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Malgré le relatif optimisme du ministre de la Santé
publique, Urbain Olanguena Awono sur le taux de prévalence
du Vih-Sida au Cameroun (5,5 %), cette pandémie fait toujours
rage.
De 21 cas seulement déclarés en 1987 avec une prévalence
de 0,5 % dans la population générale, le Cameroun
est passé à plus de 34 000 cas en l’an 2000,
selon les estimations du Comité national de lutte contre
le Sida (Cnls). Estimations contenues dans une enquête publiée
cette année-là. La prévalence de l’infection
dans la population sexuellement active était alors de 12
% environ, lisait-on dans cette enquête parcellaire du Cnls,
la première et toute dernière, avant celle publiée
récemment par le ministère de la Santé publique
(Minsanté), avec l’appui technique de l’Institut
nationale de la statistique (Ins). En d’autres termes, un
Camerounais sexuellement actif sur 9 était porteur du Vih,
soit près d’un million de séropositifs au total,
selon les statistiques du Cnls en 2000. Peu avant la sortie du Minsanté,
le Cnls soutenait encore dans les conférences et autres fora
d’échange que la séroprévalence était
encore de 33 % dans la tranche d’âge de 15 à
29 ans.
Docteur Affana Ngaska Ghislaine, chef de section réponses
sectorielles au Cnls, avouait même, lors d’une cérémonie
organisée à l’occasion de la Journée
internationale de la femme, à la Maison de la Femme de Nkondongo
à Yaoundé, que “ ces chiffres représentent
seulement 50 % de la réalité parce que la plupart
des cas ne sont pas déclarés et de nombreux autres
cas ne sont pas diagnostiqués ”. Le dépistage
n’étant pas obligatoire au Cameroun, de nombreuses
personnes redoutent le résultat positif d’un éventuel
test, qui les mettrait alors dans la déprime. Ils préfèrent
ignorer leur statut sérologique, expliquait-elle.
Conséquence : le Cameroun enregistre 600 nouvelles personnes
infectées chaque jour qui passe, soutenaient les responsables
du Cnls et même du ministère de la Santé publique.
Ce qui signifiait que chaque heure, au prix de relations sexuelles
douteuses et non protégées, d’usage de matériaux
souillés, dans les salons de coiffure notamment ou lors des
transfusions de sang contaminé, 25 Camerounais héritaient
du lourd fardeau du Vih.
Communication d’urgence
Les observateurs ajoutaient à ces causes un déficit
de communication, voire “ une banalisation de la maladie dans
les médias ”. C’est pour cette raison que le
ministre de la Santé publique et son homologue de la Communication,
sont montés au créneau le 26 novembre 2001, en prélude
à la Journée mondiale de lutte contre le sida, pour
lancer “ une campagne de communication d’urgence”.
Le centre de production de la télévision nationale
Crtv choisi comme cadre pour cette cérémonie n’était
pas fortuit. Les téléspectateurs ont ainsi eu le loisir
d’avoir sur leur petit écran, pour la première
fois depuis le début de la pandémie, un témoignage
à visage découvert d’une séropositive,
Pauline Moumtom. Elle avait choisi de briser la muraille de silence
qui entourait encore le Sida au Cameroun, pour montrer à
ses concitoyens l’ampleur du mal. C’est depuis 10 ans
qu’elle avait su qu’elle était séropositive,
après le décès de son mari, lui-même
séropositif, confiait-elle.
Des résultats à la pelle !
Cette campagne de communication d’urgence devait se décliner
en une semaine pleine d’activités faites de sensibilisation
et de dépistage gratuit sur l’étendue du territoire
national. L’objectif majeur étant de mieux faire percevoir
la menace de cette pandémie et de susciter un changement
des comportements. D’autres actions similaires se sont multipliées
au fil des ans, s’accentuant toujours à la veille de
la Journée mondiale de lutte contre le sida qui se célèbre
le 1er décembre de chaque année.
Au ministère de la Santé, l’on croit ferme que
cette mobilisation a porté des fruits. Et les lauriers sont
vite brandis : formation de plus de 1000 pairs éducateurs
actuellement opérationnels à travers le territoire
national ; près de 4 millions de jeunes sensibilisés
en 2 ans à travers la campagne “ Vacances sans Sida
” ; 60 femmes et 60 jeunes formés au développement
des activités génératrices de revenus, dans
le cadre de la réinsertion sociale des personnes vivant avec
le Vih/Sida ; financement de la prise en charge thérapeutique
à vie de 50 Pvvih reparties dans les dix provinces du Cameroun
; soutien de la lutte contre le Vih/Sida en milieux scolaire et
universitaire ; promotion du dépistage à travers le
développement de 6 centres de prévention de dépistage
volontaire sur les 19 que compte le pays aujourd’hui.
Ces interventions se sont étendues sur la scène internationale
à travers la formation de 500 formateurs sur la Prévention
de la Transmission Mère-Enfant dans 5 pays d’Afrique
sub-saharienne dont la Guinée, le Niger, le Burkina-Faso
et le Mali. Ce à partir de l’expérience développée
par le centre Mère-Enfant de la Fondation Chantal Biya, apprend-on
au ministère de la Santé publique. Où les responsables
soutiennent fièrement que 21 centres de prise en charge des
malades sont aujourd’hui fonctionnels à travers tout
le territoire et plus de 12 000 patients (sur plus d’un million
de personnes infectées !) bénéficient de soins,
alors qu’ils n’étaient que 600 en 2001. En plus,
ces résultats ont été obtenus grâce à
la détermination du gouvernement à “travers
l’utilisation des fonds de l’initiative Ppte pour subventionner
le coût mensuel des antirétroviraux (Arv) qui est passé
de 70 000 Fcfa/mois et par patient en 2001 à une moyenne
de 22 000 Fcfa/mois et par patient aujourd’hui”, souligne
un document produit et exhibé dans les cercles de pouvoir
par le ministère de la Santé. Un document intitulé
“La priorité-santé de S.E. Paul Biya : une politique
de résultats”, fabriqué certainement à
l’attention du président réélu, afin
qu’il n’en ignore.
Marie-Noëlle Guichi
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