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L'actualité de la santé en Afrique

Les inégalités devant la santé au Sénégal - Walfadjri - Sénégal - 14/04/2003

Pourquoi la mortalité maternelle enregistrée dans la région de Kolda est-elle la plus élevée du Sénégal ? Pourquoi le risque de létalité lié aux maladies infectieuses est-il inversement corrélé à l'échelle des statuts économiques ? Pourquoi la filariose lymphatique responsable de l'éléphantiasis des membres inférieurs (jambes grosses) n'existe que dans le département de Mbour ?

Voilà autant d'interrogations qui laissent penser que les sociétés ne sont pas égales face à la maladie et dont la réponse est dans la combinaison de l'influence de l'environnement et de l'impact des comportements sociaux. En effet, certaines communautés vivent dans des conditions telles que celles-ci déterminent l'apparition de maladies ou modèlent leur expression dans la collectivité, alors que pour d'autres, les risques sont générés par un certain type de comportement.

Ces inégalités dont la dimension est dynamique présentent ainsi un déterminisme pluriel. Dans les sociétés traditionnelles sénégalaises, la maladie a été toujours le support d'une exigence visant à obtenir un ordre égalitaire dans le fonctionnement des structures sociales et de production, et la maladie est souvent l'enjeu et le prétexte d'une renégociation sans cesse du contrat social établi entre les différents pouvoirs de la société.

L'analyse historique des politiques sanitaires, de prévention et d'intervention récentes, ainsi que les données épidémiologiques actuelles révèlent de grandes inégalités devant la maladie. Ces évolutions historiques renvoient souvent à des mécanismes sociaux de production de ces inégalités, et les statistiques sanitaires aussi élaborées qu'elles soient, ne permettent pas d'appréhender la complexité des déterminations et la dynamique des processus. Seule une analyse globale permet de passer du niveau de la santé au niveau politique et social et permet de comprendre comment le contexte au niveau des différents échelons influe sur la genèse de nos disparités dans le domaine de la santé. Bien que les gains observés dans ce domaine au cours de ces deux dernières décennies se soient faits de manière inégale, bénéficiant beaucoup plus aux populations aisées qu'aux autres, il demeure que "le droit à la santé pour tous", qui est compris par les techniciens de la santé comme un meilleur accès à la santé pour les plus démunis, n'a pas souvent été au Sénégal un thème mobilisateur pour les communautés. Même dans un pays sous-développé comme le nôtre, ces inégalités sont insupportables, car elles représentent, de par leur nature, l'expression d'un destin profondément injuste, une entrave à la liberté. Inégalités face au risque d'être malade et inégalités lorsqu'on l'est face aux soins, tel est le double défi auquel sont confrontées non seulement la santé publique, mais également la société sénégalaise tout entière. Les inégalités devant la santé découlent de facteurs qui se situent à plusieurs niveaux et qui répondent à différentes logiques. Deux niveaux essentiels sont à identifier, d'abord le cadre de vie global avec ses nuisances, ensuite le niveau des unités sociales et spatiales plus restreintes où se déroule l'existence quotidienne des individus. Au sein de ces deux niveaux, les individus sont soumis à des logiques collectives qui sont économiques et sociales dont l'influence s'exerce sur leurs propres choix. Au premier niveau, une démarche systémique, l'individu étant replacé dans son contexte social et spatial, permet d'identifier les contraintes globales auxquelles il doit faire face et qui peuvent être à l'origine d'inégalités. L'aggravation des disparités spatiales apparaît à la lecture des quotients de mortalité materno-infantile. L'espace peut être analysé comme une distribution de facteurs de risque pour la santé, facteurs naturels et anthropiques.

Pour ce qui est des facteurs naturels, un bon exemple est donné par l'onchocercose - cécité des rivières. Les personnes atteintes par cette affection ont la malchance de partager le même biotope avec le vecteur qui est un moucheron appelé simulie. S'agissant des facteurs anthropiques, nous en avons l'illustration avec les barrages anti-sel de Diama, au niveau du fleuve Sénégal, et celui de Manantali destiné à réguler le débit du fleuve. Depuis leur mise en service, des modifications profondes ont été notées dans l'écosystème des zones concernées, se traduisant par l'apparition de bilharziose intestinale et une tendance épidémique du paludisme dans ces zones avec une mortalité plus importante qu'avant. L'urbanisation incontrôlée par ailleurs, source de surpeuplement et de détérioration de l'environnement, a aggravé la situation et favorisé l'émergence d'inégalités en matière de santé. Il existe des écarts marqués d'ordre matériel et économique au sein de la population urbaine avec une paupérisation de cette dernière et l'alourdissement des contraintes économiques qui pèsent sur la résolution des problèmes sanitaires.

Aux disparités économiques qu'on peut observer, s'ajoutent celles qu'on peut noter sur le plan des infrastructures et de l'hygiène. Les mauvaises conditions de logement, le défaut de surveillance parentale qui s'apparente parfois à un abandon moral, la mendicité et l'absence d'hygiène contribuent à élever les taux de morbidité et de mortalité chez les plus pauvres. A Pikine, la mortalité des enfants de moins de cinq ans, peut être 2,5 fois plus élevée selon le type d'habitat. Par ailleurs, la mortalité des enfants nés dans l'agglomération de Dakar est deux fois plus faible que celle des enfants arrivés après leur naissance. Cette tranche d'âge présente une grande sensibilité aux contraintes de l'environnement physique et social immédiat, et dans le dernier cas, ceux qui sont nés en ville présentent un rapport avec la ville plus stable que les autres. Les facteurs sous-jacents de la prévalence des maladies transmissibles sont bien sûr la pauvreté, l'insalubrité de l'environnement, l'absence d'eau potable et d'assainissement mais aussi l'ignorance. Existe-t-il un exemple plus convaincant que celui de l'éducation ? Lorsque l'on examine quels sont les facteurs associés à de plus ou moins bons indicateurs de santé, comme l'espérance de vie ou la mortalité infantile, on trouve en premier, le niveau de revenus, c'est-à-dire le couple richesse-pauvreté, en second le niveau d'éducation. Il s'y ajoute qu'il y a une acceptation plus ou moins grande de l'univers médical en fonction du niveau de scolarisation. Pour ce qui est des facteurs tenant au système de soins, ce dernier sera confronté en ce début du XXIe siècle à un défi majeur, celui de veiller à ce que tous les citoyens aient également accès aux soins de santé. La santé est un fait social qui doit relever de la responsabilité de la société et du pouvoir politique autant que du choix des individus. Ainsi même dans une économie libérale, on doit s'assurer que les soins sont accessibles à ceux qui n'ont pas les moyens de payer. Au Sénégal, il est heureux de constater un accroissement des dépenses publiques totales consacrées à la santé, quand on sait que les programmes d'ajustement imposés par les institutions internationales de financement, s'accompagnent souvent d'une réduction des dépenses sociales. Malgré des avancées significatives en termes de couverture sanitaire lors de cette dernière décennie (1 hôpital pour 500 000 habitants,1 centre de santé pour 150 000 et 1poste de santé pour 11 000) l'offre de soins et de services est encore insuffisante avec une grande disparité quant aux moyens humains et matériels et quant à la qualité de leur fonctionnement. Il s'y ajoute que la confrontation des cartes de risques potentiels aux cartes d'offres et d'activité du système de soins n'est pas validée par des indicateurs de santé de la population.

L'économie libérale obéit à une logique qui lui est propre qui se manifeste à travers les mécanismes de fixation des prix. Les stratégies des acteurs sociaux notamment dans le domaine sanitaire ne peuvent pas toujours s'adapter à ces contraintes. La fonction essentielle des pouvoirs publics qui consiste à garantir l'équité perd de son importance car l'état délègue certaines de ses responsabilités au niveau local où les mécanismes de sauvegarde de l'équité peuvent faire défaut. Un système de santé comme le nôtre dans lequel chacun doit payer directement une part substantielle du coût des services de santé au moment où il vient se faire soigner en limite manifestement l'accès aux seules personnes qui ont les moyens de les payer. En outre, la consommation de médicaments dans notre pays qui est élevée en valeur relative est financée par les consommateurs au moyen de paiements directs. En dehors de la situation d'indigence qui place l'individu toute l'année dans une grande situation de précarité, il existe des formes d'exclusions saisonnières auxquelles est confrontée la majorité de la population, tenant au fait que les patients ne disposent pas de ressources à certaines périodes de l'année (périodes de soudures). L'extrême insécurité climatique vient aggraver les déséquilibres du système agricole, accuser les disparités sociales et créer des situations irréversibles qui condamnent un nombre de plus en plus grand de ruraux à quitter leur village. Il existe des formes d'exclusion partielle avec des patients qui ne peuvent pas payer la totalité de leurs frais de santé. Il existe en outre des inégalités tenant au genre et à l'âge. Une source d'inégalité importante tient aussi à la complexité du système de santé et à la diversité des configurations locales, ce qui nécessite la mise à disposition des habitants et plus particulièrement des non scolarisés en français, une information accessible et actualisée sur les services et leurs procédures d'accès. L'accueil reçu dans les centres de soin peut exercer un effet répulsif sur les plus pauvres qui sont aussi les moins à l'aise face à l'institution. Ainsi, du fait des nombreux obstacles auxquels les individus sont souvent confrontés avant de se faire soigner, les stratégies de réponse à la maladie au sein des communautés mettent en jeu dans bien des cas l'ensemble des recours disponibles dans l'environnement des familles. Ce qui peut être source d'inégalités puisque le circuit thérapeutique emprunté peut retarder le traitement. Les structures de soins officielles ne sont sollicitées qu'en cas de gravité avérée ou perçue de la maladie.

Il ne s'agit là que de critères de description externes ne permettant pas de préjuger de la façon dont les groupes domestiques gèrent effectivement leur environnement immédiat. Il faut d'emblée savoir que quelque important qu'il soit, l'obstacle financier n'est pas pourtant le seul en cause dans les difficultés que rencontrent les catégories défavorisées pour se soigner. Lorsqu'on change d'échelle d'analyse et qu'on passe à celle des unités domestiques, on doit prendre en compte les modèles conceptuels qui sous tendent les pensées médicales des populations sénégalaises, car ceux-ci représentent l'arrière plan plus stable en fonction duquel se conçoivent et s'élaborent les stratégies adaptatives des individus. Il est évident qu'il existe des écarts marqués d'ordre matériel et économique, avec des contraintes globales qui ne s'exercent pas sur tous de façon identique et en dépit de l'Initiative de Bamako, un niveau de vie élevé semble être un facteur d'amélioration de l'environnement sanitaire de la population. On constate ainsi un meilleur état de santé, au fur et à mesure qu'on s'élève dans l'échelle des statuts économiques. Malgré tout, les contraintes de l'environnement doivent être appréciées en tenant compte des pratiques à travers lesquelles elles s'exercent.

Les pratiques en matière de santé, qui sont la manifestation de stratégies complexes et dynamiques où se combinent logiques économiques et sociales, ne peuvent pas être comprises en s'arrêtant au seul niveau des comportements d'individus, mais doivent être replacées au sein du cadre communautaire dans lequel elles prennent tout leur sens. En effet on constate que les avantages dont bénéficient les catégories les plus aisées ne trouvent pas toujours un écho dans leur état de santé. On doit s'interroger sur ce que l'apparente évidence d'un déterminisme des conditions économiques peut avoir de relatif dans le contexte social et culturel du Sénégal, en effet, des ressources monétaires peuvent être affectées à tout autre chose qu'à l'amélioration de la santé (cérémonies familiales et dépenses de prestige). D'un point de vue social et culturel, deux points importants méritent d'être soulignés, même si l'expansion colonialiste de la médecine occidentale a modifié l'utilisation des représentations collectives sur la maladie dans notre pays tant sur le plan du symbolisme que de la pratique avec un pluralisme médical qui s'est vu ainsi bipolarisé entre un ordre médical figuré par le champ hospitalier et un ordre traditionnel dénommé comme tel par rapport historique au premier. Le premier est la permanence et la multiplicité des cadres anciens de représentation de la maladie malgré le fait urbain, ce qui peut être à l'origine d'inégalités. Le second est relatif au caractère solidaire que revêt la gestion de la santé. La proximité spatiale rend possible la mise en place de réseaux de solidarité qui viennent assouplir les écarts qu'une vision ethnocentriste des faits tendrait à figer. Le capital social que l'on peut mobiliser peut être aussi important que le capital économique que l'on possède.

Par : Professeur Oumar FAYE

Lire l'article original : http://www.walf.sn/contributions/suite.php?rub=8&id_art=1024


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