La santé de la future maman au Cameroun reste un problème de société,
car la femme enceinte n'a pas toujours accès aux informations utiles
liées à son état.
La santé de la future maman au Cameroun reste un problème de société,
car la femme enceinte n'a pas toujours accès aux informations utiles
liées à son état. Dans bien des cas, lorsqu'elle fait des visites
prénatales dans un centre de santé, la femme enceinte est une victime,
l'objet des idées reçues, des pesanteurs liées à l'incompréhension
des hommes et de sa propre ignorance. Cet état de choses conduit
à certaines situations ahurissantes comme le taux de mortalité des
femmes lors des accouchements, qui se chiffre d'après l'Organisation
mondiale de la santé à 430 pour 100 000 mères. Selon le comité national
de lutte contre le Sida (Cnls)depuis l'apparition du Vih/Sida, au
Cameroun 12 % de femmes vivent avec le Vih/Sida, alors qu'à travers
le monde, 58 % de personnes atteintes de ce mal sont des femmes.
L'accès à l'eau potable fait également partie des problèmes épineux
auquel la femme enceinte doit faire face dans les pays sous-développés.
A ce propos, le Réseau mondial des femmes pour les droits de la
reproduction soutient que 30 % seulement des ménages camerounais
sont à moins 15 minutes d'un point d'eau. Alors que sur le plan
de la reproduction, seules 19 % de femmes sexuellement actives pratiquent
la contraception.
1 - Accès
Péniblement, Rose Etoundi, 35 ans et mère de 6 enfants, remonte
la colline qui mène à l'Hôpital général de Yaoundé. Elle marque
une pause pour souffler et regarder le chemin déjà parcouru à pied
entre les quartiers Messassi et Ngousso. Passant une main sur son
ventre rebondi, elle accélère le pas, car la sage femme qui anime
les séances éducatives, de la semaine est réputée sévère. Depuis
quelque temps déjà l'hôpital a instauré des cours d'éducation sanitaire
pour les femmes enceintes afin qu'elles puissent bien vivre l'attente
de leur futur enfant et éviter au maximum d'avoir des comportements
qui puissent mettre la vie du fœtus en danger. L'accès des femmes
aux soins de santé est un réel problème crucial dans la société
camerounaise, c'est pour cultiver un "comportement responsable"
auprès des mères que certaines institutions ont mis en place ces
échanges nourris entre les femmes et des infirmières. "Certaines
femmes ne savent pas que les pilules qu'elles prennent sont des
produits toxiques qui, à long terme, donnent le cancer du sein ou
du col de l'utérus. Elles ne lisent pas le plus souvent la notice
et quand elles sont interpellées, elles vous disent que c'est un
médicament qu'elles ont l'habitude de prendre ou que cela n'a pas
mis la vie de leurs voisines en péril pourquoi ce serait leurs cas.
L'information sur la santé des femmes est carrément tabou", explique
Mme Mengue, pharmacienne.
Pour assister aux séances éducatives du côté de la Fondation Chantal
Biya, il faut débourser d'abord 2000 francs pour le billet de session
qui a une validité de trente jours, puis 2500 francs pour le carnet
de visite prénatale. C'est la raison pour laquelle beaucoup de femmes
n'assistent pas aux séances d'éducation. Toutefois, certaines, bien
que démunies, ont compris la nécessité d'avoir une période de gestation
saine et contrôlée, parfois contre l'avis de leur époux. Amina Gouram
et Samira Achouachk sont des ménagères vivant au quartier Mokolo
Elobi à Yaoundé. Elles ont leur panier de marché entre les pieds
que couvrent à peine leurs pagnes aux couleurs chatoyants. "Nous
sommes obligées de nous échapper lorsque nos époux sont à l'abattoir
sous prétextes que nous venons faire le marché, pour assister aux
séances. Comme dans notre culture, une femme ne sort pas sans être
accompagnée, il devient très pénible pour nous d'avoir des conseils
pratiques sur comment nous comporter pour éviter des complications
à l'accouchement. Nous ne voulons plus être à la traîne en ce qui
concerne notre santé", explique avec détermination, Amina Gouram,
visiblement la plus dégourdie des deux femmes.
2- Déroulement
A 9h à la Fondation Chantal Biya, Hélène Atangana infirmière, débute
l'entretien avec les femmes. Pour ce faire, elle donne la parole,
à tour de rôle, aux femmes assises en demi-cercle autour d'elle,
dans une salle aménagée pour la circonstance. Il suffit de prendre
part à une séance pour se rendre compte du nombre d'interrogations
qui peuvent tenailler les femmes enceintes : "Ma mère m'a conseillé
d'avoir continuellement des rapports sexuels avec mon mari lorsque
je suis enceinte. Pour que la voie soit toujours ouverte et que
je ne souffre lors de l'accouchement(…)". "Est-ce vrai que l'on
doit seulement laver l'extérieur du vagin sans le pénétrer car on
risque d'avorter en le lavant trop?(…)" ; Quel est la matière appropriée
pour nos slips ?(…)" ; "Est-ce normal de faire une purge avec du
vin de palme lorsqu'on a mal au bas ventre ?(…)" ; "Comment amener
son époux à suivre le même traitement prescrit par le médecin?".
Voilà un échantillon des questions que posent les femmes à leur
interlocutrice...
Hélène Atangana : "Il faut se laver les mains avec du savon et de
l'eau propre pour faire sa toilette. Il faut faire les mouvements
dans un seul sens et faire bien pénétrer le doigt à l'intérieur
du vagin. Les histoires du quartier et du village ne doivent pas
vous diriger. Vous pouvez faire l'amour trois fois par semaine avec
votre époux au début de votre grossesse, mais dès le sixième mois,
il convient de les espacer pour les arrêter après. Le coton blanc
est la matière indiquée pour vos slips". Elle prend une pause pendant
laquelle on peut entendre voler les mouches, les yeux des futures-mamans,
étant suspendus aux lèvres de l'infirmière. "C'est pour pouvoir
contrôler quelle est la couleur de vos sécrétions, si vous saignez
vous devez vous rendre rapidement à l'hôpital. Par contre avec le
plastique d'autres couleurs vous ne pourrez pas savoir que vous
avez un problème".
La séance est dénommée information, écoute et communication (Iec).
Pour ces femmes venues des quartiers Etoug-Ebé, Biyem-assi, Nkolbisson,
Messassi, l'accès aux soins de santé n'est pas chose aisée. Pour
Marthe Bella, résidant à Mvog-Mbi : "Nous n'avons pas un centre
de santé proche de la maison. Je suis obligée de me déplacer pour
Ngousso où les séances sont très riches. Mais cela demande de l'argent
et parfois, je suis absente parce que je n'ai pas eu les 400 francs
de taxi nécessaires, où que je n'ai pas eu la force de marcher jusque
là-bas". C'est sans doute autant de problèmes révoltants qui ont
amené le réseau mondial de femmes pour les droits de la reproduction(Rmfdr)
a lancer une campagne le 28 mai 2003 pour célébrer la journée internationale
d'action pour la santé de femme. Elle avait pour thème, Gouvernements
: Prenez vos responsabilités pour assurer la santé des femmes. Cette
campagne qui commence en 2003 s'étendra jusqu'en 2005.
Marion OBAM
Lire l'article original : http://www.quotidienmutations.net/cgi-bin/alpha/j/25/2.cgi?category=2&id=1055330158
|