Dossier réalisé par Véronique JAMPY et Mariama BADJI
Chaque année, au moins 300 millions de cas aigus de paludisme sont
enregistrés dans le monde dont plus d’un million de décès. Lorsque
le paludisme fut éliminé des zones tempérées, il y avait tout lieu
d’espérer que par la pulvérisation de produits chimiques, on parviendrait
à endiguer la maladie dans les pays tropicaux et en Afrique. Mais
la résistance croissante aux insecticides et les conséquences de
cette méthode sur l’environnement ont progressivement ruiné les
espoirs de vaincre rapidement le paludisme. La maladie est donc
toujours présente et fait des ravages particulièrement en Afrique.
Le paludisme est la première cause de décès au Sénégal, et est
à l’origine du taux de mortalité et de morbidité le plus élevé.
Depuis 1995, le ministère de la Santé a mis en place un Programme
national de lutte contre le paludisme. Il s’agit d’une stratégie
qui aborde la question sous tous ses angles pour lutter contre la
maladie.
"Ce sont les femmes enceintes et les enfants qui sont le plus touchés
par le paludisme", explique le Dr Diack.
Lorsque l’on sait que 20 % des cas de paludisme se présentent sous
des formes graves, pouvant entraîner la mort, il y a de quoi s’inquiéter.
Surtout que beaucoup de cas sont traités à domicile, et ne sont
pas enregistrés. Pourtant "le paludisme représente quand même 35
% des consultations médicales", selon le coordonnateur du programme
national de lutte contre le paludisme.
"Notre programme tente de trouver des solutions pour réduire ces
chiffres alarmants et faire en sorte que la maladie n’évolue plus",
explique le Dr Diack. Plusieurs moyens permettent de freiner la
propagation de la maladie. "Il faut dans un premier temps que les
gens malades suivent un traitement approprié". Le programme de lutte
contre le paludisme prend en compte cet aspect.
À l’heure actuelle, le médicament utilisé est la chloroquine. "C’est
un médicament efficace, mais, dans certaines zones, le paludisme
y est devenu résistant. Nous sommes en train de régler ce problème
de la non-efficacité des médicaments", souligne le même spécialiste
de la maladie. L’utilisation de la moustiquaire, notamment de la
moustiquaire imprégnée, permet aussi de lutter contre le paludisme
à titre préventif. "D’autres mesures d’hygiène peuvent éviter une
trop forte propagation de la maladie", ajoute-t-il. Il est en effet
recommandé d’éliminer au maximum les eaux stagnantes, qui sont de
véritables nids à moustiques. Le programme préconise aussi la méthode
de chimio–prévention pour les femmes enceintes, une méthode qui
consiste à prendre des médicaments contre le paludisme avant même
d’être malade.
"Une prise en charge précoce des cas de paludisme permettrait
de faire diminuer sensiblement le taux de mortalité lié au paludisme",
indique Dr Diack.
Parallèlement, le Programme national de lutte contre le paludisme
développe un volet Recherche qui consiste surtout à contrôler l’efficacité
des médicaments. L’approvisionnement des médicaments est aussi du
ressort du programme mis en oeuvre. " Mais nous cherchons à développer
l’implication des communautés pour une lutte plus homogène sur tout
le territoire ", souligne le coordonnateur du programme. Pourtant
le paludisme ne touche pas toutes les régions du Sénégal de la même
manière. Cette maladie qui sévit particulièrement pendant l’hivernage,
atteint plus particulièrement le nord du pays.
C’est parce que "le système d’irrigation de la partie Nord favorise
la stagnation de l’eau et la présence de moustiques. On remarque
que c’est la zone le plus touchée par la maladie", selon lui. La
région connaît souvent des pics de la maladie pendant l’hivernage,
et vers les mois de février et mars.
Environ une quinzaine de personnes travaillent à la mise en place
de ce programme, en collaboration avec de nombreux partenaires tels
que l’Oms, l’Usaid, l’Unicef. D’autres partenaires comme la Sonatel
soutiennent le programme financièrement.
"On peut dire qu’au Sénégal la lutte contre le paludisme est financée
au tiers par ces partenaires, au tiers par l’Etat, et le dernier
tiers est à la charge des communautés de santé tels que les districts
qui sont directement impliqués dans la lutte contre le paludisme
depuis la mise en œuvre du programme national de lutte contre le
paludisme " explique, a-t-il conclu.
Paludisme, " ce mal des marais "…
"Le paludisme est une maladie parasitaire potentiellement mortelle
transmise par des moustiques". C’est ainsi que les Nations Unies
définissent la maladie. On pensait à l’origine qu’elle provenait
des zones marécageuses, d’où le nom de paludisme dérivé du mot ancien
palud, marais.
En 1880, les spécialistes ont découvert la véritable cause du paludisme
qu’est le parasite unicellulaire appelé plasmodium. Plus tard, on
a su que ce parasite était transmis d’une personne à une autre par
la piqûre de la femelle du moustique, l’anophèle, qui a besoin de
sang pour nourrir ses œufs.
"Actuellement, environ 40 % de la population mondiale sont exposés
au paludisme", peut-on lire dans une plaquette des Nations Unies.
La maladie était jadis plus étendue mais elle a été éliminée dans
de nombreux pays tempérés au milieu du XXème siècle. Le paludisme
touche donc aujourd’hui surtout les zones tropicales et subtropicales.
Le parasite du paludisme pénètre dans l’organisme humain lorsque
l’anophèle contaminée prend sa ration de sang. Le parasite subit
alors une série de transformations au cours de son cycle de vie
complexe. "Grâce à ces changements, les plasmodes échappent au système
immunitaire, contaminent le foie et les globules rouges, et prennent
finalement une forme capable d’infecter à nouveau un moustique lorsqu’un
pique une personne contaminée", expliquent les spécialistes des
Nations unies.
Les symptômes du paludisme apparaissent de 9 à 14 jours environ
après la piqûre du moustique infecté. En général, le paludisme s’accompagne
de fièvre, céphalées, vomissements et autres symptômes de type grippal.
"En l’absence de médicaments disponibles, l’infection peut évoluer
rapidement et devenir potentiellement mortelle", lit-on dans la
plaquette des Nations unies. Le paludisme peut en effet tuer en
contaminant et détruisant les globules rouges (anémie) et en obstruant
les capillaires qui véhiculent le sang jusqu’au cerveau (paludisme
cérébral) et d’autres organes vitaux. Les parasites du paludisme
sont devenus résistants aux médicaments les uns après les autres
et à de nombreux insecticides.
COÛT DU PALUDISME
12 milliards de pertes pour l’Afrique
Le paludisme affecte non seulement la santé mais aussi la richesse
des pays et des personnes en Afrique. En effet, la croissance économique
annuelle dans les pays de forte transmission palustre a toujours
été inférieure à celle des pays sans paludisme.
Les économistes attribuent au paludisme un déficit de croissance
annuel pouvant atteindre 1,3 % dans certains pays d’Afrique Sudsaharienne.
Au fil des années, l’écart se creuse entre le Produit intérieur
brut (Pib) des pays, selon qu’ils sont touchés ou non par le paludisme.
Lorsque c’est le cas, c’est la croissance économique de toute la
région qui est pénalisée.
Le paludisme a donc un important coût direct et indirect mesurable.
Son coût direct recouvre les dépenses individuelles et publiques.
Les premières incluent les moustiquaires imprégnées, les honoraires
médicaux, les anti-paludiques, les transports jusqu’aux services
de santé, et le soutien apporté au malade par un membre de la famille
qui l’accompagne parfois pendant son hospitalisation.
Les dépenses publiques concernent l’entretien des infrastructures
sanitaires, la lutte anti-vectorielle, l’éducation et la recherche
relevant du secteur public. Par ailleurs, dans certains pays fortement
affectés, les dépenses peuvent représenter jusqu’à 40 % en santé
publique, 30 à 50 % des admissions hospitalières et jusqu’à 50 %
des consultations externes.
Le paludisme fait perdre chaque année 12 milliards de dollars de
Produit intérieur brut (Pib) à l’Afrique, alors qu’une petite partie
de cette somme suffirait à le maîtriser.
L’effet du paludisme sur les ressources en Afrique ne se limite
pas à une simple perte de revenus. Un coût indirect découle de la
perte de productivité et de valeur du travail non rémunéré accompli
à domicile par les hommes et les femmes. Ce coût indirect qui est
une véritable entrave au développement social est difficile à chiffrer
en dollars et il est impossible de l’évaluer en termes de souffrances
humaines.
"Il serait temps que les entreprises locales et internationales
qui opèrent dans les zones impaludées constatent qu’en soutenant
la lutte antipaludique, elles réduisent les niveaux d’absentéisme
et la baisse de productivité. La hausse de la productivité encouragera
l’expansion du marché, stimulera les dépenses des ménages et modifiera
les schémas de consommation", peut-on lire dans un document des
Nations Unies.
LE DEFI D’ICI 2010
Réduire de moitié la mortalité liée au paludisme
Le ministre de la Santé nigérian a, un jour, déclaré que "le paludisme
avait pris ses quartiers". L’Organisation mondiale pour la Santé
(Oms) et l’Unicef ont décidé d’agir pour inverser le cours des choses.
Les deux organismes ont lancé en 1998 l’initiative " Faire reculer
le paludisme ", qui a rallié un ensemble de compétences, d’infrastructures
et de moyens financiers. "Ensemble les partenaires de l’initiative
ont élaboré les stratégies de base et commencé à s’assurer un appui
financier et politique", expliquent les initiateurs. Les dirigeants
de 44 pays Africains réunis à Abuja (Nigeria) en avril 2000 avaient
décidé de réduire de moitié la mortalité liée au paludisme d’ici
2010. L’Oms a fait sien cet objectif. Entre autres objectifs, il
avait été, décidé :
"De protéger de façon optimale par des moustiquaires imprégnées
d’insecticide au moins 60 % des personnes à risque (femmes enceintes
et enfants).
Qu’au moins 60 % des paludéens puissent recevoir un traitement efficace
et financièrement abordable dans un délai de 24 heures.
De faire bénéficier au moins 60 % des femmes enceintes de traitement
préventif.
Et enfin de détecter au moins 60 % des épidémies palustres dans
les deux semaines qui suivent leur survenue".
Les signataires de la Déclaration étaient conscients qu’ "il n’y
a pas de solution miracle au problème du paludisme et qu’il faut
mettre en place tout un arsenal d’armes pour arriver à ces objectifs
".
Le sommet d’Abuja a contribué à faire de la lutte anti–paludique
une priorité nationale et internationale. Au total, les fonds consacrés
à la prévention et à la lutte sont passés de 60 millions de dollars
en 1998 à quelque 200 millions de dollars en 2002.
D’après le rapport, des obstacles subsistent. La proportion d’enfants
de moins de cinq ans protégés par une moustiquaire de type quelconque
reste faible (15 %) dans les 28 pays pour lesquels il existe des
données, malgré les progrès réalisés. Pour les moustiquaires imprégnées,
le pourcentage est inférieur à 5.
Le rapport sur le paludisme en Afrique, souligne enfin que "des
investissements bien plus importants sont nécessaires pour aider
ceux qui luttent contre le paludisme sur le terrain".
POLYTHERAPIE
La preuve, par l’efficacité ?
Le nombre de décès d’enfants dus au paludisme ne cesse d’augmenter,
en Afrique. La situation est imputable à l’absence de médicaments
ou à la mauvaise qualité de ceux qui existent.
"Des études révèlent en effet qu’en raison des taux élevés de pharmacorésistance,
près de la moitié des sommes investies dans les antipaludiques servent
à financer des traitements inadaptés", déclarent les Nations unies.
Pourtant l’accès à un traitement antipaludique efficace à proximité
du domicile permettrait de réduire sensiblement la mortalité infantile
et la fréquence de la maladie sous une forme grave. D’où la nécessité
de traitement de qualité.
"Les antipaludiques en monothérapie (traitement fondé sur un seul
médicament) perdent rapidement leur efficacité. A certains endroits,
le paludisme est résistant à toutes les thérapies de première intention
qui sont financièrement accessibles" peut-on lire dans un document
d’information des Nations Unies. Par conséquent, il importe de suivre
l’ampleur et la propagation de la pharmacorésistance (résistance
aux médicaments) pour parvenir à la juguler. Ceci se fera par une
localisation des zones de pharmacorésistance et, le cas échéant,
des recommandations et fourniture de médicaments de substitution.
L’expérience pratique a montré que les associations de médicaments
contenant des dérivés de l’artémisinine sont de la plus grande efficacité
thérapeutique.
Cependant, ces nouveaux traitements préconisés ne sont pas à la
portée des pays d’Afrique, où plus de trois quarts des cas de paludisme
sont d’abord soignés à domicile avec des antipaludiques achetés
dans la petite boutique locale ou à des marchands itinérants. Il
est donc urgent de solliciter un soutien international pour financer
et fixer les prix des polythérapies à base d’artémisinine. Parallèlement,
il faudrait déployer de nouveaux efforts pour mettre au point de
nouveaux antipaludiques à un prix abordable.
Dossier réalisé par Véronique JAMPY et Mariama BADJI
Lire l'article original : http://www.sudonline.sn/archives/25042003.htm
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