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Le Sida évolue, la lutte se relâche - Fraternité matin - Côte d'Ivoire - 17/04/02

Maladies infectieuses en Côte d' Ivoire/Dr Coulibaly Makan(Directeur des politiques et stratégies) .

• Quelles sont les réalités du VIH/Sida aujourd’hui en Côte d’Ivoire ?

- Il faut dire qu’en Côte d’Ivoire, la prévalence du Sida varie de 8 à 10% en fonction des régions. Aujourd’hui toute la Côte d’Ivoire est concernée avec surtout une prévalence forte au niveau des frontières comme Abengourou par exemple où on notait en 2001, 14% de taux de prévalence, à Odienné, au notait 10%. Il faut dire également que la tranche d’âge la plus concernée est celle qui va de 15 à 49 ans avec aujourd’hui une prévalence de 14% chez les femmes enceintes qui fréquentent les centres de protection maternelle et infantile.

• Le constat est donc qu’il y a une tendance à l’évolution dans toute la Côte d’Ivoire ?

- On peut parler d’évolution du VIH/Sida parce que la lutte a connu un relâchement pendant deux à trois ans. On tente aujourd’hui de redynamiser cette lutte en essayant de mettre en place la décentralisation et surtout la multisectorialité.

• En 1997 on parlait de 18% des jeunes concernés par le VIH. Des études ont-elles été faites dans ce sens pour actualiser les chiffres de contamination pour chaque tranche d’âge et catégorie ?

- A ma connaissance, il n’y a pas eu de nouvelles études. Mais je pense que ces études sont nécessaires pour faire le point de la situation épidémiologique. En effet, il y a eu beaucoup de campagnes de sensibilisation. Aujourd’hui les jeunes connaissent le VIH/Sida et il est bon de faire une analyse pour savoir quelle est la situation réelle. Ce qui est sûr, dans les années 99, il y avait une tendance à la stabilisation de l’épidémie. C’est peut-être le résultat de toutes ces campagnes. Mais il faut savoir aujourd’hui, quelle est la situation pour pouvoir tirer des conclusions.

• Vous êtes le directeur des politiques et stratégies et l’on constate visiblement qu’il y a une tendance à la hausse du taux de prévalence. Quelle politique et quelle stratégie devant cette situation ?

- Il faut dire tout de suite que la vision du ministère aujourd’hui c’est d’abord la décentralisation et la multisectorialité. L’analyse de la situation a permis de dire que la réponse était insuffisante et donc qu’il fallait l’amplifier. Et cette réponse ne peut être amplifiée que par la multisectorialité, la décentralisation. Nous avons également défini les domaines prioritaires. Il y a en premier lieu la conscientisation des jeunes, suivie des IST (Infections sexuellement transmissibles), ensuite c’est la vulnérabilité des femmes, les prostituées et leurs partenaires, les migrants, etc. Il y a onze domaines prioritaires avec comme onzième le renforcement des capacités institutionnelles. Car si on veut décentraliser, faire de la mutlisectorialité, il faut renforcer les capacités des départements et des régions.

• Décentraliser avec quels moyens ?

- C’est pour cela que nous sommes partis à Abengourou et à Agnibilékrou pour la 1ère étape du Tour Sida en Côte d’Ivoire qui est une des stratégies pour faire cette décentralisation. En effet, il faut permettre à chaque département d’avoir un leader, et ce leader-là, c’est le délégué départemental qui doit coordonner toutes les activités de lutte, qui doit pouvoir mobiliser les populations pour que la lutte soit multisectorielle. Nous avons établi un programme en tenant compte de nos moyens limités en ressources financières. Il s’agit de donner déjà le matériel nécessaire pour faire de la sensibilisation. Car il ne faut pas oublier que la prévention c’est vraiment la 1ère arme pour réduire la propagation du VIH, ensuite il y a la prise en charge des maladies du Sida.

• Parlant justement de prévention, quelle stratégie et politique pour la disponibilité et l’accessibilité du préservatif féminin qui n’est toujours pas à la portée du plus grand nombre ?

- Nous avons reçu des préservatifs féminins. Mais comme vous le savez l’utilisation du préservatif féminin n’est pas aisée. Et donc nous avons décidé de faire d’abord la formation des femmes leaders dans les associations, dans les communautés, pour qu’elles servent de relais pour l’utilisation de ces cordons. Il ne sert à rien de les distribuer si les femmes ne savent pas les utiliser. Vous avez vu la démonstration, ce n’est pas toujours aisé. Nous avons établi le plan de formation qui sera d’abord basé sur les femmes des centres sociaux. C’est un personnel qui rencontre plus facilement les femmes et qui va donc servir de relais. La formation est prévue dans le courant de ce mois. Nous avons actuellement 85000 préservatifs féminins disponibles qu’on va mettre à la disposition des femmes lorsqu’on va commencer la formation.

• Quelle stratégie et politique par rapport aux traitements, à la disponibilité des médicaments avec toutes ces ruptures que nous connaissons et la limitation à Abidjan de leur disponibilité ?

- La prise en charge est liée aussi à la question de la décentralisation et au renforcement des capacités. J’ai dit que le 11e domaine prioritaire c’est le renforcement des capacités. Les médicaments sont là, mais ils sont limités pour l’instant à Abidjan. Les malades de l’intérieur viennent s’approvisionner à Abidjan. Or ce qu’il faudrait, c’est de mettre les médicaments au niveau des régions et des départements. Mais si tu mets les médicaments à ces niveaux-là, il faut en même temps faire le renforcement des capacités techniques pour faire le suivi biologiques des patients. Et ce suivi biologique, s’il existe à l’intérieur on peut mettre les médicaments à la disposition des régions et départements. Donc la stratégie aujourd’hui, c’est décentraliser et renforcer les capacités au niveau des laboratoires.

• Il faut également avoir des moyens financiers parce qu’il y a déjà des ruptures à Abidjan alors qu’on n’a pas encore décentralisé la disponibilité des médicaments ?

- Non, le problème de rupture est lié aux finances. Quand je dis décentraliser, c’est non seulement mettre les médicaments à gérer dans les structures sanitaires de l’intérieur mais aussi renforcer les capacités c’est-à-dire former et assurer le suivi biologique. Maintenant pour le problème de rupture des médicaments, il est lié à l’existence de fonds. L’Etat donne 750 millions. Cet argent ne peut traiter que 1000 (mille) malades mais à l’état actuel des choses, on est obligé de prendre en charge 2000 patients. Il est donc difficile de gérer les 2000 malades qui sont sous traitement. Et si on veut payer pour 3000, 4000 malades, il faut trois fois plus de fonds. Il faut donc mobilier des ressources. Et c’est une politique du ministère chargé de la Lutte contre le Sida. Il doit mobiliser des ressources et faire le plaidoyer. On a également une autre stratégie, c’est de créer un fonds qui puisse permettre de mobilier les ressources et gérer de façon plus transparente. Interview réalisée par B – ZEGUELA

Lire l'article original : www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=10504

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