Les
produits eclaircissants envahissent les panneaux publicitaires :
L'offensive commerciale du "XESSAL" - Sud quotidien -
Sénégal - 19/12/01
A Dakar comme à l'entrée des grandes villes
sénégalaises, les produits dits éclaircissant sur les affiches publicitaires
mettant en exergue de belles filles au teint éclairci, commencent
à avoir pignon sur rue. Phénomène de mode, ou fascination pour la
femme à la peau claire, le "xessal" n'a jamais été aussi présent
dans le milieu des grandes dames de la société sénégalaise. La majeure
partie de ces produits qui bénéficient de la publicité ne sont guère
dangereux, de l'avis des spécialistes. Ce qui semble donner libre
cours au retour en force des produits éclaircissant sur les panneaux,
mais également dans les foyers.
Ces
produits ne sont pas par ailleurs, soumis à une réglementation au
niveau du bureau du visa de la direction de la pharmacie de Dakar,
la structure habilitée à délivrer des visas publicitaires et à veiller
sur la régularité technique des produits mis en vente sur le marché
sénégalais.
Pour attirer la clientèle, tous les moyens sont bons pour les producteurs
désireux d'écouler leurs marchandises sur le marché. Une nouvelle
stratégie commerciale est opérée par les hommes d'affaires spécialisés
dans la fabrication des produits dits éclaircissant de la peau:
intégrer le monde des affiches publicitaires. Ainsi, il est de plus
en plus fréquent de tomber à Dakar, sur un panneau publicitaire
qui vante les qualités de produits cosmétiques, voire éclaircissant.
Mais les promoteurs de ces produits ne manquent pas d'ajouter des
mentions comme "ne contient pas d'hydroquinine", "garantit la santé
de votre peau". D'autres passent souvent à la télévision. Or certains
laits de beauté qui "donneraient plus d'éclat à la peau," sont bel
et bien des produits éclaircissant de l'avis de certains .
"Seules les adeptes du Xessal l'utilisent," fait remarquer M Diagne,
un commerçant rencontré au marché Hlm5 de Dakar. Le lait de beauté
qui a pendant longtemps occupé les affiches publicitaires a cédé
la place à d'autres produits considérés comme éclaircissant . "C'est
le monde à l'envers. Ces produits bannis par toutes les religions
font l'objet d'éloges, à travers les médias qui ont un rôle d'éducateur
et de sensibilisateur. Ce qui est grave dans tout cela, c'est qu'avec
cette politique, leurs promoteurs participent à la destruction de
la société. Ils incitent les populations à acheter ces produits
nuisibles à leur santé. Certains, friands de nouveautés, vont les
acheter car ignorant les méfaits de l'usage de ces produits," fulmine
le vieux Sow, un fonctionnaire à la retraite. Pis, explique une
dame qui l'a appris à ses dépens: "Je pensais que c'est à cause
de leur qualité que ces produits bénéficiaient de la publicité mais
j'ai vite déchanté". Pourtant ces produits ne sont soumis à une
aucune législation si on se réfère aux indications données par des
membres du bureau du visa de la direction de la pharmacie de Dakar.
En
fait, le bureau du visa qui délivre des visas publicitaires aux
produits disponibles sur le marché, n'est pas habilité à contrôler
les produits dits éclaircissant. "Nous ne nous occupons que des
produits pharmaceutiques, des médicaments. Avant qu'un de ses produits
ne soit mis sur une affiche, il faut qu'il ait bénéficié au préalable
de notre autorisation. Mais, les produits éclaircissant n'ont pas
besoin d'autorisation de mise sur le marché". Par ailleurs, les
produits éclaircissant jugés dangereux pour la santé de la peau
par les dermatologues n'avaient jamais fait auparavant l'objet d'exhibition.
Ils se vendent, comptent sur une clientèle régulière, mais leurs
"bienfaits" sur le corps n'ont pas été loués par le biais de la
publicité.
La guerre des marques jusque dans le foyer La publicité a été longtemps
réservée aux nouvelles marques de voitures, de produits alimentaires,
de produits cosmétiques de qualité, aux agences de voyages et même
pour mettre en garde. A titre d'exemple, un spot publicitaire annonce
que "le tabac nuit à la santé". Seulement, selon Abdourahmane Ndiaye,
conseiller technique au ministère de la Famille et de la Petite
Enfance, l'Etat ne peut pas interdire cette publicité tant qu'il
n'est pas prouvé que les produits éclaircissant constituent un problème
de santé publique. "Sinon ce serait une ingérence des libertés individuelles.
L'Etat n'a pas le droit de s'immiscer dans la vie des citoyens.
D'ailleurs, il n' a jamais été prouvé que la pratique du "xessal"
entraîne le cancer". Et le conseiller du ministre de la Famille
et de la Petite Enfance de citer l'exemple du tabac qui est nuisible
à la santé, mais qui continue d'être consommé. Concernant les produits
éclaircissant, l'inexistence de laboratoires aptes à faire des contrôles
plaide pour beaucoup dans la persistance de ce phénomène.
Entre
autres stratégies, le ministère de la Famille et de la Petite Enfance
essaie de stimuler et d'exciter la fierté des femmes sénégalaises
victimes de préjugés. "La beauté est le premier attribut conféré
par la société à la femme . Celle ci ne lésine pas sur les moyens
pour se faire belle et répondre aux critères établis par la société.
Avec notre approche genre nous essayons de mettre les femmes dans
des domaines où elles étaient absentes afin de les valoriser davantage.
Car, estime-t-on du coté du ministère, pour que le combat contre
toutes ces pratiques soit gagné, il faut que les femmes soient conscientes
qu'elles ne sont pas des instruments et dans la même foulée qu'elles
soient fières de la beauté de leur teint naturel".
Les
consommateurs s'insurgent contre le" mensonge" Les consommateurs,
dont certains se disent sceptiques face à une certaine publicité
"mensongère", n'achètent plus aveuglément. "Avant d'utiliser un
produit, je me renseigne d'abord auprès des spécialistes" lance
Rama G. Pourtant, de l'avis des spécialistes de la santé "il est
indéniable que tout produit contenant le mot "claire" éclaircit,
mais seulement tous ces produits ne sont pas dangereux et ne contiennent
pas de l'hydroquinine.
C'est le cas avec les laits de beauté vendus dans les pharmacies.
A l'en croire, ils peuvent éclaircir la peau de certaines personnes
à cause des acides de fruits sur la base desquels ils ont été fabriqués,
mais toujours est il qu'ils ne vont guère porter préjudice aux utilisateurs,
et ne sont pas dangereux" rassure une pharmacienne.
Comme
les consommateurs, les dermatologues ont aussi tiré sur la sonnette
d'alarme afin de mettre en garde les populations sur les méfaits
de la dépigmentation ou "xessal" devenue un phénomène social au
Sénégal. Les produits éclaircissant contiennent en général des substances
toxiques telles que les corticoïdes, les dermacorticoides, l'hydroquinone
qui fragilisent la peau, selon les spécialistes, et conduisent à
des troubles pigmentaires ou à une hyper pigmentation. " L'usage
de dépigmentation peut entraîner à titre d'exemple, une baisse de
l'humidité de la peau" selon le dermatologue Mamadou Hanne.
De même, les adeptes du Xessal sont souvent victimes des "glucuses"
qui se manifestent rarement chez les individus sains. Il s'y ajoute
que certains tubes réduisent les éléments dermiques essentiels (fibres,
tissus) qui permettent à la peau de lutter contre les infections.
` La gale simple, les vergetures ou "reew" (rupture de certaines
fibres de la peau), le rétrécissement de la peau qui rend les veines
visibles sont entre autres des anomalies qui résultent de la pratique
du "Xessal".
Seulement,
il n'a été pas prouvé jusque-là, sur le plan scientifique que le
"Xessal entraîne le cancer", d'après Abderahmane Ndiaye du ministère
de la Famille et de la Petite Enfance. Tout produit dit éclaircissant
n'est pas dangereux Des produits dits éclaircissant à base de plantes
sont disponibles dans les pharmacies. Avec des effets dermatologiques
et prescrits par des médecins, ces produits peuvent avoir des effets
secondaires dans l'organisme, expliquent les spécialistes.
Selon ces derniers, "certains produits à base de plantes ont des
vertus thérapeutiques; mais toujours est-il qu'ils peuvent avoir
des effets secondaires ou indésirables, en éclaircissant par exemple
la peau d'une patiente. Ces produits qui ont un usage détourné sont
toutefois soumis à la réglementation des médicaments".
Toutefois, des spécialistes de la santé ajoutent que ces produits
comme certains qui sont présentement en berne sur les affiches publicitaires
nécessitent seulement une durée d'une semaine pour la cure. "Certaines
femmes procèdent au mélange de ces produits dermatologiques.
Rien d'étonnant donc qu'elles aient des problèmes par la suite".
Matel BOCOUM
Lire
l'article original : www.sudonline.sn/archives/19122001.htm
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