modifications dans les attitudes collectives qui
régulent souvent le comportement reproductif des populations sénégalaises,
ensuite, à prendre des mesures pour faciliter l'accès des femmes
enceintes à des soins prénatals et à des accouchements assistés
; enfin, à apporter à la femme les connaissances et les compétences
lui permettant de gérer sa santé et celle de son enfant grâce à
l'éducation sanitaire. La question de l'urgence obstétricale bien
souvent imprévisible n'a pas encore trouvé de solution, car seuls
trois centres de santé sont concernés par les soins obstétricaux
d'urgence. On doit mener plus régulièrement des actions de prévention
contre la cécité et contre les maladies infectieuses par la distribution
de vitamine A aux enfants, et contre le goitre endémique par la
promotion d'utilisation de sel iodé par les ménages. La promotion
de différentes formules de partage de risques (mutuelles) devrait
permettre de réduire les incertitudes pour se soigner, et rendre
plus probable l'avènement d'une situation où les patients sont plus
à même de fréquenter les services.
On peut évoluer ainsi vers la mise en place progressive
d'un schéma de financement équitable, solidaire et pérenne. La problématique
de la pérennisation doit avoir un poids important dans la démarche
du secteur avec un programme de relance durable des activités de
prévention. Ce programme est d'autant plus nécessaire, que les changements
au niveau de l'environnement international de l'aide au développement
nous y obligent. Il faut qu'on se soucie des effets à long terme
des appuis financiers des donateurs sur l'équilibre entre les ressources
existantes et les dépenses renouvelables. L'action sanitaire concertée
dans le cadre d'une conception intégrée et multisectorielle du partenariat
devrait réduire les phénomènes de concurrence et de chevauchement,
les raisonnements à court terme et la dispersion des responsabilités,
tout en tenant mieux compte des besoins, des priorités et des ressources
du pays.
Professeur Oumar Faye - Ministère de la Santé de
l'hygiène et de la prévention
Lire l'article original : http://www.walf.sn/contributions/suite.php?rub=8&id_art=9567
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