Le deuxième Congrès de lutte contre la drépanocytose
vient de se tenir à Cotonou (Bénin). Avec 50 millions de personnes
atteintes dans le monde, la drépanocytose est la maladie génétique
la plus répandue dans les milieux tropicaux, principalement en Afrique.
Ces dernières années, de remarquables progrès ont été accomplis
dans la compréhension de la maladie et dans la prise en charge des
patients atteints. Paradoxalement, comme l'ont déploré les organisateurs
du congrès de Cotonou, c'est dans les pays où la drépanocytose est
très fréquente que ces découvertes sont le moins appliquées. La
drépanocytose est une anomalie de l'hémoglobine qui entraîne une
déformation du globule rouge qui la contient. Normalement rond,
le globule rouge drépanocytaire prend alors un aspect de faucille.
Cette déformation n'apparaît que chez les drépanocytaires homozygotes
(Ss) qui souffrent de la forme la plus sévère de la maladie. La
forme dite hétérozygote (As) est sans symptôme : les personnes atteintes
sont bien portantes et de plus, elles sont protégées contre les
formes les plus graves du paludisme.
La drépanocytose se transmet dans les familles, de génération en
génération. La maladie provoque une anémie chronique, des crises
extrêmement douloureuses et des complications qui touchent la rate
et, à l'âge adulte, les vaisseaux. La prise en charge consiste à
supplémenter l'enfant drépanocytaire en vitamine B9 pour aider la
formation de globules rouges. Parallèlement, un traitement à base
de pénicilline luttera contre les infections auxquelles ces enfants
sont particulièrement vulnérables. Plus tard, la fréquence des crises
peut s'accroître ; des traitements antidouleurs seront prescrits
ainsi que des anti-inflammatoires. Le drépanocytaire apprend petit
à petit à gérer sa maladie et notamment à reconnaître certains signes
(le blanc des yeux devient jaune, la rate gonfle) qui doivent l'amener
à consulter. En l'absence de soins appropriés, plus de la moitié
des enfants atteints meurent avant l'âge de 5 ans. En Afrique, la
maladie est un problème de santé publique et son ampleur est encore
mal appréciée, faute d'un dépistage systématique à la naissance.
Ainsi, la drépanocytose serait responsable d'au moins 5 à 10 % des
décès d'enfants en Afrique subsaharienne, où l'on évalue à 200 000
le nombre annuel de naissances d'enfants homozygotes. Pour le Dr
Mohammed Chérif Rahimy (Chu de Cotonou), les progrès réalisés dans
la prise en charge de la drépanocytose sont considérés comme non
applicables en Afrique : ils coûtent cher et nécessitent une structure
sanitaire développée et bien organisée. Pour l'instant, est prévue
la création de centres de prise en charge qui tentent d'adapter
l'approche médicale appliquée dans les pays industrialisés aux réalités
africaines. Le dépistage à la naissance est une étape essentielle
dans cette approche ; il peut être réalisé grâce à un test facile
à réaliser et bon marché. Ces centres sont indispensables pour informer
les parents sur la maladie et ses traitements, ainsi que sur les
précautions à prendre au quotidien.
La maladie de la douleur
La drépanocytose est avant tout une maladie de la douleur. Pourquoi
? La mutation génétique affecte la constitution de l'hémoglobine,
alors incapable de transporter convenablement l'oxygène dans les
globules rouges sanguins. Cela rend leur circulation impossible
dans les plus petits vaisseaux sanguins. Les tissus irrigués par
ces vaisseaux ne sont plus alimentés en oxygène et meurent peu à
peu, déclenchant des douleurs terribles, qui surviennent par crises
et durant lesquelles les malades ont l'impression d'être broyés...
La maladie inflige aussi des souffrances psychiques aux drépanocytaires.
Elle est fréquemment considérée comme une maladie honteuse et maudite
en Afrique. "La faute est souvent rejetée sur la mère de l'enfant
malade, du fait d'une fausse représentation de la conception qui
serait assumée seulement par la mère", explique le Dr Etsianat Ondongh-Essalt,
psychologue spécialisé dans la drépanocytose. Les enfants peuvent
alors développer un sentiment de culpabilité et un comportement
dépressif, accentués par les crises de douleur. Ces interprétations
traditionnelles font les affaires des tradipraticiens, très sollicités,
car ils promettent souvent une guérison totale. Des collaborations
ont donc été lancées entre médecine moderne et traditionnelle afin
d'assurer un meilleur suivi des patients, sans que cela nuise à
leur santé.
La drépanocytose peut faire de nombreux autres dégâts sur l'organisme
(anémie, infections virales ou bactériennes), mais elle ne se manifeste
pas de la même façon selon le malade et son environnement. Par exemple,
la malnutrition et le paludisme aggravent l'anémie, le climat froid
et l'insalubrité du logis accroissent les risques d'infections.
"La drépanocytose est l'exemple-type de la maladie de l'inégalité
sanitaire et sociale, s'insurge le Pr Gil Tchernia, hématologue
à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre. C'est dans les pays où elle est
la plus fréquente qu'elle est la moins bien prise en charge pour
des raisons essentiellement économiques. Et en Europe c'est une
maladie qui touche souvent une population d'immigrés particulièrement
fragile".
Lire l'article original : http://www.walf.sn/societe/suite.php?rub=4&id_art=7926
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