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Les dépêches de Brazzaville | Congo-Brazzaville | 24/09/2011 | Lire l'article original
Les Dépêches de Brazzaville : Quel est, selon vous, l'intérêt pour les Congolais d'adhérer aux méthodes de contraception ?
Marie-Laure Kibangou : Il y a tellement de choses à dire par rapport à la problématique de la contraception et de la planification familiale... Pour être plus près de la réalité, vous devez savoir qu'à l'heure où nous parlons il y a peut-être une femme en train de mourir des complications d'un avortement ou d'un accouchement. Il est par ailleurs scandaleux de voir au xxie siècle des jeunes femmes tuer ou abandonner leurs bébés parce qu'elles n'ont pas les moyens de les élever, ou des hommes refuser la paternité d'enfants par eux conçus. Cela est à l'origine de beaucoup de problèmes dans notre société. Et à l'occasion de cette Journée mondiale de la contraception, nous voulons rappeler aux uns et aux autres qu'il existe des méthodes modernes, scientifiques dont l'efficacité est avérée pour mener une sexualité normale et faire des enfants en toute responsabilité.
LDB : On relève au Congo un fort taux de mortalité maternelle et infantile. Pensez-vous que la contraception peut aider à améliorer cette situation ?
MLK : Effectivement, la contraception permet d'éviter certaines causes directes de la mortalité maternelle et infantile. (NDLR : au Congo, 781 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes, soit une femme sur 28 qui meurt des suites d'un accouchement et 75 décès d'enfants de moins d'un an sur 1 000 naissances vivantes). Les causes sont principalement les complications ou les conséquences à long terme des avortements provoqués. La contraception permet à la femme d'éviter les grossesses non désirées. Elle permet aussi d'espacer les naissances (au moins deux ans de repos avant une nouvelle grossesse). Une femme peut ne pas vouloir faire un enfant, mais si elle n'utilise pas de contraception efficace, cela reste un vœu pieux. L'expérience nous a montré qu'elles sont souvent surprises et fondent en larme lorsque le test confirme la présence d'un fœtus alors qu'elles ont déjà un bébé en mains. C'est ainsi qu'à l'ACBEF, nous martelons le message de la prévention.
LDB : Comment doivent-elles faire de manière pratique pour éviter les grossesses non désirées et leurs conséquences dramatiques ?
MLK : Ici, nous insistons souvent sur ce que nous appelons les quatre trop, à savoir les grossesses trop précoces, trop rapprochées, trop nombreuses ou trop tardives. Ces quatre catégories de grossesses sont à risques, tant qu'une femme peut les éviter elle préserve sa vie, ainsi que la santé de son futur bébé.
LDB : Vous avez parlé de prévention. Pourquoi n'encouragez-vous pas les avortements qui pourraient préserver la vie de femmes exposées à ce genre de risques ?
MLK : L'ACBEF ne pratique pas d'avortements parce que la Fédération internationale pour la planification familiale, dont elle est membre, s'y opposait fortement. Mais actuellement, quoique la position de cette fédération a significativement évolué, le contexte juridique de notre pays ne le permet pas. Le jour où le législateur congolais votera une loi autorisant l'avortement, nous n'hésiterons pas... Au quotidien, nous recevons dans nos cliniques des jeunes femmes et des couples qui demandent ce genre d'intervention, mais nous ne pouvons pas agir.
LDB : Cette prescription légale n'a-t-elle pas pour conséquence des avortements pratiqués illégalement et qui présentent un risque plus grand ?
MLK : Nous ne cessons de tenir ce plaidoyer, car la situation qui prévaut dans notre pays est quelque peu cacophonique. La loi interdit la pratique de l'avortement, quand des hôpitaux et des cliniques privées en font leur principale source de revenus. Il faut comprendre que des structures appropriées pouvant garantir des conditions d'asepsie sont préférables à des pratiques de soignants sans qualification dans des cabinets souvent mal équipés.
LDB : Dans l'opinion, on pense que les méthodes contraceptives peuvent rendre les femmes stériles. Qu'en est-il ?
MLK : Ce sont des rumeurs sans fondement. Nous travaillons sur la base de données scientifiques, mises à notre disposition par des organismes habilités, comme l'Organisation mondiale de la santé qui publie des directives et des normes concernant l'utilisation des méthodes de contraception et de planning familial. Il faut préciser que ces questions devraient être traitées par des gens dont c'est la spécialité. Parce qu'il y a des charlatans de la contraception qui peuvent être des agents de santé dont cela n'est pas la spécialité. La contraception est une technologie à part entière, avec ses spécialistes. Il y a des vendeurs illicites et autres ambulants qui vendent des contraceptifs dans les marchés. Cela peut présenter un danger. Quant à la stérilité, elle a d'autres causes, comme les complications des avortements provoqués, les infections des voies génitales, ou les causes génétiques, hormonales ou psychosomatiques...
LDB : Enfin, pensez-vous que dans les cliniques et dans les structures de l'État en charge des questions de contraception il existe des moyens suffisants pour offrir des services à la hauteur de la demande congolaise ?
MLK : Depuis mars 1987 que l'ACBEF existe, un travail important de sensibilisation a été fait à l'endroit de la population sur les bienfaits de la contraception. Et nous constatons qu'une bonne partie de la population a compris le message, et les gens viennent. Mais, comme on dit, un seul doigt ne peut laver la figure. Nous essayons tout de même d'étendre nos services dans les départements. Au niveau des services de l'État, il y a des unités dans les centres de santé intégrés (CSI), notamment, qui offrent des services de planning familial. Mais nous relevons pas mal de faiblesses : parfois c'est le personnel qui n'a pas été bien formé, ou bien le matériel ou les contraceptifs manquent. Une gamme très limitée ne favorise pas le choix, car en la matière les gens doivent pouvoir choisir la méthode qui leur convient. C'est en cela que se justifie le partenariat relancé depuis trois ans entre le gouvernement, l'ACBEF et le Fonds des Nations unies pour la population, permettant de former les sages femmes des CSI en ce domaine.
Propos recueillis par Thierry Noungou
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