600 millions d'euros (383 milliards de Fcfa environ),
c'est le montant du fonds qui sera consacré par l'Union européenne
dans le cadre d'un partenariat avec les pays en développement dans
la recherche en santé, notamment sur les essais cliniques, dans
la période allant d'ici à 2007. Déjà 200 millions d'euros sont déjà
disponibles.
Ce programme, intitulé "Partenariat des pays européens
et en développement sur les essais cliniques" (EDCTP), a été lancé
hier matin à Dakar par le ministre de la Recherche scientifique
et de la Technologie, M. Christian Sina Diatta, en présence de son
homologue chargé de la Santé et de la Prévention, le Dr Issa Mbaye
Samb, et du commissaire européen chargé de la Recherche, M. Philippe
Busquin, et aussi de nombreuses personnalités appartenant à diverses
institutions de Recherche. L'EDCTP dont l'ancien Premier ministre
mozambicain, Pascual Mocumbi, est le Haut-Représentant, est prioritairement
axé sur la recherche de nouveaux moyens préventifs (vaccins) et
thérapeutiques (médicaments) contre trois principales maladies,
notamment le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme qui font payer
annuellement de très lourds tributs à l'Afrique noire subsaharienne.
Il a été mis sur pied par 15 pays européens pour relever le challenge
face à ces trois fléaux que certains n'hésitent pas à qualifier
de "trois chevaux de l'Apocalypse"… En réalité, ce trio infernal
mérite cette attention particulière, mais il s'agit de constater
aussi que ce sont de vastes et durables marchés, qui s'ouvriront
pour les firmes pharmaceutiques (européennes), si de nouveaux traitements
préventifs ou thérapeutiques plus adaptés et efficaces voyaient
(enfin) le jour dans le cadre des protocoles de recherches que ce
programme à l'intention de "booster". La "guerre" est actuellement,
bien que feutrée, très rude entre l'Amérique du Nord et l'Union
européenne sur les moyens de la recherche et dans la course vers
les découvertes technologiques.
C'est la Commission, le Parlement et le Conseil européens qui ont
décidé de mettre dans la " corbeille " les 200 premiers millions
d'euros dans le cadre du budget du 6ème programme-cadre. Les 400
millions d'euros restant viendront respectivement des activités
nationales de recherche des Etats membres, d'une part, et, d'autre
part, par l'industrie (pharmaceutique), les organisations caritatives
et le secteur privé.
Respect de l'ethique
Comme il s'agit d'essais cliniques et surtout ceux
de phase II et III, donc incluant les essais sur l'homme, tout le
monde a donc souligné, hier, que l'intention plusieurs fois réaffirmée
du programme EDCTP d'appliquer les plus hautes normes éthiques par
les équipes de chercheurs, à travers un consentement éclairé des
"futurs échantillons de cobayes" qui seront issus des populations
des pays en voie de développement, dont nombre d'entre eux n'ont
pas de "code de la santé", voire de comité national "Ethique".
Il ne faudrait pas donc que les "millions d'euros" brouillent les
esprits et "tordent le cou" aux règles éthiques dont les plus pointues
et rigoureuses sont contenues dans la déclaration dite d'Helsinki,
adoptée par la 18ème assemblée de l'Association médicale mondiale
(AMM) dans la capitale finlandaise et revue lors de la 52ème AG
de cette même association à Edimbourg (Ecosse), en Octobre 2000.
Sur un autre angle, ce programme va se pencher sur trois problèmes
sanitaires très sérieux et complexes. Le VIH/SIDA, avec la multiplication
des virus (VIH1, VIH2 et, peut-être, le…VIH3) et des types et sous-types
du virus, ainsi que le très faible accès des populations africaines
aux médicaments, ce tout ajouté à la tuberculose et au paludisme,
chez lesquels on note l'émergence très inquiétante de souches chimiorésistantes
de leurs agents (le bacille et le plasmodium), méritent bien cet
(gros) effort et probablement plus encore à l'avenir. Les défis
sont colossaux…
Experiences en commun
Le Commissaire européen, M. Philippe Busquin, qui
doit d'ailleurs visiter aujourd'hui le centre de traitement ambulatoire
(CTA) du CHN de Fann, le site de l'IRD à Bel-Air, le laboratoire
de virologie de l'hôpital A. Le Dantec et l'Institut Pasteur de
Dakar, a souligné l'intérêt de ce programme qui va permettre aux
chercheurs d'Europe et des PVD d'Afrique de regrouper en commun
leurs efforts et leurs expériences pour de nouveaux produits efficaces
et adaptés aux besoins sanitaires des Etats africains. Il a indiqué
que "c'est le plus grand programme (médical) du monde et que c'est
un véritable partenariat à long terme entre l'Europe et les PVD
qui fixent eux-mêmes leurs priorités de recherche et participent
activement à tous les paliers des projets de recherche".
M. Philippe Busquin et le Haut-représentant de l'EDCTP, M. Pascual
Mocumbi, ont appelé le président sénégalais, Me Abdoulaye Wade,
dont ils ont loué le leadership international en faveur des PVD,
à faire le plaidoyer de ce programme auprès de ses pairs africains
et surtout dans le cadre du NEPAD. Le professeur Souleymane Mboup,
président du Réseau africain de recherche sur le VIH/SIDA et du
comité préparatoire de cette rencontre autour de l'EDCTP, a bien
placé le contexte de ce programme. Selon le chercheur sénégalais,
"les domaines les plus faibles sont précisément les plus critiques,
notamment les essais cliniques, vaccinaux ou thérapeutiques".
Réduire les handicaps et la
faiblesse des moyens
"Dans la plupart des pays en voie de développement,
la recherche sur la santé souffre de sérieux handicaps, notamment
de possibilités restreintes en termes de carrière et de développement
personnel, de faiblesse et d'instabilité des environnements institutionnels,
d'un financement insuffisant et inconsistant", a dit le Pr. Mboup.
Il a plaidé pour la promotion et l'établissement de réseaux de chercheurs
qui, selon lui, "sont des mécanismes utiles pour offrir aux
scientifiques un soutien international et pour mettre en communication
tout en renforçant les capacités nationales de recherche, les moyens,
selon lui, les plus performants, les plus rentables et les plus
durables de faire avancer la santé et le développement".
Plaçant le contexte de ce programme, le Pr. Mboup, le Dr Pascual
Mocumbi, M. Dicky Akanmori, représentant du comité de coordination
des PVD, et M. Philippe Busquin sont revenus sur les fardeaux sanitaires
que causent le paludisme, la tuberculose et surtout le VIH/SIDA,
apparu il y a de cela seulement un peu plus d'une vingtaine d'années,
en termes de morbidité et de mortalité, et aussi sur les plans socio-économiques.
C'est le Pr. Mboup qui a le plus éloquemment remis sur la table
les statistiques sur les impacts désastreux de ces trois "endémies"
en Afrique. 90% des 3000 décès par jour dus au paludisme dans le
monde ont lieu en Afrique. Outre d'immenses souffrances humaines,
cette maladie coûte à l'Afrique plus de 12 milliards de dollars
US par an, ralentissant ainsi chaque année sa croissance économique
de 1,3%.
En ce qui concerne la tuberculose, près d'un milliard d'individus
contacteront cette maladie et 200 millions en tomberont malades,
avec au bout au moins 3,5 millions de morts d'ici à 2020. 1,5 million
de personnes environ auront chaque année la tuberculose en Afrique
subsaharienne et ce chiffre croît rapidement dans les foulées de
la progression de l'épidémie de VIH/SIDA qui, elle-même, fait chaque
année 3 millions de morts dont 90% (2,2 à 2,4 millions) toujours
sur le continent africain.
FARA DIAW
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/santeenv/article.cfm?articles__id=35121
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