Sous les kolatiers, les bananiers et les palmiers, la grand-mère tisse laborieusement sa natte de prières faite de feuilles de rôniers. Elle profite de ce bel ombrage, entourée de ses quatre petits-enfants. Hadja Bountourabi Camara, une septuagénaire du village de Bamba, ne semble guère s’ennuyer, depuis trois jours qu’elle est « cerclée » dans sa concession familiale. Elle est dans cette situation car elle est une de ces « personnes-contacts », c’est-à-dire celles qui ont été exposées directement ou indirectement à une personne malade d’Ebola, ou qui sont entrées en contact, de manière consciente ou non avec des objets souillés. Tandis que nous voulons la rejoindre, une mère poule, aussi heureuse que craintive, caquette en se dressant devant nous comme pour défendre ses huit petits. Mais la vielle dame les éloigne d’un geste maternel et nous reçoit tout sourire.

Le village de Bamba que nous visitons, se situe à une trentaine de kilomètres de la sous-préfecture de Tanènè, dans la préfecture de Dubréka. Cette localité a été identifiée par les équipes de mobilisation sociale et de surveillance, animées par des agents communautaires, des spécialistes guinéens et des organisations internationales que sont l’OMS, l’UNICEF et CDC notamment, comme un des foyers actifs de la présence de la fièvre hémorragique a virus Ebola.

A ce titre, le village de Bamba est concerné par la campagne de surveillance renforcée et de mobilisation communautaire, initiée par la Coordination nationale de riposte contre Ebola. Il s’agit tout simplement de faire de la surveillance active par des médecins dans les différents ménages ayant des cas contacts pendant 21 jours. C’est ce qu’on appelle : la stratégie de micro-cerclage, dont l’objectif est d’éliminer toutes les sources de propagation de la maladie en stoppant la chaine de transmission du virus, par une limitation stricte des mouvements des sujets contacts et leur surveillance rapprochée, pour la détection et la prise en charge précoce des cas suspects.

La vieille Bountouraby qui a été bien sensibilisée par les membres du comité villageois de veille, nous explique de quoi il s’agit : « Nous avons compris que ces jours-ci, nous ne devons pas sortir de notre village, on nous soignera cadeau , et nous aurons à manger comme il faut. Du riz, du poisson ou de la viande et un peu d’argent comme prix de sauce ». Entre deux tresses de rônier, elle nous glisse : « Moi, j’ai décidé pendant ces moments de fabriquer quelques nattes que je pourrai revendre après, pour mes petits besoins. Ces jours-ci, la journée, mes petits enfants peuvent aller jouer au football et la nuit, il y a des jeunes scouts qui nous montrent des films qui nous conseillent très bien ! Les responsables de notre quartier passent aussi pour avoir de nos nouvelles et nous encourager... »

Les vingt 15 familles de Bamba qui sont des « contacts » et leur entourage directs sont visés par les activités de communication du comité de veille et du comité de santé du village. « C’est pourquoi, ils sont régulièrement visités pour les aider à surmonter l’épreuve. Il faut les soutenir moralement aussi, pour qu’ils n’aient point l’impression d’être privés de liberté. Pour avoir leur adhésion, il nous a fallu construire la confiance, au fil de nos visites. », précise Dr Mariam Sylla Diene, cette sémillante guinéo-sénégalaise, médecin de formation, venue de l’UNICEF Dakar au secours de sa première patrie, confrontée aux ravages du « virus maudit ». « Des kits d’hygiène sont aussi distribués, avec un seau, du savon en particulier, afin que l’hygiène soit la règle. Ce n’est pas toujours facile, mais les choses changent », dit-elle, réconfortée.

Un des charmes de ce village verdoyant, c’est de voir avec quelle attention, les femmes et les jeunes surtout, écoutent les émissions de la Radio Santeya FM, qu’ils considèrent désormais comme leur amie. « Elle dit la vérité. C’est grâce aux conseils qu’on entend, que beaucoup ont cru qu’Ebola existe. Sinon nous pensions que c’était des sorciers qui nous jetaient de mauvais sorts. Et cela divisait les familles et nous rendait agressifs », reconnait le chef du village, Alkhaly Sèkhou Camara. La radio est venue extraordinairement combler des déficits de communication, qui avaient engendre des rumeurs, des réticences et des résistances qui sont venues troubler la quiétude sociale de ce paisible village, blotti dans un merveilleux paysage.

Justin Morel Junior

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