← retour Santé tropicale
Accès aux sites pays BENIN BURKINA FASO CAMEROUN CENTRAFRIQUE CONGO COTE D'IVOIRE GABON
GUINEE MADAGASCAR MALI R.D. CONGO SENEGAL TOGO
L'Observateur | Burkina Faso | 14/11/2006 | Lire l'article original
Vendredi 10 novembre 2006. Très tôt le matin, le service de cardiologie de l’hôpital Yalgado Ouédraogo est pris d’assaut par de nombreux patients. Certains y viennent pour la première fois, d’autres pour un contrôle, un second rendez-vous ou pour présenter les résultats d’un examen de radiologie qu’un des médecins lui avait demandé. C’est ainsi tous les jours de consultation.
Les maladies cardiovasculaires sont légion surtout avec notre régime
alimentaire composé le plus souvent d’huile, de sucre et surtout
de sel, qui entraînent l’hypertension artérielle. Dans la
ville de Ouagadougou, un adulte sur trois (des plus de 35 ans) est hypertendu,
confie le Professeur Niakara.
Chez les enfants, certaines maladies cardiaques sont congénitales. Ils
naissent avec des malformations qui peuvent aller jusqu’à l’âge
adulte, selon la gravité. D’autres sont acquises. On pourrait citer
le rhumatisme articulaire, lié à une infection banale de la gorge
par un germe appelé streptocoque, qui peut se compliquer pour donner
des atteintes articulaires et des attaques cardiaques sévères.
On n’oublie pas les cardiopathies dues aux troubles du rythme du cœur
ou des troubles de conduction, c’est-à-dire que l’action
électrique du cœur est lente.
Chez les adultes, la majorité des maladies sont acquises. En plus de l’hypertension artérielle qui a des conséquences aux plans cardiaque, rénal, neurologique, on note l’atteinte des petites artères irriguant le cœur. Il s’agit des maladies coronaires qui sont à l’origine des infarctus ou des morts subites. Il faut signaler que toutes les infections, y compris celle à VIH, peuvent globalement attaquer le cœur.
Les maladies cardiaques peuvent atteindre un stade où le cœur
subit régulièrement des arrêts, ce qui peut sonner irrémédiablement
le glas pour le patient. Mais les prouesses scientifiques peuvent l’en
sauver à l’aide d’une pile électrique qui vient soutenir
le cœur dans son fonctionnement. De quoi s’agit-il ?
Le maître d’œuvre de cette merveille au Burkina, le professeur
Ali Niakara, explique : "Le cœur est un organe très complexe.
Il a une activité électrique générée par
une pile naturelle et des piles subsidiaires, c’est-à-dire que
si la pile la plus puissante ne fonctionne plus, il y a des centrales de relais
pour imprimer la fréquence de contraction du cœur. Il peut arriver
que cette activité électrique ne marche plus pour plusieurs raisons
(vieillesse ou maladies déjà citées) ; ce qui est source
de blocage. En cas de destruction de la centrale, des relais ou des câbles,
on a la possibilité de substituer à tout cela une pile électrique
ou encore un stimulateur cardiaque. (Face-maker en anglais). C’est une
opération qui se fait concrètement au Burkina depuis fin 2000.
L’opération a lieu soit à Yalgado soit en clinique privée
spécialement équipée pour cette intervention délicate.
La technique est parfaitement maîtrisée par l’équipe
de cardiologues. C’est une opération très délicate.
Certaines personnes perdent connaissance plusieurs fois par jour. Dans ces conditions,
il faut les amener au bloc, faire une anesthésie, le plus souvent locale,
pour insérer les appareils et des sondes dans le cœur. L’appareil
est enfoui sous la poitrine et les sondes sont connectées dans la cavité
du ventricule droit en suivant le plus gros vaisseaux, que l’on ne peut
atteindre que par chirurgie ou par des techniques de ponction".
Une fois la pile électrique placée, le patient adopte-t-il un
nouveau mode de vie ? "24 heures après l’intervention, le
malade peut marcher. En 15 jours, la plaie est cicatrisée. Il reste des
réglages de l’appareil avec un petit ordinateur appelé programmateur
qui permet de mesurer le courant à délivrer, son intensité
et de surveiller le cœur, etc.
Une fois que la pile est réglée convenablement par rapport à l’activité de la personne, celle-ci vit normalement, souvent mieux qu’auparavant, parce que l’appareil est conçu pour une défaillance zéro. Le patient ne prend pratiquement plus de médicament sauf pour une autre maladie. Sa qualité de vie s’améliore. Il faut simplement éviter d’avoir des chocs du côté où est placé l’appareil ou un coup de poing, une fracture du thorax. La vie du patient est normale. La durée de vie de l’appareil est de 7 à 10 ans selon l’intensité de l’utilisation.
Si le cœur est complètement dépendant, l’appareil dure 7 ans. Les sondes, par contre, vont de 25 à 40 ans sauf si elles se cassent lors d’un accident ou d’un mouvement exagéré. A ce moment, nous procédons à leur remplacement". A ce jour, une cinquantaine de personnes vivent avec un stimulateur cardiaque. La dernière opération date du 13 octobre 2006.
La patiente a pour nom Françoise Conombo, née en 1937, résidant au secteur 7 (Samandin) de Ouagadougou. A la suite d’une crise qui l’a amenée au dispensaire du quartier, il s’est révélé que le problème de Dame Conombo n’est pas lié à un paludisme comme on le croyait. Un électrocardiogramme dans une clinique de la place chez un cardiologue montra qu’elle souffrait d’une défaillance cardiaque grave. Pas de panique cependant, conseilla le médecin, qui leur donna l’adresse du spécialiste de la question, le professeur Ali Niakara.
"Notre maman, raconte son fils Armand, un paramédical, a connu trois arrêts cardiaques le jour de l’intervention et plusieurs autres avant. Après l’opération, elle a totalement récupéré et mène tranquillement ses activités". A son domicile, où nous avons été, madame Conombo était devant sa cour et bavardait avec ses amies. Elle soutint n’avoir plus aucune douleur. Visiblement, elle se porte à merveille.
Mais, tout cela a un coût : "Nous avons dépensé environ
800 000 FCFA et cela, grâce au soutien du docteur Niakara. Sinon, l’opération
coûte plus d’un million et demi", a déclaré Armand
Conombo.
En France, une telle intervention s’élève à 9 millions
de FCFA. Au Burkina, elle est de l’ordre de 1 500 000 FCFA avec de petites
dépenses annexes. "Le prix à payer a été divisé
par 6 avec les multiples démarches entreprises pour sa réduction",
explique le Professeur Niakara.
Malgré les maigres ressources du Burkina, voilà un exemple de
transfert de technologie complet réussi. Il faut penser à la relève.
Le professeur Niakara est, par exemple, seul dans cette technique de la pile
électrique.
"La formation est longue et onéreuse. Mais l’idéal,
souhaite-t-il, est d’initier des jeunes à la technique et qu’ils
puissent aller compléter leurs connaissances dans d’autres pays
à technologie avancée. En médecine, le côté
empirique ne suffit pas. Il faut des bases techniques pour réaliser en
pratique ce qu’on veut faire. Si l’intervention paraît simple
et maîtrisée, il faut savoir que derrière, il y a beaucoup
de matières théoriques et d’applications à acquérir
dans de grandes écoles.
Il faut alors former et l’on pourra maîtriser d’autres pans
de la cardiologie comme la chirurgie cardiaque. Ce n’est pas un rêve
ou un fantasme".
Adama Ouédraogo Damiss
Restez informés : recevez, chaque mercredi, la lettre d'informations de Santé tropicale. Inscriptions
Ce contenu gratuit vous est destiné :
Adresse
Téléphone
Contactez-nous
Actualités
Articles médicaux