Le "Stocrin" ou "Efavirenz", l'une des molécules les plus prescrites
dans les protocoles de traitement du vih/sida en Côte d'Ivoire,
manque sur la place depuis la mi-mai. L' "Epivir" ou " 3TC " ou
encore "Lamivudine," lui, a d'abord commencé à s'épuiser pour certains
dosages bien avant la mi-mai, avant de disparaître complètement
des centres accrédités aujourd'hui. La rupture de ces deux anti-rétroviraux
a mis en état d'alerte les personnes vivant avec le vih, qui, à
travers le Réseau ivoirien des personnes vivant avec le VIH (RIP+),
projettent d'organiser une grande manifestation de protestation
très prochainement devant les locaux de la Pharmacie de la Santé
Publique ( PSP). Une structure qui est mise en cause dans la survenue
de cette pénurie et des précédentes.
En effet, dès les premières heures de la rupture, le RIP+ a entrepris
des démarches pour en comprendre les raisons.
Ainsi, le RIP+, selon M. Cyriaque Ako, responsable de la commission
plaidoyer et accès au traitement au sein dudit réseau, a rencontré
en premier lieu les responsables des laboratoires MSD, fabricants
de la molécule "Stocrin". De cette rencontre, le RIP+ retient que,
la société MSD n'a pas fourni la PSP, seule structure habilitée
en Côte d'Ivoire à distribuer des anti-rétroviraux, parce qu'elle
lui est redevable de plusieurs millions de francs CFA depuis le
mois de mars de cette année. A son tour, la PSP approchée, toujours
par le RIP+, dénonce, elle, les longues procédures administratives
pour le décaissement au niveau du Trésor.
Mises devant ces réalités, les personnes vivant avec le vih se
sont tournées vers le ministère de tutelle de la PSP qui, vendredi
dernier leur aurait promis que le problème sera résolu dans les
deux jours qui suivent. Et comme ce délai est arrivé à expiration
ce lundi, le RIP+ selon M. Ako, a cru bien faire d'approcher l'une
des personnes ressources du ministère de la Santé en matière de
médicaments du sida, le docteur Anthony Tano. Ce dernier, tout en
dégageant sa responsabilité et accusant de plus belle la PSP, aurait
dit, insiste le responsable de la commission plaidoyer et accès
au traitement du RIP+", de faire ce qu'on veut, parce qu'ils ne
sont pas responsables, mais plutôt la PSP ".
C'est fort de tous ces faits que le réseau ivoirien des personnes
vivant avec le vih bat en ce moment le rappel de ses troupes pour
une grande mobilisation dans les jours prochains devant la PSP.
" Ce n'est pas la première fois qu'il y a rupture des anti-rétroviraux.
Chaque fois, on trouve des parades pour calmer les gens. Si ça continue
on a peur pour l'avenir surtout qu'on a remarqué que le programme
du gouvernement semble se résumer au Fonds mondial qui arrive. Alors
que ce Fonds devait appuyer le programme du gouvernement. On veut
baser tout sur l'aide extérieure en ne mobilisant rien à l'intérieur…
" dénonce M. Ako.
Les personnes vivant avec le VIH qui sont sous traitement anti-rétroviraux
ont cru au début de la pénurie que c'était une affaire de jours.
Aussi, ceux qui avaient du Stocrin en réserve en ont prêté aux autres.
Pour ce qui est de l'Epivir qui existe en plusieurs dosages (100mg,
300 mg…), l'on a fait des combinaisons avant qu'il n'y ait plus
de trace du produit dans les centres accrédités. Aujourd'hui, bon
nombre de personnes vivant avec le vih, membres du RIP+ ont arrêté
tout traitement. " Vous imaginez les conséquences de ces arrêts
? Après on s'étonne que les gens meurent alors qu'ils sont sous
traitement ". Et le RIP+ de prévenir par la voix de Cyriaque: "
On a manifesté pour l'accès aux génériques, mais jusque-là, rien
n'a été fait, parce que des responsables continuent de faire blocage,
de jouer le jeu des laboratoires. Si les antirétroviraux existaient
en générique, on n'en serait pas là. Mais que tous sachent que nous
n'accepterons plus un seul mort dans nos rangs sans réagir. "
B. ZEGUELA
La libéralisation s'impose
La Pharmacie de la santé publique (PSP) est la seule structure
habilitée à s'approvisionner en anti-rétroviraux en Côte d'Ivoire.
Et cette structure du ministère de la Santé publique est souvent
en porte-à-faux avec le cahier des charges qui la lie à ses fournisseurs
des laboratoires pharmaceutiques pour des lourdeurs administratives.
En effet, il faut que les ordres de paiement émis par la PSP passent
au Trésor pour la BCEAO, avant que le fournisseur soit payé. Pendant
que le dossier est dans le circuit, le délai de 60 jours pour lequel
la PSP s'est engagée dans le cahier des charges est vite passé.
Et les fournisseurs attendent souvent 120 voire 190 jours avant
de rentrer en possession de leur dû.
A cela s'ajoutent chaque année (1er semestre), le vote et la mise
en place du budget de fonctionnement qui crée un flottement responsable
à la même période de rupture des stocks des antirétroviraux. Il
faut penser un mécanisme qui mette fin à ce qui semble devenir une
habitude. Il s'agira par exemple de rendre la PSP autonome en lui
permettant de faire directement ses ordres de paiement en direction
de ses fournisseurs. Toujours dans le but d'éviter des pénuries
d'antirétroviraux, pourquoi ne pas s'inspirer de l'expérience du
Togo par exemple en permettant qu'au moins une autre structure,
cette fois privée achète les antirétroviraux en plus de la structure
étatique? Au Togo, en effet, la CAMEG (Centrale d'achat des médicaments
génériques), une structure privée, est habilitée à acheter les antirétroviraux,
à l'instar du G.T Pharm., structure étatique comme la PSP. Au Burkina
Faso, c'est aussi la CAMEG (structure privée) mais avec la supervision
des comptables de l'Etat pour gérer les fonds. L'on pourrait rétorquer
que le volume de commande en antirétroviraux n'est pas aussi élevé
dans ce pays qu'en Côte d'Ivoire où il y a plus de personnes sous
traitement antirétroviraux. Mais c'est justement, compte tenu de
ce grand nombre de consommateurs, une autre structure d'achat devrait
être autorisée à vendre les antirétroviraux.
B. ZEGUELA
Lire l'article original : http://www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=20988
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