S'il y a une ville du Sénégal où les cabinets fleurissent, c'est
bien celle de Louga dont l'hôpital est en train de se moderniser.
Mais ce n'est pas suffisant pour que la capitale du Ndiambour n'éprouve
plus le besoin de regarder du côté de Saint-Louis ou de Dakar pour
soigner ses malades. Il reste juste à voir sortir de terre les projets
de cliniques privées qui sont en cours, avec la complicité des émigrés.
L'hôpital Amadou Sakhir Mbaye qui a fêté son 20e anniversaire le
3 avril dernier, se veut désormais plus proche de la population
avec la disparition des traditionnels comités de santé pour la gestion
et leur remplacement par une agence comptable qui gère les recettes
et exécute les dépenses. Ce don de feu El Hadj Djili Mbaye est devenu,
avec la réforme de 1998, un établissement public de santé par la
volonté de l'Etat qui l'avait d'abord confié au conseil régional.
De ce fait, du statut d'infrastructure sous administration décentralisée,
il est passé à celui d'une institution dirigée par un conseil d'administration
avec deux organes consultatifs que sont la commission médicale d'établissement
et le comité technique. Mais son directeur, le docteur Mamadou Ndiaye,
a d'autres ambitions pour rendre sa structure plus performante tant
du point de vue de la qualité des soins, que dans l'exécution heureuse
du budget voté qui, au 1er mars 2003, a été arrêté à 2,4 milliards.
Par exemple, s'il existe des services d'hospitalisation avec des
secteurs de médecine générale, de chirurgie, de pédiatrie et de
maternité, d'autres spécialités comme la stomatologie et l'ophtalmologie,
un laboratoire d'analyse, une banque de sang et une radiographie,
le Dr Ndiaye souhaiterait disposer d'un service psychiatrique et
d'un personnel un peu plus étoffé, dans la mesure où il y a encore
des médecins qui font de la vacation.
Mais, l'un dans l'autre, les populations se félicitent beaucoup
de l'état actuel de la structure, tout comme elles le font à l'endroit
des cabinets médicaux. Ces cabinets se multiplient et viennent en
appoint aux efforts de l'hôpital Amadou Sakhir Mbaye, en attendant
l'ouverture tant souhaitée de la première clinique médicale.
S'agissant des cabinets, le premier à voir le jour à Louga est
celui de l'infirmier d'Etat à la retraite Daouda Ndiaye. Sis près
du marché central, le cabinet médical Mame Daouda Mbaye a vu le
jour en 1989. Son initiateur, né à Louga en 1934, a fait ses études
à l'Ecole des agents techniques de Saint-Louis, puis à l'Ecole des
infirmiers et infirmières d'Etat de Dakar, avant de s'établir à
Louga. Entre-temps, il a servi un peu partout au Sénégal et il en
sera remercié grâce à sa compétence et à un carnet d'adresses fourni.
Ainsi le Dr Pape Camara, détaché à Louga à l'époque, voulait bien
l'emporter dans ses bagages à la fin de son séjour, et le président
Abdou Diouf lui aura été utile un jour quand il a voulu une affectation
à la circonscription médicale.
Fort modeste cependant, Daouda Ndiaye, parlant de sa structure,
parle plutôt de dispensaire privé (il a rang d'infirmier d'Etat)
à la place d'un cabinet médical qui doit être tenu par un médecin,
même si les sollicitations et les recommandations viennent d'un
peu partout, galvanisées par l'expérience de l'homme. Cette popularité,
il la paye cher d'ailleurs, parce que ses clients se font moins
nombreux, tandis que les charges augmentent.
L'explication ? Louga étant une petite ville, tous les malades
se réclament de son amitié, de liens de parenté avérés ou inventés
pour être traité à l'œil ou à vil prix, même si les tarifs appliqués
sont à la portée de bien de bourses. Et comme l'infirmier, homme
de principe, n'aime guère négocier à la sénégalaise, cela se ressent
sur les recettes.
Un peu en amont du cabinet Mame Daouda Mbaye, le cabinet Daba.
Abrité par un immeuble fonctionnel en plein centre-ville, mais desservi
géographiquement par une rue non passante et anonyme, la structure
a vu le jour en 1991. Tenu par le Dr Sène qui devait décéder en
1998, le cabinet Daba a été repris, quelques mois après, par le
Dr Faye qui venait juste de terminer ses études. Quand nous sommes
allés le voir mercredi dernier, à la question de savoir comment
se porte l'établissement depuis, voilà sa réponse : "Constatez-le
vous-même. Depuis ce matin (Ndlr : il faisait 13 h), je n'ai compté
que deux malades. Certes, on peut parler conjoncture avec le magal,
mais ce n'est pas suffisant comme réponse. Tenez, regardez le tableau
de bord. Du 1er au 14 avril, je n'ai compté que 16 patients, dont
certains sont revenus parce que je leur avais donné un rendez-vous
pour le suivi.
Les raisons ? Elles sont multiples. Le site qui ne milite guère
en ma faveur, le manque de culture et la confusion qui règne dans
l'esprit de certaines couches de la population semi-urbaines ou
semi-rurales, l'habitude de confondre agents sanitaires et médecins."
Alors, pourquoi ne pas fermer boutique ? Parce que le Dr Faye est
le médecin attitré des services de la Sde et de la Senelec, et ne
désespère pas de trouver un endroit plus opportun d'abriter ses
activités, comme son collègue, le Dr Sène, établi à Santhiaba Nord.
Ce dernier, avec un bel espace dans un immeuble dont il occupe presque
tout l'étage, ne devrait pas être à plaindre, question environnement.
Mais pour savoir si les affaires marchent, il faudra sans doute
repasser car, au moment de notre visite, il accusait une méchante
grippe qui l'avait cloué au lit. Toutefois, ses voisins louent sa
compétence et sa générosité.
Enfin, le cabinet du Dr Modou Awa Balla Lô du quartier de l'Artillerie,
presque à la lisière du nouveau quartier Darou Salam récemment créé,
occupe une position géographique intéressante et affiche déjà un
passé connu pour être le deuxième implanté dans la commune. Ce n'est
pas tout, cependant. Car si d'autres médecins cherchent encore à
ouvrir des cabinets dans une ville à la démographie galopante qui
accuse bientôt 100 000 âmes, des projets de cliniques privées sont
en cours, avec la complicité des émigrés, pour qu'enfin Louga ne
regarde plus du côté de Saint-Louis ou de Dakar pour soigner ses
malades.
Cheikh BA
Lire l'article original : http://www.sudonline.sn/archives/25042003.htm
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