Actualités de la santé
en Afrique
Juin 2005

Au sommaire de cette semaine :

Burkina Faso :
© Dr Virginie Tapsoba, Ophtalmologue : "Chacun naît avec une anomalie aux yeux"
© Quels soins après un avortement ?

Cameroun :
© Santé : un appui de 870 millions. Une prime spéciale octroyée au Cameroun par l’Alliance mondiale pour la vaccination

Congo :
© Le Congo se dote d’un laboratoire de biologie moléculaire de lutte contre le sida
© Le virus Ebola continue à faire des victimes dans la Cuvette-Ouest
© L’Ordre des pharmaciens explique les méfaits des médicaments vendus dans la rue

Côte d'ivoire :
© M. Kouakou Lucien, directeur exécutif de l’AIBEF : “Pas de double emploi dans la gestion des produits contraceptifs”

Mali :
© Lutte contre le sida : un plan sectoriel pour la jeunesse

Maurice :
© Les écoles dentaires se défendent

Sénégal :
© Prise en charge - Capacité d’hospitalisation : Saturation aux urgences
© Odonto-Stomatologie : Les chirurgiens dentistes se mettent en phase avec l’évolution des techniques
© Impuissance sexuelle : Le Viagra induirait la cécité
© Recherche et formation clinique : Dakar étrenne son centre de prise en charge du VIH-Sida
© Entretien avec… Bernard Taverne, médecin et anthropologue à l’Ird : «L’enjeu du Sénégal est qu’il n’y ait pas d’autres contaminations»
© Mme Constance Faye Badji, présidente du syndicat des pharmaciens privés du Sénégal : «Le marché illicite tue et menace d’achever la profession»

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Dr Virginie Tapsoba, Ophtalmologue : "Chacun naît avec une anomalie aux yeux" - Le pays - Burkina Faso - 01/06/2005
Après ses études supérieures à Dakar d'où elle est rentrée au Burkina en 1984 comme médecin ophtalmologiste, Docteur Virginie Tapsoba a servi dans plusieurs centres hospitaliers dont le Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo de Ouagadougou. En 1996 elle décide de s'installer à son propre compte et ouvre ainsi la Clinique "La Providence" sise au quartier Gounghin. Nous l'avons rencontrée le mardi 24 mai 2005.

"Votre Santé" : Quelles sont les anomalies de la vision les plus courantes au Burkina Faso ?

Docteur Virginie Tapsoba : Ce sont d'abord les conjonctivites liées au climat c'est-à-dire à la poussière. A Ouagadougou vous avez la pollution due surtout aux deux roues dont les tuyaux d'échappement enveloppent la ville de nuages de fumée qui affecte les yeux; et ce d'autant plus que les usagers de nos artères ne prennent pas le soin de se protéger avant d'enfourcher leur monture. J'ajoute que les conjonctivites sont banales mais il faut les traiter convenablement, même si celles-ci entraînent difficilement la cécité quand l'on se fait suivre par un médecin. Autrement, une négligence totale de la personne peut être à long terme source de complications voire de cécité. Ensuite, nous avons la cataracte qui constitue une grande cause de cécité. Fort heureusement, elle est curable et quelqu'un qui a perdu la vue suite à la cataracte peut la retrouver par une chirurgie bien conduite. Il y a également le glaucome communément appelé l'hypertension des yeux. C'est l'une des affections qui nous préoccupent beaucoup car ils sont nombreux qui la contractent sans le savoir compte tenu du fait qu'elle n'a pas de signes particuliers. C'est seulement lors d'un examen que l'on se découvre affecté. Le glaucome est quelque fois génétique; dès lors que l'on a un aveugle dans sa famille, il est toujours indiqué de chercher la cause afin de s'assurer que le mal n'est pas héréditaire. Enfin, nous avons des affections suite aux traumatismes chez l'enfant lors des jeux, avec des risques pour les yeux; tout comme la presbytie c'est-à-dire le vieillissement de l'oeil à partir de quarante ans, de façon générale. Cela est différent de la cécité et en ce moment, il faut porter des verres afin d'aider les yeux à mieux assurer leur fonction surtout quand il faut lire. Nous sommes à l'ère des ordinateurs qui, contrairement à ce qu'on peut raconter, n'abîment pas les yeux, mais réveillent plutôt une affection latente. Avant de se lancer dans l'informatique, il faut s'assurer que ses yeux peuvent supporter cela, sinon on fera un faux procès aux fabricants d'ordinateurs.

"Votre Santé" : Quelles sont les précautions à prendre au quotidien pour prévenir ces différentes anomalies ?

Docteur Virginie Tapsoba : Disons que chacun naît avec une anomalie petite ou grande au niveau des yeux. Aussi, les verres sont faits pour corriger ces anomalies. Par exemple un sujet myope porte des correcteurs pour un mal qui se contracte depuis la naissance. J'ajoute que les verres dits correcteurs ne corrigent rien du tout. Les spécialistes les appellent des aides-visuels. Quand on porte des verres pendant des années, cela ne signifie pas qu’à terme l'on sera guéri. On naît, grandit et meurt myope. La protection des yeux contre la poussière, le vent ou le sable est très importante. Peut-être qu'avec les casques, les risques seront nettement réduits. A partir d'un certain âge, il faut se faire suivre. Chez l'enfant, une alimentation riche en vitamine A est recommandée c'est-à-dire lui faire manger assez de légumes et de feuilles. Tout ce qui est bouilli ne contient plus suffisamment cette vitamine qui est détruite par la potasse par exemple. Le lait et les oeufs sont conseillés pour les enfants, autrement on assiste à une sécheresse de l'oeil. Lors des séances de vaccination, un accent est mis sur cet aspect.

"Votre Santé" : Nous assistons à des soins administrés par des tradipraticiens de plus en plus nombreux. Quel jugement portez-vous sur leurs prestations ?

Docteur Virginie Tapsoba : Effectivement on en connaît plusieurs qui vont de maison en maison pour des consultations et apportent des soins à qui le veut. Leur travail n'est pas scientifique et vous en avez qui soignent la cataracte. La cataracte est due à un élément de l'oeil qui est abîmé et qui est à l'image d'un écran devant l'oeil. Plutôt que de faire disparaître cette anomalie, le tradi-praticien pousse si vous voulez cet élément au fond de l'oeil, et après l'oeil considère celui-ci comme un corps étranger dérangeant, d'où la survenance d'infections. A la longue, le sujet court le risque d'une cécité. Nous nous retrouvons, face à des cas pareils, impuissants. En ophtalmologie, nous ne les reconnaissons pas. Et il revient aux patients de frapper à la bonne porte. Le ministère de la Santé seul est habilité à mettre de l'ordre dans tout ça.

"Votre Santé" : Existe-t-il des maladies des yeux propres aux riches et d'autres aux pauvres ?

Docteur Virginie Tapsoba : Il y a des maladies des pauvres comme la conjonctivite due au manque d'hygiène, tout comme le trachome. L'avitaminose A est souvent liée au manque de moyens financiers. Les enfants mal nourris, ne prenant pas le soin de se laver les mains avant de manger, sont naturellement plus exposés à ces maladies. Pour les riches, vous avez fréquemment le diabète qui peut conduire à la cécité. Ils ont cependant, et contrairement aux pauvres, assez de moyens pour se faire traiter à temps. En Europe, c'est surtout le diabète qui provoque la cécité.
Même si on peut dire que c'est une maladie de riches, il n'en reste pas moins que nul n'est forcément à l'abri; car le sujet qui est au village peut bien contracter le diabète mais le manque de moyens financiers peut causer sa mort. Finalement, il est difficile en ophtalmologie de faire cette distinction.

"Votre Santé" : L'automédication dans le traitement des maladies des yeux est-elle fréquente et quelles peuvent en être les conséquences ?

Docteur Virginie Tapsoba : Ce sont des cas qui surviennent malheureusement avec des sujets malades qui se réfèrent toujours à des personnes qui ont eu une anomalie semblable à la leur. Dès lors, on se rend dans une pharmacie pour acheter les mêmes médicaments qui ont été prescrits à ces personnes sans autre considération; sans être sûr qu'il s'agit de la même maladie après une consultation chez un médecin. Sous nos cieux, quand quelqu'un a un oeil rouge, on pense tout de suite à la conjonctivite, alors qu'il peut s'agir d'une autre affection nécessitant un traitement avec des médicaments prescrits par le médecin spécialiste.

"Votre Santé" : Des activités ou professions spécifiques exposent-elles plus aux affections des yeux ?

Docteur Virginie Tapsoba : Vous avez les soudeurs qui, comme vous le voyez chaque jour, exercent pour la plupart leur activité sans moyens de protection notamment avec un bouclier tout simplement, ou avec des verres indiqués à cet effet. Les chauffeurs et conducteurs ne sont pas particulièrement exposés mais il est souhaitable qu'ils fassent fréquemment des examens oculaires pour être sûrs de leur bonne visibilité. Quant aux élèves et étudiants qui passent un bon temps à lire, je conseille leurs parents de contrôler depuis même la classe de CP1, leur vision. Car l'échec scolaire peut être dû à une anomalie des yeux que l'élève lui-même ignore. Quand un enfant se plaint fréquemment de maux de tête après les cours, il faut le faire consulter puisque l'effort visuel donne, provoque des céphalées. Quand à la maison l'enfant regarde la télé à cinquante centimètres de l'écran, plutôt que de lui crier dessus, il vaut mieux se demander ce qui se passe; se demander s'il voit bien. Même chez les adultes utilisateurs de l'ordinateur, des maux de tête peuvent survenir à cause d'une maladie au niveau des yeux. Dès lors que des céphalées se manifestent fréquemment, il faut aller en consultation.

"Votre Santé" : Les verres correcteurs actuellement vendus sont-ils tous de bonne qualité ?

Docteur Virginie Tapsoba : Ils doivent être prescrits par un spécialiste. Les verres correcteurs ne s'achètent pas comme tout autre article au marché. Ils ont des numéros bien inscrits en fonction de leur puissance. Je sais qu'il y a des commerçants ambulants qui en vendent de part et d'autre; ceux-ci ne sont pas forcément mauvais, mais l'acheteur doit vérifier si le numéro indiqué sur l'ordonnance est bien celui écrit sur les verres proposés. Malheureusement, les numéros sur ceux-ci ne respectent pas toujours leur puissance. Enfin, même au niveau des opticiens, il faut toujours bien vérifier la correspondance du numéro recommandé avec celui figurant sur les verres. C'est vous dire que la question est délicate et il faut se prémunir de toutes les précautions, d'autant plus que le risque zéro n'existe nulle part. Je ne dis pas pour autant qu'il ne faut pas s'approprier des verres avec les commerçants ambulants qui, du reste, vendent des verres solaires qui protègent contre les rayons ultraviolets néfastes pour les yeux. Avant d'acheter des verres, il faut les porter et fixer un objet pour voir s'il n'a pas changé de forme. Si c'est le cas, il s'agit donc de correcteurs, il vaut mieux demander des verres neutres.

"Votre Santé" : Quel est le pourcentage des personnes souffrant de maux d'yeux au Burkina ?

Docteur Virginie Tapsoba : Je ne saurai vous donner des chiffres. Sachez par exemple qu'à Banfora, on n'a pas l'avitaminose A du fait de la grande consommation de fruits et légumes par les populations. Paradoxalement, dans le nord du Burkina où on produit beaucoup de lait, les enfants souffrent de l'avitaminose A, puisqu'ils ne sont pas nourris avec ce lait par leurs parents, qui préfèrent le vendre et acquérir des céréales. Je me rappelle d'une enquête faite quand j'étais à la Fonction publique et qui n'avait pas concerné l'ouest de notre pays où l'alimentation est à base des mêmes ingrédients que ceux dans les pays côtiers où les populations consomment beaucoup la vitamine A.

"Votre Santé" : Pour une spécialisation concernant un organe aussi sensible que l'oeil, avez-vous déjà eu des problèmes particuliers lors d'interventions ?

Docteur Virginie Tapsoba : Il n' y a pas de risque zéro surtout quand il s'agit d'une intervention chirurgicale pour laquelle il revient toujours au médecin, en dernier ressort, de juger de l'opportunité de la faire. Le médecin doit se demander s'il faut un simple traitement médical ou une intervention chirurgicale pour soulager le patient. C'est délicat et il faut une concertation avec le malade. Moi je suis une privée et je me dois d'être très prudente. J'ai vu des cas d'infections postopératoires. On peut bien opérer avec toutes les précautions et être confronté ensuite à des complications insoupçonnées. L'oeil est très sensible et rien que pour l'avoir frotté avec des mains sales, une infection peut se produire. Après plus de vingt années de service, je ne saurai dire que je n'ai jamais eu de problèmes dans ce sens.

Lire l'article original : http://www.lepays.bf/mensuel/invite2.asp?Numero=85

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