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La plupart
des malades du Sida accèdent difficilement à une prise
en charge médicale. Des ONG s'élèvent contre
cette "injustice" et appellent les "acteurs de décision"
à poser des actes concrets pour que le pire ne continue pas
de dicter sa loi.
Depuis une année, des acteurs de la société
civile ont engagé un plaidoyer pour le traitement gratuit
des malades du SIDA. L’acquit principal de cette campagne
est l’adhésion de plus en plus croissante de l’opinion
au principe de la gratuité. En effet cette campagne a pu
démontrer que la gratuité des traitements est faisable
dans notre pays malgré les difficultés à surmonter.
L’obstination à la contribution financière des
malades ressemble donc à un refus d’affronter ces difficultés
pour relever un défi qui est vital pour des milliers de malades
dans le désarroi.
Après une année de débat sur la gratuité
des traitements du SIDA, et l’adhésion d’une
forte opinion à cette cause, nous regrettons que l’on
soit toujours à discuter sur le principe même de la
gratuité. Il est plus qu'urgent que le débat évolue
sur les mesures pratiques à mettre en place pour garantir
l'accès universel aux traitements du SIDA qui sera favorisé
par l'adoption du principe de la gratuité des traitements.
Plusieurs pays en voie de développement sont plus avancés
que le Burkina Faso dans les conditions indispensables pour un accès
universel aux traitements contre le SIDA. Dans ces pays, le principe
de la gratuité a été adopté et est entrain
d'être appliqué. Il s'agit notamment du Brésil,
de la Thaïlande, de l'Afrique du Sud, du Burundi, du Sénégal
et récemment du Mali.
Au niveau de l'Opinion publique internationale, de plus en plus
d'acteurs rallient le principe de la gratuité. C'est le cas
de ce groupe d'économistes, d'experts en santé publique
et d'acteurs politiques qui ont signé une déclaration
intitulée " Free by five " pour demander la gratuité
des traitements en faveur des maladies du SIDA. Cette initiative
bénéficie de l'appui de plusieurs personnalités
et organisations comme Stephen Lewis, l'envoyé spécial
de Kofi Annan pour le VIH/SIDA en Afrique, de Hélène
Rossert, vice présidente du Fonds Global de lutte contre
le SIDA, de l'Association AIDES en France et de Médecins
Sans Frontière en Belgique.
"Accès gratuit et universel
à la prise en charge médicale"
A travers la Déclaration "Free by five" (gratuité
des traitements en 2005) qui s'inspire de l'Initiative "Tree
by five" (3 millions de personnes sous ARV d'ici 2005) de l'OMS,
ces personnalités et organisations internationales de lutte
contre le SIDA avouent que la gratuité des traitements contre
le SIDA est "une décision économique rationnelle
et une priorité absolue".
Elles se déclarent convaincues "que la gratuité
pour tous d'un ensemble minimum de soins incluant les ARV au sein
du système de santé publique est un préalable
pour que les programmes de prise en charge médicale changent
d'échelle, soient équitables et efficaces, et fournissent
une prise en charge de qualité." Elles interpellent
"l'OMS, l'ONUSIDA, les gouvernements des pays à ressources
limitées et les bailleurs de fonds internationaux notamment
le Fonds Mondial, la Banque Mondiale, PEPFAR (NDLR : Initiative
de Georges BUSH contre le SIDA) et les agences de coopération
bilatérales…" à "…adopter et
promouvoir activement le principe d'un accès gratuit et universel
à la prise en charge médicale (incluant les ARV) et
contribuer à sa mise en oeuvre."
Nous, organisations adhérant à l’Initiative
“Free by five” interpellons donc les acteurs ainsi sollicités
et qui ont des représentations au Burkina Faso à œuvrer
pour l'adoption et la mise en application du principe de la gratuité
des traitements contre le SIDA au Burkina Faso.
Les économistes, les experts en santé publique et
les acteurs politiques initiateurs de cette initiative justifient
l'accès aux soins des personnes infectées "…par
des arguments économiques et par le respect des droits de
l'Homme." Et s'interrogent sur les chances des programmes de
prise en charge à atteindre les populations les plus pauvres
et les plus vulnérables tout en assurant "…un
haut degré d'observance afin d'éviter l'apparition
de résistances." Pour eux, une des conditions premières
demeurent "la gratuité d'un ensemble minimum de soins
complet pour toutes les personnes vivant avec le VIH."
Ils citent en outre, une consultation de l'OMS rendue publique en
janvier 2004 qui concluait que "des stratégies devraient
être développées pour dispenser les ARV gratuitement
à ceux qui ont le moins de moyens (…). Cependant, si
les systèmes de recouvrement des coûts s'avèrent
inefficaces ou limitent l'accès aux soins, la dispensation
gratuite pour tous devrait être envisagée".
"Crime contre l'humanité"
Que pensez vous du cas du Burkina Faso, où le rapport annuel
du PNUD donne des statistiques de 45% de la population qui vit avec
moins de 72 000 FCFA par an, c'est-à-dire moins de 6 000
FCFA par mois. Quelles contributions financières peut-on
demander à cette population sans que cela ne limite son accès
aux soins ?
Selon les conclusions de l'étude citée, la dispensation
gratuite des traitements ne devrait-elle pas être appliquée
au Burkina Faso ?
Nous souhaitons, à toute fin utile vous rappeler cette phrase
du Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi
Annan : "le VIH/sida est la pire épidémie que
l'humanité ait jamais affrontée. Elle s'est répandue
plus largement, plus rapidement et avec des conséquences
à long terme plus catastrophiques que toute autre maladie.
Son impact est devenu un obstacle dévastateur au développement".
Le caractère exceptionnel de l'épidémie justifie
donc le caractère exceptionnel de sa réponse. C'est
également l'avis du Directeur Général de l'OMS,
Lee Jong-Wook, qui affirme que : "l'insuffisance de l'accès
aux traitements antirétroviraux est une urgence médicale
mondiale… Pour dispenser les traitements antirétroviraux
aux millions de personnes qui en ont besoin, nous devons changer
notre façon de penser et notre façon d'agir."
Pour conclure, permettez nous de faire notre, cette déclaration
de M. Stephen Lewis : "Vous me pardonnerez de parler avec vigueur,
mais à l'aube de l'année 2003 (NDLR : il y a 2 ans
déjà, en considérant que nous sommes à
l'aube de 2005), il n'est plus temps de supplier poliment, même
d'implorer. On ne peut permettre que la pandémie continue
et ceux qui la regardent s'étendre, avec une sorte de sérénité
pathologique, devront rendre compte un jour où nous aurons
des tribunaux en temps de paix qui jugeront cette version particulière
de crimes contre l'humanité… Le droit à la vie
et à la dignité ne devrait pas être une prérogative
des riches et des puissants. La crise du SIDA n'est pas une crise
de manque de ressources. C'est une crise de manque de conscience."
Que faut-il et combien de temps faut-il pour apporter cette conscience
aux acteurs de décisions ? Surtout, combien de vies humaines
vont payer pour cette énergie et ce temps dont ils ont besoins
pour prendre conscience ?
Pour le Réseau Accès aux Médicaments Essentiels
(RAME)
Simon KABORE - Coordonnateur National
Pour le Réseau pour une Grande implication des PVVIH (REGIPIV)
Mamadou SAWADOGO - Président
Pour l'Association Responsabilité Espoir vie (REVS+)
Martine SOMDA - Présidente
Pour l’Association African Solidarité (A.A.S)
Jean-Marie BAZIE - Directeur
Lire l'article original : http://www.lepays.bf/quotidiens/barometre2.asp?Numero=6040
Quotidien Burkinabé Le pays N°3267 du 07/12/2004
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