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Pr Awa Marie Coll Seck, ministre de la Santé: 21 milliards de FCFA de la Banque mondiale pour lutter contre le sida - Le soleil - Sénégal - 22/01/02

Le ministre de la Santé et de la Prévention, le Pr Awa Marie Coll Seck, une spécialiste des maladies infectieuses, était, mercredi après-midi, l’invitée de notre rédaction. À cette occasion, Mme Coll Seck, ancienne syndicaliste de la santé et professeur de Médecine, a annoncé un financement sur cinq ans de 30 millions de dollars Us ( quelque 22 milliards et demi de frs CFA) de la Banque Mondiale consacré à la lutte contre le SIDA ainsi qu’une relance du programme élargi de vaccination (Voir notre édition du jeudi 17 janvier). Elle a également exposé les différents axes de la politique de santé qu’elle compte mener en faveur du développement de ce secteur. Les médicaments, la motivation des personnels de santé, l’hygiène, les relations entre l’environnement et la santé, la formation, le traitement des déchets biomédicaux hospitaliers, la réforme hospitalière, la couverture sanitaire, la mortalité infanto-juvénile, la santé maternelle, la décentralisation, ont été, entre autres, les sujets abordés au cours de cet entretien à bâtons rompus en présence de son Conseiller technique N°1, le Pr Seydou Badiane, et du directeur de la Santé, le Dr Mandiaye Loume, chargé de la commission médicale qui doit accompagner les pèlerins aux lieux saints de l’Islam.

Mme le ministre, la Santé est un secteur réputé difficile à cause de la forte demande sociale et des défis permanents que constituent les maladies. Pouvez-vous nous présenter ce département à la tête duquel vous êtes depuis 8 mois ?

Le département de la Santé dont le budget atteint, cette année, les 9 % requis par les normes de l’organisation mondiale de la santé (OMS) dans le budget national s’occupe d’un secteur difficile. On y est toujours sous pression, car on doit tout faire pour que les populations accèdent à des soins de qualité et œuvrer pour qu’elles ne tombent pas malades. C’est pour cela que le Chef de l’Etat a décidé, dans sa politique, de mettre un accent particulier sur la prévention. D’ailleurs, nous avons maintenant une direction de la Prévention qui, avec le service d’Education pour la Santé et la collaboration des organisations de la société civile et des médiats, dans un cadre que nous allons bientôt achever de définir, va développer ce volet important de la santé. C’est ainsi que le Président de la République et Mme le Premier Ministre ont même décidé de l’appeler ministère de la Santé et de la Prévention. C’est là une certaine originalité par rapport aux différents ministères qui se sont succédé. Dans la santé, vous le savez bien, il y a le curatif et le préventif. Le Chef de l’Etat a eu à nous dire que le secteur de la santé doit cesser de courir derrière la maladie. Nous devons faire le nécessaire pour que les gens ne tombent pas malades et, s’ils le sont, mettre à leur disposition des soins accessibles et de qualité.

Nous savons que le développement de ce secteur est un vrai challenge pour nous, mais nous avons relevé le défi en faisant avancer les choses. Il faut dire que le ministère de la Santé et de la Prévention a une particularité. Celle-ci repose sur le fait qu’il a, d’une part, un niveau central ou national avec ses directions et services nationaux et, d’autre part, deux autres niveaux, notamment régional et départemental où l’on retrouve respectivement la région médicale et les districts. À un niveau plus bas, nous avons les communautés rurales où l’on a des postes de santé, des cases de santé et des maternités rurales. On constate donc qu’il y a des ramifications qui vont du niveau central jusqu’aux zones les plus périphériques du pays. À tous ces niveaux, des personnels qualifiés animent les services, suscitent les implications nécessaires, prévoient les situations qui peuvent se présenter, gèrent les informations et la logistique.

Nous avons beaucoup de difficultés à gérer durablement la demande sociale par le biais de seulement 4.500 agents disséminés sur tout le territoire, alors qu’il nous en faudrait 3.000 de plus pour combler les déficits en ressources humaines. Cette situation peut aider à comprendre en grande partie les choses qui, parfois, se passent dans le secteur de la santé. On a souvent des problèmes tant au plan de l’accueil que de la qualité des soins parce qu’il n’y a pas encore le nombre de personnes qu’il faut à la place qu’il faut. C’est en partie cela qui est à l’origine de nombreuses insuffisances. Le ministère de la Santé et de la Prévention est un département qui s’occupe d’infrastructures dont les grands hôpitaux au plan national, les hôpitaux régionaux, les centres de santé qui ont quasiment la capacité d’un “ petit ” hôpital, les cases de santé, les postes de santé et les maternités rurales.

Nous avons le rôle de définir les politiques de santé et de les mettre en œuvre à travers des programmes et des projets (paludisme, tuberculose, SIDA, santé de la reproduction, vaccination, survie de l’enfant et de la mère, lèpre, cécité, médicaments, formation des personnels, construction et réhabilitation de structures, équipements, etc.). Prenons, par exemple, le programme de santé de la reproduction ; sa mise en œuvre se justifie par le taux élevé de mortalité maternelle (510 décès pour 100.000 naissances vivantes). C’est énorme puisque dans les pays développés, les taux variant entre 1 et 10 décès pour 100.000 naissances vivantes. Dans certaines régions du Sénégal, on a même un taux de 1.200 décès pour 100.000 naissances vivantes soit plus du double de la moyenne nationale.

Le programme de santé de la reproduction va essayer de réduire la mortalité maternelle par la promotion de la maternité sans risque à travers l’espacement des naissances, les consultations prénatales, la vaccination, l’élévation du taux d’accouchement assisté par les soins obstétricaux d’urgence (SOU) dans tous les centres ruraux jusqu’aux niveaux périphériques, l’information, l’éducation et la communication (IEC), etc. C’est vrai, nous avons beaucoup de progrès à faire. Nous pouvons également citer la formation des futurs agents afin de répondre aux besoins en agents et aussi la réforme hospitalière qui a beaucoup avancé ces derniers mois. Cette réforme devrait permettre de développer notre système hospitalier afin qu’il devienne plus performant, mais aussi accessible.

D’autres programmes de santé sont mis en œuvre comme celui qui lutte contre le paludisme et qui comprend divers axes touchant à la lutte anti-vectorielle par l’épandage d’insecticide, la promotion de moustiquaires imprégnées d’insecticide, l’information des populations. Nous avons en outre le programme contre le SIDA. Sur ce registre, il y a eu une avancée avec la mise en place d’un conseil national exécutif présidé par Mme le Premier Ministre avec une vice-présidence confiée au ministère de la Santé et la Prévention. Ce conseil devrait impulser toutes les implications nécessaires des acteurs dont en premier ligne les ministères du gouvernement, le secteur privé, les ONG, les associations, etc., car nous avons la lourde mission de tout faire pour conserver les précieux acquis dans la lutte contre l’épidémie à VIH/SIDA.

Nous voulons un élargissement de la gamme des acteurs et nous mettons amplement l’accent, c’est-à-dire plus que par le passé, sur le caractère multisectoriel et pluridisciplinaire de la lutte contre le fléau. Vous savez qu’après un peu plus d’une dizaine d’années de lutte, le Sénégal est parvenu à contrôler l’épidémie avec une séroprévalence de l’infection à VIH de 1,4 % dans la population générale. Le gouvernement a obtenu auprès de la Banque Mondiale un budget de 30 millions de dollars US sur cinq ans.

Le département développe d’autres programmes notamment en faveur de la santé bucco-dentaire et mentale, ainsi que contre les maladies non-transmissibles , autrefois un peu négligées et qui ont commencé à devenir de sérieux problèmes de santé publique. C’est le cas du diabète, de l’hypertension artérielle, des cancers, du tabagisme, etc.

Maintenant, en ce qui concerne la prévention, nous avons fait l’option de développer des activités d’information et d’éducation en direction des communautés de base chez lesquelles nous sommes en train de promouvoir la création de mutuelles de santé pour accroître les possibilités des populations d’accéder plus facilement aux soins de santé et aux médicaments. Nous agirons au niveau de ces communautés pour mettre en place des acteurs en leur sein propre à promouvoir la santé préventive. La direction de la Prévention, le service national de l’Education pour la Santé et le service national de l’Hygiène sont chargés de superviser des stratégies spécifiques qui visent le changement de comportement par l’information préventive des gens et les groupes vulnérables, des actions sur le milieu environnemental, la sécurité dans l’alimentation, etc. C’est un ensemble au sein desquels vont agir les comités de santé et de gestion, les associations, des ONG et des relais communautaires.

Les médecins internes réclament la révision de leur statut. Qu’en est-il de cette revendication ? Est ce qu’on peut dire, à partir des difficultés qu’ils rencontrent dans leur travail et les conditions dans lesquelles ils l’exercent, qu’il y a une corrélation avec l’affaire du Dr Thiongane ?

Je suis un ancien interne des hôpitaux de Dakar. Il en est de même du Pr Seydou Badiane, mon conseiller technique N°1 qui s’occupe du dossier des internes. Les internes ont une plate-forme dans laquelle ils revendiquent la révision de leur statut. Nous savons que parmi les médecins internes, certains sont âgés, d’autres se sont mariés et ont même de la famille. Avant, certains avaient accès au logement car ils en ont droit. L’espace prévu pour les internes était devenu trop petit au fil des années. Ce qui fait que certains n’ont pas de logement. Nous étudions actuellement leur statut comme celui des travailleurs de la santé. Le statut des travailleurs de la santé comparé à celui des autres travailleurs de la fonction publique montre réellement qu’ils sont les parents pauvres de la fonction publique. Nous n’avons pas encore terminé l’étude des documents sur ces statuts des travailleurs de la santé et des internes en médecine.

Maintenant, en ce qui concerne l’affaire du Dr Thiongane, c’est un problème délicat. C’est une affaire qui est en cours devant la justice. Je ne veux pas que l’on dise que j’ai eu à influencer le cours de la justice. Toutefois, il y a deux choses qu’il faut voir. La première est que tout médecin doit se mettre à la disposition du malade. Dans les textes du code de déontologie de la médecine, il y a la notion de non-assistance à personne à danger. C’est une faute. Si ces textes sont très bien faits, la réalité est, en revanche, tout autre sur le terrain. La rigueur des textes ne doit pas faire oublier que les médecins et les infirmiers ne sont que des êtres humains.

Nous tous, ici, aujourd’hui, si nous travaillons 24 heures sur 24, il y aura un moment où quelques-uns d’entre nous vont disjoncter et craquer. De nombreux agents ont ce genre de problème. Ils sont confrontés au stress, à la fatigue et à l’énervement qu’ils essaient de contrôler tant bien que mal. Si vous opérez et si vous faites des consultations tout le jour et toute la nuit parfois, pendant plus de trente heures, si vous faites des opérations chirurgicales pendant plusieurs heures et, au moment de vous endormir, on vient vous solliciter pour une urgence médicale ou chirurgicale, vous devez vous mettre à la disposition du malade. Cela est normal, car les malades ont besoin de vous. S’il y avait plusieurs chirurgiens ou de médecins ainsi que suffisamment d’infirmiers et de sages-femmes, les gens pourraient se consacrer plus sereinement à leurs tâches qui consistent à soulager les malades, à les soigner et à les réconforter même.

Ce qui me gêne dans cette affaire, c’est que, dans le public et surtout dans les médiats, on en parle comme si les personnels de santé étaient des pourris et des inconscients qui ne travaillent pas. Il est vrai que dans tous les corps de métiers, il peut y avoir des brebis galeuses, mais ce qu’il faut vraiment savoir c’est qu’il n’y a pas assez de personnels dans le secteur de la santé. Toutefois, tout travailleur est dans l’obligation de porter secours à un malade.

Il arrive de voir des communautés construire et équiper une structure de santé qui reste fermée faute de personnels. Comment pouvez-vous expliquer cette situation ?

Il faut qu’il y ait une coordination entre les populations et les autorités sanitaires. Nous sommes souvent gênés de voir l’engagement des communautés de base dans l’effort national de développement de la santé et de ne pas pouvoir, en retour, satisfaire ces communautés. Les émigrés sont particulièrement actifs dans le développement de la santé des communautés auxquelles ils appartiennent. Toutefois, des communautés commencent des constructions sans informer au préalable le ministère de la Santé. À la fin des travaux, elles demandent du personnel pour leurs structures alors que le système de santé national est confronté à des besoins en personnels de santé. Depuis quelques années, l’Etat essaie de recruter chaque année des agents (médecins, pharmaciens, techniciens supérieurs de santé, sages-femmes, infirmiers, laborantins, agents d’hygiène, etc.).

Nous en recrutons chaque année 250 agents de plus alors que les besoins requièrent 600 agents environ par an pour combler le déficit en personnel. Nous avons actuellement un peu plus de trente postes de santé fermés faute de personnel. Ces postes sont équipés et disposent de logements. C’est pourquoi nous avons engagé un plaidoyer auprès du gouvernement pour que l’Etat recrute plus de 250 agents par an comme il le prévoit pour le secteur de la Santé. Ainsi, nous allons recruter des agents sur la base de contrat. Cela nous permettra d’ouvrir ces postes de santé fermés parce que, franchement, les populations souffrent. Enfin, nous ferons de telle sorte qu’il puisse y avoir une coordination entre les médecins-chef de district et les communautés qui veulent construire des postes de santé. Déjà, le ministère de la Santé a en projet la réalisation d’une soixantaine de postes de santé dans le cadre du PDIS.

Il y a beaucoup de fonds consacrés à la lutte contre le SIDA qui ne vont pas aux malades, ne servent pas acheter des médicaments et à assurer les soins. Nous savons aussi que le paludisme tue beaucoup de personnes par an dans nos contrées. Ne faudrait-il pas consacrer toutes ces ressources contre le paludisme ? Et quelle est votre classification des priorités si vous devriez choisir deux ou trois programmes de santé ?

Il est important de clarifier quels sont les besoins que les gens ont en matière de santé. Je sais qu’il y a beaucoup de critiques, car beaucoup de gens disent que tout va au SIDA et rien vers les autres programmes de santé. Il faut dire que la première chose en matière de SIDA, c’est d’éviter de nouvelles infections. Si on ne règle pas ce problème, nous savons qu’il y aura un jour beaucoup de malades que nous ne pourrons pas soigner.

La prévention reste donc au premier plan et elle a un coût, notamment l’organisation des stratégies de sensibilisation des populations et des groupes vulnérables, la formation, car le SIDA était une nouvelle maladie que beaucoup de personnes et même les agents de santé ne connaissaient pas. Une autre partie des ressources allait à la surveillance épidémiologique, aux tests, au contrôle du sang. Je connais très bien le programme et je faisais partie de ceux qui n’étaient pas contents. J’étais en première ligne dans la prise en charge des malades (ndlr : comme chef de la clinique des maladies infectieuses Iba Mar Diop du CHU de Fann). Rien des ressources destinées au SIDA n’allait aux malades. Une fois, j’ai tellement plaidé que la coopération française a décidé de nous donner quelque chose pour soigner les malades. Tout cela parce que le traitement d’un malade du SIDA est coûteux. Les bailleurs de fonds ne veulent pas investir dans les soins aux malades. Ils préfèrent investir dans la prévention, la promotion du préservatif, le dépistage, la recherche, etc. Il a fallu nous battre pour qu’ils consentent à nous appuyer pour traiter nos malades.

L’Etat a, pour sa part, dégagé 500 millions de francs CFA par an pour l’achat de médicaments. Les firmes nous ont concédé de fortes baisses sur les prix des médicaments antirétroviraux. Dans le nouveau programme avec la Banque mondiale d’un montant de 30 millions de dollars US sur cinq ans, il y aura une partie qui sera consacrée aux malades du SIDA. Le danger est que si on ne traite pas les malades du SIDA, les personnes infectées puis affectées ne viendront pas pour se faire hospitaliser et se faire suivre dans les hôpitaux. Elles vont se disperser et nous ne les verrons pas. Certains ne voudront même plus connaître leur statut et continueront à propager l’infection dans la population. C’est ainsi que nous sommes en train de tout faire pour accroître les efforts nationaux et internationaux en faveur de la prévention et aussi de la prise en charge thérapeutique des malades. Traiter les malades, c’est également une manière de faire de la prévention.

Maintenant il ne faut pas dire qu’il faut prendre l’argent du SIDA et le mettre dans le programme contre le paludisme. Il faut des fonds pour le SIDA et pour le paludisme. Il y a actuellement la mise en œuvre d’un fonds international en faveur de la lutte contre le paludisme, la tuberculose et le SIDA. Je suis d’accord avec vous quand vous dites que le paludisme tue plus que le SIDA au Sénégal, mais il ne faut pas laisser le SIDA et ne s’occuper que du paludisme. Ce serait une erreur grave, car l’un peut se développer de façon dramatique. Le paludisme tue un million de personnes par an depuis des siècles. Le SIDA, en revanche, a tué, au début, que peu de personnes. Progressivement, le nombre de morts a continué de grimper de façon exponentielle pour atteindre aujourd’hui 2 millions. C’est donc une maladie que l’on doit absolument contrôler sinon cela risque d’être très grave. Des pays sont déjà confrontés à ce sérieux problème de la mortalité due au VIH/SIDA.

En ce qui concerne les priorités, je dirais que ce sont la lutte contre la mortalité maternelle, la vaccination des enfants. Je vais continuer à me battre pour avoir de l’argent pour lutter contre toutes les maladies. De nombreuses maladies causent des problèmes à toute la population, d’autres agressent particulièrement des communautés spécifiques. Mais il y a des risques pour tous. Donc, il faut s’occuper de toutes les maladies.

Parlons de la vente de médicaments sur la voie publique avec principalement le phénomène de ‘’Keur Serigne Bi’’ devenu un véritable ‘’no man’s land’’ de ce trafic de produits pharmaceutiques. Il y a d’autres endroits dans le pays où l’on vend de la même façon ces produits que pourtant seuls des personnes qualifiées doivent commercialiser et donner des indications nécessaires aux consommateurs. Que comptez vous faire pour neutraliser ce phénomène ?

Je comprends très bien ce problème. Il existe depuis près de 40 ans. J’avais visité ce lieu à l’époque et l’on m’a même dit que c’est mieux organiser maintenant. Je pense qu’il faut essayer de régler le problème à la base. Pourquoi y a-t-il ces genres de structures de trafic parallèles ? Il y a, à mon avis, deux raisons. L’une est que les médicaments sont trop chers. La seconde cause est qu’il y a un problème réel de gestion, source de coulage de produits pharmaceutiques et porte d’entrée de quantités de médicaments frauduleux en provenance parfois de la sous-région. D’autres éléments de renseignements font soupçonner les structures de santé, les pharmacies et même des grossistes.

Toutefois, nous avons décidé de mettre un terme à cela. Ainsi, devant ce fait, nous avons nommé un nouveau directeur de la pharmacie et du médicament et un autre à la tête de Pharmacie nationale d’Approvisionnement. Nous comptons sur eux pour remettre de l’ordre dans ce sous-secteur. Il faut nécessairement plus de contrôle au niveau de la PNA et de ses démembrements régionaux, les PRA. L’autre stratégie que nous avons déjà commencée à mettre en œuvre consiste à la promotion des médicaments génériques au niveau des officines privées de pharmacie. Ces médicaments peuvent coûter 3 à 5 fois moins chers.

Cela devrait permettre d’accroître l’accessibilité des produits pharmaceutiques et partant réduire, ce trafic voire l’annihiler complètement. Je ne vois pas les gens continuer à s’approvisionner dans ces lieux de la fraude et à leurs risques et périls alors que des médicaments génériques essentiels seraient à la portée de leurs bourses dans les pharmacies de leurs quartiers ou de leurs villages. Pour ces médicaments génériques, nous avons dressé une liste de produits essentiels que nous réétudierons périodiquement selon les nouveaux besoins. Nous avons rencontré les représentants des organisations des pharmaciens et nous pensons que les officines vont, de plus en plus, ouvrir des comptoirs de médicaments génériques.

En outre, un décret permet actuellement une substitution des médicaments dits de spécialités, donc plus cher, prescrits sur l’ordonnance, par des génériques qui sont moins coûteux. Nous avons même, pour plus de sécurité, envoyé des spécialistes dans plusieurs pays comme l’Inde, le Pakistan, la Thaïlande qui fabriquent les médicaments génériques pour nous assurer nous-mêmes de la qualité de leurs produits. Maintenant, il faut savoir que les services de la douane et les autres forces de sécurités font beaucoup d’actions pour lutter contre la fraude sur les médicaments. Il faut donc combiner les deux actions, notamment l’élargissement de l’accès aux médicaments et la répression. Si on réprime et ferme des lieux de vente illicites, on risque de les voir rouvrir ailleurs et la fraude va continuer. La sensibilisation des populations est donc importante et nous développons une stratégie là-dessus.

Le Cap-Vert vient de lancer une campagne de vaccination contre l’hépatite B. Ne pensez-vous qu’il est opportun, pour le Sénégal, un pays très touché par cette endémie, de promouvoir l’intégration de cette vaccination dans le PEV ?

C’est vrai qu’il y a l’hépatite B qui peut aboutir à une cirrhose et aussi à un cancer (primitif) du foie. Nous voyons des jeunes qui meurent du cancer du foie. C’est donc un grand problème au Sénégal. Le problème est que le vaccin contre l’hépatite B est coûteux. Il faut toutefois préciser que le Sénégal n’a pas attendu longtemps pour développer une vaccination contre l’hépatite B. Il y a le programme élargi de vaccination (PEV) et aussi un programme de vaccination contre l’hépatite B qui n’est pas très développé. Nous sommes en train d’étudier son intégration dans le PEV. En relation avec l’Organisation Mondiale de la santé et la fondation “ Bill et Mélinda Gates ”, nous essayons de voir comment conventionner cette vaccination. En attendant, dans des centres de santé et des postes de santé, cette vaccination est disponible pour la population. Il y a également les personnels de santé qu’il faut protéger contre l’hépatite B. Ce sont des agents qui peuvent être contaminés dans leur pratique de soins ou d’analyses d’échantillons. Il faut donc les vacciner.

La catastrophe qui a eu lieu dans le nord du pays notamment dans les régions de Saint-Louis et de Louga où la vague de froid et les pluies ont tué une grande quantité de têtes de bétail, détruit des récoltes et causé la mort de plusieurs personnes. Est-ce que vous intégrez dans votre démarche la dimension des bouleversements climatiques qui ont une incidence écologique certaine et des conséquences inattendues sur la santé publique ?

Je sais que c’est un problème dramatique. Les bouleversements écologiques sont tels que l’on craint l’émergence de nouvelles maladies et même la ré-émergence d’autres devant lesquels des efforts avaient eu des acquis réels. Ce sont des choses qu’il faut intégrer. Des études nous ont permis, par exemple, de prévoir certaines survenues périodiques d’épidémies. Nous savons que tous les trois à quatre ans, il y a des épidémies de méningite en Afrique. Chaque année, on se prépare en Europe pour prévenir l’épidémie annuelle de grippe pendant la saison de l’hiver. Ce qui s’est passé cette fois-ci est vraiment surprenant. Et il est clair qu’il faut réagir en conséquence pour que des épidémies ne surgissent pas, dans la mesure où les populations sinistrées sont fragilisées par le froid et le déficit nutritionnel, la rareté soudaine de l’eau qui peut hypothéquer l’hygiène individuelle et collective.

L’autre problème sérieux est les troupeaux décimés et les cadavres d’animaux pourrissant dans la nature. C’est vraiment une catastrophe nationale et il faut la considérer comme telle. Si les pluies s’étaient prolongées pendant plusieurs jours, cela aurait été extrêmement grave pour notre pays, surtout dans le monde rural où les problèmes de santé y sont énormes. Nous avons très vite envoyé une équipe de techniciens dans les zones sinistrées. Nous avons fait une évaluation de la situation et préparé des réponses pour parer à d’éventuelles complications épidémiques.

La campagne contre les mutilations génitales féminines bat de l’aile. On assiste à une baisse des acquis. Il y a eu des déclarations officielles d’abandon de la pratique par des exciseuses, mais on assiste à une poursuite de cette pratique dans certaines zones. Qu’en est-il exactement ?

Vous avez peut-être raison, mais je ne peux pas dire qu’il y a eu une chute d’intérêt dans cette campagne. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a des problèmes. On avait peut-être pas entièrement évalué l’aspect culturel et social de l’excision. Il y a eu beaucoup d’actions de type communautaire, d’implication de chefs religieux, d’ONG et d’associations de femmes, de ministères dont le ministère de la Santé. Il est clair maintenant qu’il fallait une planification d’actions pour gérer les effets après les décisions d’abandon de la pratique par des communautés et des exciseuses, surtout après l’adoption de la loi contre l’excision.

Dès que les acteurs de la campagne ont tourné le dos, certaines exciseuses ont repris quelque temps après leur couteau et leur pratique. On ne doit pas penser pouvoir régler en un ou deux jours son compte à un problème qui a des aspects culturels comme c’est le cas avec l’excision et les autres mutilations génitales féminines. Il faut une planification durable et profonde à travers plusieurs volets concernant la sensibilisation, l’appui aux communautés, etc. Il faut dire aussi que les femmes exciseuses, en tout cas la plupart, avaient cette pratique comme gagne pain. Quand elles se sont retrouvées sans emploi, elles ont vite repris leur couteau. On a bien vu à Tamba, que des actions ont été entreprises autour des ex-exciseuses, notamment des GIE au sein des groupements féminins. Ma collègue de la Famille et de la Petite Enfance est en train d’organiser des stratégies pour vraiment régler ce problème. Ce problème montre, en tout cas, qu’il ne faut jamais arrêter la sensibilisation des gens. Il faut peut-être changer les formes de cette sensibilisation pour maintenir l’imprégnation permanente des consciences.

En ce qui concerne l’hygiène publique, nous, au niveau gouvernemental, le problème a été déjà réglé, mais certains soulèvent encore la question de l’hygiène publique qui est logée au ministère de la Jeunesse et de l’Environnement. D’ailleurs, c’est ce qui avait fait la petite confusion au départ avant que je ne fasse la passation de service. Le service national de l’Hygiène, qui, encore aujourd’hui,, effectue des services appréciables pour la santé publique est retourné dans le giron du département de la Santé et de la Prévention. C’était très clair dans le décret de nomination du gouvernement. Au niveau du commissariat général du pèlerinage aux Lieux Saints de l’Islam, les agents de l’hygiène y sont chargés de la vaccination. Le SNH participe à la vaccination et s’occupe également de la surveillance des denrées alimentaires, des lieux publics de restauration, du dépôt des saletés sur la voie publique, du contrôle des domiciles, de la lutte contre les vecteurs de maladie, de l’imprégnation des moustiquaires. En revanche, le ministère chargé de l’Hygiène publique est chargé de conduire la politique de propreté de la voie publique, de la gestion des ordures, etc.

Le domaine de la santé est parmi les 9 compétences que l’Etat a transférées aux collectivités locales via la loi 96/07 du 22 mars 1996. Ce transfert est accompagné des moyens que le gouvernement leur allouait. Il s’agit d’un fond de dotation calculé sur la base de l’importance du volume de la population et de la moyenne des trois derniers budgets de la collectivité locale concernée. Or, depuis 1988, il n’a pas été fait de recensement de la population et certaines collectivités se retrouvent ainsi avec des budgets dérisoires. Eu égard à tout cela, ne pensez-vous pas nécessaire de faire réviser ces critères de définition du montant de la dotation allouée au secteur de la santé des villes et villages du pays ?

Le premier problème est que ce qui est transféré et les fonds qui sont alloués aux collectivités locales pour la santé aillent vraiment à la santé. Nous constatons parfois que seulement 1/10 va à la santé. Le reste sert à autre chose, comme la construction de mur, l’achat de voitures, etc. Il y a une partie du budget qui est alloué aux collectivités locales, mais on ne la retrouve pas sur le terrain. Il y a des collectivités qui perçoivent cet argent et l’investissent réellement dans la santé. Les agents de santé qui travaillent dans ces collectivités ont pu constater cela et féliciter les élus locaux. En revanche, il y a des problèmes chez d’autres collectivités. Elles disent même qu’ils n’ont jamais vu l’argent. Il y a aussi des élus locaux qui font trop de zèle. Dans la mesure où ils disent que ce sont eux qui doivent effectuer les commandes de médicaments, faire telle ou telle dépense eux-mêmes. Pour eux, les médecins et les infirmiers n’ont qu’à exprimer leurs besoins. Il faut donc remettre de l’ordre à ce niveau. Nous avons fait l’option de la décentralisation à laquelle j’adhère, mais nous devons faire attention et veiller à ce que chacun respecte les règles.

Pour le pèlerinage, il y a deux phases. La première est relative aux préparatifs. Il y a eu un accord entre le commissaire général au pèlerinage à La Mecque et les promoteurs privés. Dans la phase de préparation, il n’y a pas de différence entre ceux qui vont avec la mission ou ceux qui font appel aux services des promoteurs privés. Le commissariat général s’occupe totalement des préparatifs sanitaires qui sont gratuits, notamment la vaccination et la visite médicale pour l’aptitude à effectuer ce rite. Pour la seconde phase, il faut préciser que l’équipe médicale de la mission n’encadre que ceux qui effectuent le voyage sous le couvert du commissariat général.

Cette année, le commissariat prévoit d’encadrer 7.500 pèlerins. 5.000 pèlerins bénéficieront de l’encadrement officiel et 2.500 autres seront encadrés par les promoteurs privés. C’est une fois en Arabie saoudite qu’on note des différences. Ceux qui sont encadrés par la commission seront logés aux mêmes endroits que les membres de l’équipe médicale. Si les pèlerins acheminés par les voyagistes privés sont tout près de ces lieux officiels, ils seront également pris en charge quand des problèmes de santé se poseront, car ce sont, eux aussi, des Sénégalais. Toutefois, il est recommandé aux voyagistes privés d’être accompagnés de médecins et d’infirmiers si leurs pèlerins doivent habiter loin des sites de la commission officielle. Je me rappelle que l’actuel commissaire général venait toujours en Arabie Saoudite avec un médecin quand il était un promoteur privé du pèlerinage. Nous avons fait des rencontres techniques pour organiser une collaboration sans faille entre la commission officielle et les voyagistes privés.

De nombreuses ONG effectuent des interventions dans le secteur de la santé. Leurs interventions sont décriées parfois même par des autorités sanitaires à divers niveaux comme étant anarchiques. N’y a-t-il pas lieu de remettre de l’ordre dans ce domaine ?

En ce qui concerne les interventions des ONGs, nous avons mis en place une division qui s’occupe du partenariat. Cette division a commencé à faire un travail d’organisation avec le CONGAD, à partir de ce que l’on appelle le RESSIP qui est un réseau des ONGs qui interviennent dans le secteur de la Santé. Si cette réorganisation se poursuit, nous pourrons aller plus loin dans des protocoles d’accord et d’agrément en leur faveur afin que ces ONG développent des activités bien ciblées et planifiées dans le secteur de la santé, notamment au niveau communautaire.

Nous devons exiger que les ONG qui travaillent dans des zones précises le fassent plus sérieusement en rapport avec les autorités sanitaires de ces mêmes zones. Les Ong doivent intégrer leurs activités dans la planification des autorités sanitaires des régions et des districts, auprès des communautés de base. Il y a une véritable dynamique d’organisation dans ce domaine et je pense qu’il y aura plus d’ordre. PROPOS RECUEILLIS PAR FARA DIAW

Lire l'article original : www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=10896&index__edition=9495

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