| Dans
quelques jours, la Côte d’Ivoire organisera le deuxième
passage de la huitième édition des journées
nationales de vaccination synchronisée contre la poliomyélite.
Les résultats enregistrés lors du premier passage
d’octobre sont encourageants. Mais selon le Dr. Edi Ossouhou
Albert, Directeur du Programme élargi de vaccination, beaucoup
reste à faire pour l’éradication de la Polio
en Côte d’Ivoire. Egalement, il ouvre, dans cet entretien,
une lucarne sur la vaste campagne de vaccination annoncée
pour décembre contre la rougeole. Une maladie aussi dangereuse
que la Polio. La Côte d’Ivoire n’a pas droit à
l’erreur lors de cette campagne, prévient le Dr. Edi.
Le libéral : En tant
que responsable du programme élargi de vaccination quel bilan
faites-vous du premier passage des JNV Polio ?
Docteur Edi Ossouhou Albert
: Au niveau du bilan, il faut dire que nous avons eu beaucoup
d’appréhensions avant le démarrage de cette
campagne. Heureusement, les choses sont vite rentrées dans
l’ordre. Aujourd’hui sur 5 102 066 enfants de 0 à
59 mois recherchés pour cette campagne, nous avons comme
résultats provisoires 5.010.487 enfants vaccinés,
soit 98,2 %. Mais, à chaque passage, la population cible
varie. Parce que de février à octobre, on a eu à
faire quatre séances de vaccination. Et nous prenons comme
cible pour la vaccination à venir le chiffre d’enfants
vaccinés. C’est-à-dire qu’en juillet,
nous avons vacciné plus d’enfants qu’en mars.
Donc en octobre, on prend la population de juillet comme population
cible de base. Mais pour la campagne d’octobre, compte tenu
du fait que tout le monde voulait la qualité, l’évaluation
a été surestimée. Et lorsque vous voyez un
taux de 98,2 %, vraiment c’est encourageant.
Le libéral : Avez-vous
déjà les chiffres en zones Forces Nouvelles ?
Docteur Edi Ossouhou Albert
: Dans ces zones, les chiffres sont également bons.
A titre d’exemple, nous avons eu 115 % à Boundiali,
Ferkesssedougou 99 %. Korhogo 82 % et Tingrela 94 %, en ce qui concerne
le Nord. Au Centre, à Béoumi, nous avons fait 105
% ; Bouaké est 109 %, Bouaké Ouest 103 % ; Dabakala
95 %, Katiola 100 % et enfin Sakassou 84 %. Lorsque nous allons
du côté de Séguéla, nous avons 110 %
et Mankono 103 %. A Bouna par contre nous avons réalisé
un taux de 90 %. Je donne tous ces chiffres pour dire que les volontaires
ont travaillé et les résultats sont bons.
Le libéral : Pour les
JNV à venir, en plus du porte-à-porte d’autres
stratégies sont-elles envisagées ?
Docteur Edi Ossouhou Albert
: Avant de parler de la prochaine campagne qui se déroulera
du 18 au 21 novembre, je voudrais revenir sur la campagne passée.
Il faut dire qu’elle s’est déroulée sous
une pluie battante. Ce qui a rendu des parties du territoire difficilement
accessibles par nos vaccinateurs. On a dû louer des camions
pour acheminer nos matériels. En dehors de tout cela, nous
avons dans la recherche de la qualité, procédé
pour la campagne précédente, au marquage des maisons
et des enfants vaccinés. Malheureusement, nous n’avons
pas pu effectuer tous ces marquages. Parce que le produit de marquage
qui n’était pas disponible en Côte d’Ivoire
n’est arrivé que le 8 octobre, jour du démarrage
de la campagne. Il était donc difficile de les acheminer
sur toute l’étendue du territoire. En novembre, le
marquage aura effectivement lieu. Et la stratégie du porte-à-porte
sera toujours de mise. Les concessions seront marquées à
la craie. Ensuite les enfants vaccinés auront des marquages
au doigt, avec l’encre indélébile qui ne s’efface
qu’au bout de 24 à 48 heures. Nous avons choisi le
système de marquage parce que nous avons constaté,
depuis 1995, que lors des JNV, des enfants sont omis au moment de
l’évaluation. Lorsque nous disons que nous allons vacciner
100 %, 102 % d’enfants, au moment de l’évaluation,
nous nous rendons compte qu’il y a eu des omissions. Parce
que lorsque les vaccinateurs passent dans les ménages et
qu’une mère n’a pas envie de faire vacciner son
enfant, elle le cache et dit qu’il a déjà été
vacciné. Et le vaccinateur se fie aux dires de la mère.
Car, nous n’avions aucun élément de contrôle.
C’est pour éviter ce genre de comportement que nous
avons introduit le marquage. Par ailleurs, en décembre, nous
allons procéder à la campagne contre la rougeole.
Et là des cartes de vaccination seront distribuées
gratuitement à la population. Ces cartes vont servir à
l’évaluation plus tard, des activités de vaccination.
Parce que les partenaires qui ont mis les moyens à notre
disposition seront là après cette campagne pour faire
l’évaluation. Il n’y a que les cartes de vaccination
qui vont servir de documents pour voir si l’action a été
menée ou pas.
Le libéral : Comment
se fera cette nouvelle campagne ? La Polio est-elle plus dangereuse
que les autres maladies…
Docteur Edi Ossouhou Albert
: Vous savez, pour la Polio il y a une coalition mondiale
qui est créée, avec pour leader le Rotary, pour éradiquer
la maladie. Au début de la campagne en 1988, on enregistrait
près de 1 000 cas de Polio par heure dans le monde. Jusqu’en
2003, on avait que trois cas chaque minute. Vous comprenez que cette
politique a vraiment marché et que nous pouvons effectivement
éliminer cette maladie dans le monde. Ailleurs en Asie, en
Iran…, elle a été éradiquée. Il
n’y a que notre sous-région là (…). Et
notre pays était déjà bien parti en 2000. Notre
dernier cas avait été enregistré en 2000 à
Abengourou. Et depuis cette date on n’avait enregistré
aucun cas, jusqu’à ce qu’on relâche un
peu à cause de la guerre qui n’a pas permis que la
vaccination se fasse partout. Il y a aussi le Nigeria voisin où
on dénombre plus de 400 cas à Kano. Avec le mouvement
des populations, le virus a été importé au
Niger. Aujourd’hui, c’est au tour de la Côte d’Ivoire.
C’est cette situation qui justifie l’intensification
de la campagne. Parce que tant que la circulation du Polio-virus
n’est pas arrêtée, nous allons continuer à
vacciner.
Le libéral : Et la Rougeole
?
Docteur Edi Ossouhou Albert
: En ce qui concerne la Rougeole, il faut dire que ce sera
une très grande campagne par rapport à la polio. Ici,
il s’agit des injections. Et il faut des professionnels pour
faire la vaccination. Dans la cas présent, on a affaire à
une très grande population d’enfants âgés
de six mois à 14 ans. Nous avons entre huit à neuf
millions d’enfants à vacciner en décembre. Alors
que pour la polio, ils ne sont à peine que cinq millions.
De plus, le volume de vaccin et le volume de matériel à
utiliser sera important. Il y aura des seringues à utiliser
et nous allons produire beaucoup de déchets. C’est
une campagne coûteuse. Alors que pour deux séances
de vaccination précédentes, il nous a fallu 1,2 milliard,
la seule campagne de rougeole nécessite cinq milliards.
Le libéral : Est-ce la
Côte d’Ivoire qui financera cette campagne ?
Docteur Edi Ossouhou Albert
: Depuis 2000, la Côte d’Ivoire est à
la recherche de moyens pour l’organiser. Et cette année,
des partenaires comme l’OMS, l’Unicef, la Croix-rouge…
ont décidé de nous accompagner dans l’organisation
de cette campagne. Sur les cinq milliards, nos partenaires vont
apporter 90 % du budget. C’est-à-dire que la Côte
d’Ivoire n’apportera que 350 millions.
Le libéral : Vous n’avez
toujours pas dit la stratégie que vous allez adopter.
Docteur Edi Ossouhou Albert
: Ici, il y a des sites qui sont identifiés. Dans
une ville, on choisit des endroits, par exemple des écoles.
Pendant dix jours, les parents retrouveront les agents là-bas,
accompagnés de leurs enfants. Tout sera gratuit. Et ces séances
de vaccination vont être associées à l’administration
de quelques gouttes de polio pour les enfants de zéro à
cinq ans, en plus de la vaccination contre la rougeole. Ce qui est
important pour la rougeole, c’est qu’il nous faut vacciner
95 enfants sur 100 pour que la campagne soit validée. Sinon
nous serons obligés de recommencer.
Lire l'article original : http://www.leliberal.info/pmain.asp?action=lire&rname=Accueil&id=6516
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