Malgré
l'existence des associations et des structures de lutte contre le
sida, des malades manquent de soins adéquats, car n'ayant pas de
moyens pour se payer les produits même à prix social.
Désespérés, ces derniers se résignent et n'attendent que des oeuvres
de charité de certaines bonnes volontés. Sont de ceux-là, Mme Célestine
Sanou, épouse du défunt artiste-musicien, Sanou Salaka Vincent communément
appelé "Salaka Vince". Ignorance ou simple négligence, veuve Sanou
n'a pris son mal au sérieux que lorsque son état s'est empiré il
y a de cela trois mois.
Dans un entretien qu'elle a accordé à Sidwaya, elle nous parle de
sa situation de personne malade du sida. Voici son témoignage.
"Mon
mari est décédé il y a bientôt 5 ans, précisément le 17 avril 1997.
Lorsqu'il était malade, les gens disaient qu'il souffrait de "la
maladie du siècle". Après son décès, certains ont même eu le culot
de me dire que mon malin va finir parce que mon mari est mort du
sida et j'en mourrai moi aussi. Je me suis contentée de leur répliquer
que je m'en réjouis, car si je contracte le sida avec mon mari,
cela n'est pas un problème, l'essentiel est de ne pas le contracter
par vagabondage sexuel".
Comme
bien d'autres personnes, la veuve Sanou Célestine n'a pas pris la
situation au sérieux, son défunt mari n'ayant pas fait le test.
Rien ne laissait croire que les rumeurs étaient fondées. Alors,
elle n'a pas songé à faire le dépistage à temps. Plus de deux ans
après le décès de son mari, elle ne souffrait d'aucun mal, le danger
pour elle était écarté. Ce n'est qu'en novembre 2000 que ses maux
ont commencé : fièvre par-ci, dysenterie par-là. Ces malaises disparaissaient
après traitement, mais réapparaissaient aussitôt ; et ceci durant
une année. Recevant les mêmes prescriptions médicales que son mari
lorsqu'il souffrait, ses doutes se sont estompés et c'est là qu'elle
s'est rendue au centre Oasis de Ouidi, pour exposer son problème.
Le personnel du centre lui a recommandé de faire le test ; celui-ci
s'est révélé positif. Il fallait affronter le mal avec courage.
Comment
a-t-elle accueilli la nouvelle ? Mme Sanou explique : "Lorsque j'ai
fait le test, j'ai apporté les résultats au centre, et c'est là
que le personnel m'a confirmé mon statut et m'a rassuré que ce n'était
pas une fatalité, que je peux encore vivre longtemps ; que le sida
est une maladie comme les autres, car on peut mourir d'autre chose
que du sida. Alors, c'est là que j'ai eu le moral relevé. On m'a
aussitôt délivré une carte et j'ai commencé le traitement".
A-t-elle
informé ses proches ? (sa famille et/ou sa belle-famille), quelle
a été leur réaction ?
"Les deux familles ont aussitôt su que j'étais malade du sida, lorsqu'elles
ont appris que je ne me sentais pas. Elle étaient toutes convaincues
que mon mari est décédé des suites de cette maladie. Du côté de
ma belle-famille, personne n'est venue me voir. Quant à la mienne,
c'est la consternation totale, chacun voit déjà la suite. C'est
pour cette raison que ma maman a décidé de venir rester auprès de
moi".
C'est
en situation de détresse qu'on connaît les vrais amis, enseigne
la sagesse africaine. Mme Célestine Sanou ne peut dire le contraire.
Quelle est l'attitude de son entourage ?
"Je remercie Dieu d'avoir eu de bons voisins qui me couvrent d'une
chaleur inestimable, et qui me témoignent sans cesse leur compassion.
C'est grâce à Mme Zongo Blandine, une voisine que mes deux derniers
enfants poursuivent leurs études. C'est aussi grâce à elle que nous
ne restons pas à jeûn. Lorsqu'elle constate qu'il n'y a pas de marmite
au feu, elle nous apporte à manger ou nous donne le nécessaire pour
la cuisine. Bien d'autres voisines volent aussi à notre secours.
J'ai juste 62 745 F CFA au titre de la pension de mon mari qui fut
gendarme. C'est avec cet argent que je nourris mes enfants et me
soigne. Il est difficile de survivre dans ces conditions. N'eût
été l'appui de mes voisins, je serais morte depuis. Les produits
qu'on me donne au centre Oasis ne sont pas toujours disponibles,
il y en qui sont en rupture de stock, d'autres ne me soulagent plus".
Pourquoi
Mme n'a-t-elle pas contacté d'autres structures de lutte telles
le Centre de traitement ambulatoire (CTA) ou l'Association laafi
la viim (ALAVI) ?
elle répond simplement : "je ne les connais pas".
Victime d'une ignorance ou d'une simple négligence, Mme Sanou n'est
pas la seule à vivre dans cette situation. Son cas n'est donc pas
isolé, il existe bien d'autres personnes qui souffrent aujourd'hui
dans leur chair et dans leur âme sans une prise en charge effective.
D'abord parce qu'elles ne veulent pas parler de leur statut ou qu'elles
ont peur de se faire identifier ou tout simplement par ignorance
de leur sérologie. Généralement, ces personnes ne se présentent
aux structures de lutte contre le VIH que lors qu'elles sont dans
la phase terminale.
Très
affectée, Célestine Sanou lance un appel à toutes les bonnes volontés
qui pourraient lui venir en aide afin qu'elle puisse avoir le minimum
pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants. Mais au-delà
de sa propre personne, elle se dit préoccupée par la situation de
toutes les personnes en difficulté : "Je souhaite que des actions
plus concrètes soient posées à l'égard de tous ceux qui, comme moi,
meurent à petit feu".
Lire l'article original : fr.allafrica.com/stories/200201160659.html
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