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L'Institut de Recherche pour le Développement (IRD)
et l'Institut Pasteur de Paris ont décidé de joindre leurs forces,
depuis quelque temps, dans la recherche sur le Sida, au côté de
l'Agence nationale de Recherche sur le SIDA (ANRS), à travers le
principalement le programme "SIDAK", lancé en 1994 à Dakar où se
trouve son site.
Cette alliance scientifique a été de nouveau concrétisée lors des
cinquièmes journées scientifiques entre chercheurs de ces trois
organismes français et Sénégalais qui viennent de se tenir à Dakar,
les 26 et 27 février derniers, et où l'on a noté la présence, dans
la capitale sénégalaise, du Pr. Jean François Girard, président
de l'IRD, du Pr. Alain Gouyette, directeur adjoint de l'institut
Pasteur, et du directeur de l'ANRS, le Pr. Michel Kazatchine.
Les deux équipes de chercheurs sénégalais et français parmi lesquels,
le Dr Ibra Ndoye, le Pr. Souleymane Mboup, le Pr. Papa Salif Sow,
le Pr. Eric Delaporte et le Dr Martine Peeters de l'IRD de Montpellier
(France), le Dr Emmanuel Lagarde de l'unité INSERM 88 (France) et
le Dr Roland Landman de l'hôpital Bichat de Paris, ont, avec les
"patrons" de l'ANRS, de l'IRD et de l'Institut Pasteur de Paris,
passé en revue tous les "dossiers" de recherche en cours.
Selon le Dr Ibra Ndoye, "le programme de recherche
est bien avancé et de nombreux et intéressants protocoles de recherche
en cours vont permettre aux cliniciens et chercheurs des laboratoires
de virologie de mieux affiner les thérapies données aux malades
du SIDA et, surtout, de maîtriser l'évolution des mutations du virus
à travers les populations".
Il a expliqué que ce programme de recherche "SIDAK a aussi permis
d'asseoir une bonne base de départ pour l'initiative sénégalaise
d'accès aux médicaments anti-rétroviraux, à un moment où beaucoup
de scientifiques à travers monde croyaient, à tort, que les pays
africains n'avaient pas les capacités de gérer et coordonner efficacement
et durablement la gestion de ces médicaments, somme toute, pas comme
les autres".
"D'ailleurs, la réussite de cette initiative a incité les organismes
internationaux, dont l'OMS, à leur choisir comme un modèle de bonnes
pratiques thérapeutiques pour les pays africains, dans la mesure
où on a les mêmes résultats que dans les pays riches du Nord", a
dit le Dr Ibra Ndoye.
Le Pr. Michel Kazatchine, directeur de l'NARS, agence créée en 1992
pour financer et animer toutes les recherches sur l'épidémie de
VIH/SIDA tant dans les domaines des sciences "dures" (virologie,
biologie moléculaire, immunologie, essais cliniques, etc.) que dans
les sciences sociales et économiques, a indiqué que "le programme
est constitué d'un ensemble de recherche exemplaire dans la lutte
contre le VIH/SIDA et dans tout ce que ce problème compte en compartiments
complexes". L'ANRS finance des chercheurs dans des groupes de recherche
appartenant à des instituts en vue du développement de nouveaux
moyens de lutte contre le SIDA, avec comme principales priorités
les pays en développement (PVD).
Faciliter l'accès aux thérapies anti-rétrovirales
Et la part du budget de l'ANRS (48 millions d'euros
par an) consacré aux sites de recherche dans les PVD, dont celui
de Dakar est le plus grand, est passée de 7% à 20 % entre 1998 et
2004. D'autres sites de recherche sont situés également en Afrique,
au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire et récemment au Cameroun, mais
aussi au Brésil, au Vietnam et au Cambodge, avec pour chaque site
son propre programme de recherche basé sur les priorités nationales
de santé publique, les compétences. "La philosophie de nos programmes
est la recherche en direction de l'affinement renforcé des méthodes
de prévention de l'infection à VIH et d'accès de plus en plus facilité
aux thérapies anti-rétrovirales dans les PVD", a dit le Pr. Kazatchine
dont l'agence entretient des relations avec l'IRD, l'Institut Pasteur,
le CNRS, l'INSERM, des ministères français (Affaires étrangères,
Recherche et Santé), mais aussi les NIH (National Institutes of
Health) et le CDC (Centers for Diseases Control) des Etats-Unis.
D'autres instituts collaborent aussi dans le programme de recherche
mené au Sénégal, dont notamment la fondation Léon Mba et les organismes
précités. Le travail du laboratoire de Virologie et de bactériologie,
dirigé par le Pr. Souleymane Mboup, a permis enfin la mise en place
d'un réseau de laboratoires dans une dizaine de pays africains et
un de ses rôles est d'observer la résistance du VIH aux médicaments
anti-rétroviraux dans ces régions du continent africain. Parmi ces
"dossiers" de recherche, se trouvent quelques-uns, très intéressants,
dont la recherche sur la transmission du virus de la mère à l'enfant,
de nouvelles méthodes de suivi des thérapeutiques chez les malades
qui, elles, visent la réduction des coûts des ARV et l'efficacité
à travers, par exemple, l'utilisation de trois anti-rétroviraux
en une seule dose, etc.
Bonnes pratiques thérapeutiques sénégalaises
Sur ce registre, le Pr. Papa Salif Sow, chef de
service à la clinique des Maladies Infectieuses, qui assure également
la tutelle médicale du centre de traitement ambulatoire (CTA) au
CHN de Fann, a indiqué "que ce protocole de recherche sur l'utilisation
de 3 anti-rétroviraux en une seule dose a mis en exergue des résultats
importants. Il cherche à améliorer, voire renforcer l'adhésion des
malades aux traitements à travers le développement de schémas thérapeutiques
mieux adaptés et de l'utilisation des langues nationales."
"Il suffit, maintenant, de prendre une seule dose de 5 médicaments,
juste avant le coucher, contrairement au schéma précédent où il
fallait ingurgiter 16 comprimés dans la journée, ce qui suscite
avec force des effets désagréables chez des malades", a précisé
le Pr. Papa Salif Sow. Le site de Dakar verra l'accroissement des
capacités d'accueil et de suivi des malades de la clinique des Maladies
Infectieuses "Iba Diop Mar" du CHN de Fann, à travers la réalisation,
en son sein, d'un nouveau centre de recherche clinique. "La recherche
sur le SIDA est une course (ndlr : scientifique, sociale, médicale
et économique) contre la montre et l'IRD est particulièrement attentif
à cette alliance (ndlr : ANRS, IRD, Institut Pasteur et les partenaires
nationaux des PVD) que nous développons dans tous les aspects des
domaines de l'épidémie de VIH/SIDA", a expliqué le Pr. Jean-François
Girard, président de l'IRD.
Pour sa part le Pr. Alain Gouyette, directeur général
adjoint de l'Institut Pasteur de Paris (IPP), a indiqué que "l'IPP
a actuellement 24 instituts à travers le monde, dont certains en
Afrique, et avec comme missions la lutte contre les maladies infectieuses,
les connaissances sur les agents pathogènes, le développement de
vaccin et, tout récemment, de nouveaux moyens médicamenteux". Selon
lui, " l'IP a un rôle très important à jouer dans la lutte contre
le VIH/SIDA, notamment dans cette alliance scientifique où il ne
s'agit pas de compétition entre instituts".
Au sujet de la polémique qui s'est soulevée ces
derniers temps en France sur une réduction du budget national alloué
à la recherche scientifique (ndlr : par le gouvernement Raffarin)
et son éventuel impact sur tous ces programmes de recherche, les
Prs. Kazatchine et Girard ont indiqué que "les programmes vont se
poursuivre normalement, malgré tout et que l'onde de choc sera faiblement
ressentie…"
Aux dernières nouvelles, diffusées par l'AFP, le
gouvernement français, confronté à une fronde sans précédent du
monde de la recherche, a annoncé une série de mesures pour tenter
de désamorcer la crise de ce secteur, sans convaincre les chercheurs
en colère qui ont immédiatement qualifié ce plan de "dérisoire".
FARA DIAW
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=35334&index__edition=10125
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