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L'essor | Mali | 08/10/2010 | Lire l'article original
L’autorité sanitaire de l’époque m’a affecté à Mopti. J’ai atterri dans une antenne médicale (A.M.) délabrée, incapable de faire face aux demandes de la population. Le dispensaire construit en banco était inondé chaque fois qu’il pleuvait. La ville était privée d’électricité à partir de 22h souvent par manque de carburant ou à cause de pannes techniques. A l’époque, l’AM de Mopti employait des infirmières qui avaient subi une formation accélérée, un comptable, une matrone en la personne de Mme Doumbia, un major du nom de Belco Tamboura. Le Dr Sory Sissoko, formé en chirurgie non spécialisée, s’occupait de cet hôpital très délabré. Le manque de personnel et de médicaments, les incessantes coupures d’eau constituaient notre grande hantise pendant toute la journée. On remplissait les réserves de l’hôpital avec de l’eau du fleuve pompée à l’aide équipements vétustes. Cette eau était utilisée telle quelle car il n’y avait aucun contrôle hygiénique à l’hôpital. Pour les cas graves, notamment les accidents ou des patients atteints de tuberculose nécessitant l’utilisation de rayons X, nous étions obligés d’évacuer les malades à Ségou au cas où le véhicule de service était disponible (il n’y avait qu’un seul véhicule en activité).
Le trajet Ségou-Mopti nécessitait 6 ou 7 heures de temps, dans le meilleur des cas, c’est à dire quand le véhicule ne tombait pas en panne en cours de chemin. A l’époque pour trouver certains instruments indispensables pour les interventions, il fallait les faire venir nécessairement de Bamako. Ces instruments arrivaient parfois un mois ou plus après que la commande ait été lancée. Je me rappelle le cas d’un enfant qui devait subir une intervention chirurgicale suite à une occlusion intestinale. Il fallait une intervention immédiate à l’hôpital de Mopti et les agents étaient obligés d’utiliser du matériel inadapté dans des conditions extrêmement dérisoires. A l’époque pour évacuer les malades très graves, il n’ y avait que deux avions russes de marque « Iliouchine » qui se déplaçaient sans programme et il était difficile d’avoir une réquisition du gouvernement à cause des difficultés financières. Parfois la nuit, il fallait évacuer les malades soit en voiture soit en charrette ou traverser le fleuve par pirogue pour les patients venant des villages. Une femme est décédée à la suite d’hémorragie après son accouchement dans une pirogue. Je me souviens aussi de beaucoup de mésaventures que j’ai vécues à l’époque.
Par exemple lorsque la ville de Mopti a été frappée par une épidémie de bilharziose provoquée par l’eau du fleuve, j’ai été obligé de demander avec urgence une quantité importante d’Antiomaline injectable au bureau OMS de Brazzaville pour éviter que la situation ne s’aggrave. Il serait fastidieux de raconter toutes les anecdotes que je détiens sur la manière dont on travaillait à l’époque. Aujourd’hui, je vous invite à faire un tour à Mopti. Vous y trouverez un hôpital moderne avec des services complets dotés d’instruments sophistiqués, où le programme de vaccination est régulièrement exécuté, une maternité desservie par deux sages femmes diplômées d’Etat, plusieurs infirmières, des ambulances gratuites, modernes et bien équipées. Mon ancien chauffeur, M. Maïga, encore en vie à Mopti et certains habitants de la région peuvent confirmer mes propos. Aujourd’hui, des infrastructures routières solides et modernes existent. Elles facilitent les évacuations d’urgence des malades graves des dispensaires de brousse à l’hôpital régional de Mopti. Cet établissement possède plusieurs locaux affectés à chaque spécialité sanitaire. A notre époque, il y avait beaucoup d’accidents de travail dans le secteur public et privé. La sécurité sociale n’existait pas et le plus souvent aucune indemnité n’était versée aux travailleurs blessés. Certains blessés graves, de peur d’être licenciés, se gardaient de signaler l’accident de travail dont ils avaient été victimes. Les progrès intervenus dans le monde du travail sont remarquables actuellement. Les travailleurs tant du secteur privé que du public sont assurés et les accidents de travail sont constatés et indemnisés. Certains établissements, vu la propagation de certaines maladies ont pris l’initiative de vacciner l’ensemble de leur personnel. Le travail que nous faisons étant toujours perfectible, les critiques positives sont les bienvenues car elles soulignent les lacunes et les fautes pour aider à les corriger et à progresser. Les jugements hâtifs et injustes ne servent, eux, qu’à blesser inutilement ».
Dr. Koc Halil Bamako
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