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Le potentiel | Congo-Kinshasa | 28/06/2019 | Lire l'article original
Dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la mortalité maternelle et garantir à toutes les Congolaises les droits à la santé sexuelle et reproductive, la République démocratique du Congo s'est résolument engagée à garantir l'accès à l'avortement sécurisé.
Ceci, dans le cadre de la mise en place du Protocole de Maputo. En effet, selon l'EDS 2013-2014, la mortalité maternelle est estimée à 846 sur 100 000 naissances vivantes et les avortements clandestins représentent la deuxième cause.
« C'était dans la soirée du mercredi 22 mai dernier lorsqu'une famille avait amené d'urgence leur fille âgée de 25 ans dans un hôpital de Likasi, dans la province du Haut- Katanga. Dès son arrivée à l'hôpital, elle a été directement conduite aux soins intensifs, car elle avait déjà perdu connaissance », a rapporté l'infirmière Daly Kahambwe.
Après évaluation de l'état général de la jeune fille et avoir réalisé les examens de routine, les suspicions d'un avortement se confirme et la mère de la fille passe aux aveux. « Ma fille a tenté de se faire avorter, quelqu'un lui a administré des produits indigènes à boire et à mettre dans ses voies génitaux », a relaté la mère de la fille qui a également fait savoir que cette dernière a appliqué, à son insu et cela pendant plusieurs semaines, ces produits traditionnels. Et d'ajouter : « C'est quand la fille a commencé à présenter de fortes fièvres que je me suis senti obligée d'en savoir plus, car je m'inquiétais tellement. C'est ainsi qu'elle me dira la vérité ».
« Maman, je suis enceinte. J'ai pris des produits pour avorter », raconta la fille dont l'état de santé ne cessait de se dégrader. Cela a contraint les parents de la jeune fille à l'acheminer à l'hôpital.
Le diagnostic était sans équivoque : une infection généralisée, le fœtus évacué en partie, l'autre partie étant restée dans l'utérus de la jeune fille ; il y avait donc des débris, des pus,... et la jeune fille dégageait une mauvaise odeur.
Malgré l'aspiration des débris, l'administration des antibiotiques et la réanimation pendant deux jours, à dater de son admission à l'hôpital, la fille est décédée des suites d'une infection généralisée difficile à contrôler, selon le personnel de santé.
Qu'avait-elle réellement avalé ? Qui lui avait montré où s'en procurer ? Qui les lui avait fournis ? Une seule réponse est revenue dans les propos de sa mère : « Des produits traditionnels ». Le reste des questions est demeuré sans réponse. Le saura-t-on un jour ?
Des milliers de témoignages montrent à peine la queue d'un monstre qui dépouille le pays de ses dignes filles à cause des avortements clandestins qui sont dans la plupart des cas réalisés par des personnes non formées. Cela, avec des matériels et techniques non adaptés ou obsolètes comme le curettage dans des endroits non indiqués (maisons inachevées, véhicules abandonnés, la brousse ou les centres de santé de fortune) et le plus souvent à des fins lucratifs pour l'opérateur.
Ce même phénomène est presque généralisé dans le pays, de l'Est à l'Ouest, du Nord au Sud en passant par le centre, les témoignages montrent une situation accablante pour le ministère de la Santé publique qui, depuis plusieurs années, se bat pour réduire la mortalité maternelle dans le pays. Mais les résultats se montrent toujours moins proportionnels aux efforts.
A Kinshasa où une étude de l'Ecole de santé publique avec l'Institut Guttmacher a montré une incidence d'environ 400 avortements clandestins par jour, soit 17 avortements par heure en 2016, ces pratiques doivent sûrement être les plus utilisées sans que les conséquences ne soient encore évaluées. Encore faut-il démontrer que cela fait partie des priorités de la ville ou du pays ?
Le protocole de Maputo redonne l'espoir
Entre-temps, chaque rue, chaque avenue ou quartier a son histoire. Une histoire de perte des être chers,... quoi que les circonstances diffèrent, la cause de ces décès reste la même : les avortements clandestins.
Mais il y a lieu de saluer les efforts du gouvernement à travers le ministère de la Santé publique le lancement du processus d'élaboration des normes et directives sur les soins complets d'avortement dans le cadre de la mise en œuvre du protocole de Maputo.
Grâce à l'adhésion de la RDC au Protocole de Maputo, un Traité africain sur les droits des femmes qui enjoint les Etats de légaliser l'avortement pour des cas de viols, d'inceste, de protection de la santé physique ou mentale de la femme. En mars 2018, la présidence de la RDC a publié ce protocole au Journal officiel du pays faisant de lui un instrument de l'arsenal juridique du pays.
À en croire Dr Mike Mpoyi, conseiller en système de santé chez IPAS, le fait de médicaliser la procédure permet à celle qui en a besoin de se détourner de charlatans et d'autres pratiques clandestins et s'ouvrir aux conditions sécurisées dans un hôpital. Cela avec un instrument adéquat qui la met à l'abri de toutes sortes de complications.
À signaler aussi que cette déclaration a été faite au cours d'un atelier de formation de 28 prestataires, organisé à Kinshasa, au mois de mai dernier.
Quant au Programme national de la santé de la reproduction (PNSR), l'heure est à l'élaboration des normes et directives d'accès aux soins complets d'avortements sécurisés selon l'esprit de l'article 14 de ce Protocole. Cela en marge du processus de vulgarisation de huit thématiques qui promeuvent les droits de la femme africaine.
Par Lucie Ngusi
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