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Cameroon tribune | Cameroun | 30/05/2006 | Lire l'article original
Comment évoluent les travaux que vous menez actuellement ?
En 1989, pour être dans un passé récent, on a découvert sur un chimpanzé au Gabon, le SIV virus de l’immuno-déficience chez les singes. C’était déjà une occasion de confirmer l’origine animale du VIH car le virus découvert chez ce chimpanzé était très proche du virus HIV 1. Mais nous étions encore embêtés parce que l’animal en question était captif. Et après une large étude sur les chimpanzés captifs, la prévalence était très faible, ce qui statistiquement est très gênant quand on recherche un réservoir naturel. On s’est donc dit qu’il pouvait y avoir un autre réservoir du virus ailleurs. Mais vous connaissez les problèmes avec le chimpanzé : c’est une espèce super protégée et on ne pouvait pas faire des travaux en prélevant du sang. Le premier grand progrès qui a été fait, c’était de développer des méthodes non agressives pour les chimpanzés. Nous avons pensé que nous pouvions refaire les mêmes travaux à partir des selles du chimpanzé. Nous avons ainsi pu détecter des anticorps du SIV à partir des selles et isoler le virus. Dans ces conditions, il était devenu plus facile de faire ces études. Le virus a été séquencé et nous avons pu rétablir sa place dans l’évolution générale.
A quoi renvoie l’expression " réservoir naturel " ?
A partir de l’analyse des selles fraîches du chimpanzé, nous avons travaillé sur les animaux à l’état sauvage. Ensuite, nous avons fait des études sur les deux sous-espèces de chimpanzés rencontrées au Cameroun. C’est ainsi que nous retrouvons chez le Pan troglodytes, une prévalence au SIV très élevée, de l’ordre de 35% sur les 599 échantillons analysés. Ça nous a permis d’identifier le véritable réservoir du virus, c’est-à-dire l’endroit où il se trouve de manière naturelle.
Où se trouve la différence entre ce réservoir naturel et l’origine du VIH ?
Le virus n’est pas une invention humaine. Il est apparu quelque part. En fait on a trouvé plusieurs sortes de SIV chez beaucoup d’autres espèces de primates au Cameroun comme ailleurs. Ce qui laisse supposer que le virus a peut-être évolué avec ces primates. C’est ce qui ferait que les primates ne développent pas la maladie, contrairement aux humains.
Comment établit-on le lien entre le SIV et le VIH ?
En termes d’homologie, quand on identifie le patrimoine génétique des deux virus, on voit qu’il y a près de 98% des gènes qui sont identiques. La toute petite modification résulterait simplement de l’adaptation du virus à l’organisme humain. C’est cette mutation qui a permis au virus de vivre dans le corps humain, malheureusement en provoquant la maladie.
Et comment se serait faite la transmission inter-espèces ?
Nous pensons qu’elle a pu avoir lieu au moment du dépeçage. Bien que ce soit une espèce protégée, il y a des populations qui abattent les chimpanzés et qui les mangent. Il y a la possibilité de rentrer en contact avec le sang. Pour les animaux en captivité, ceux qui jouent avec peuvent également se faire griffer ou se faire mordre.
Doit-on conclure que le sida vient du Cameroun ?
Ce serait bien dommage de conclure ainsi. C’est un problème écologique. La zone où vit ce chimpanzé concerne essentiellement trois pays de la sous-région. C’est une région qui couvre le Cameroun au sud de la Sanaga, une grande partie du Gabon, une grande partie du Congo Brazzaville. On en trouve également un peu en Guinée équatoriale et en République centrafricaine. Ce chimpanzé vit là et c’est par hasard qu’il porte le virus. Ce n’est pas parce qu’on a effectué les travaux au Cameroun que le pays va être stigmatisé. Ce serait intéressant maintenant qu’on aille dans les autres pays de la sous-région pour confirmer ces résultats.
Maintenant, que vont apporter ces travaux dans la recherche sur le sida ?
Je pense que ces résultats ouvrent une nouvelle voie. Le chimpanzé fabrique des anticorps qui le protègent contre son virus. Ce n’est pas encore le cas chez l’homme. L’être humain fabrique des anticorps, qui ne le protègent pas. Le virus s’est adapté à l’homme et quand tous ces changements seront compris, nous développerons peut-être un vaccin. Mais déjà, ça nous semble une voie fondamentale.
Comment expliquez-vous la distance entre le réservoir naturel et l’endroit où le VIH a été découvert ?
A mon avis, il y a d’abord la mobilité des personnes. Et ensuite, il est difficile de dire où exactement la pandémie a débuté. En réalité, on devrait parler de pandémies, au pluriel parce qu’elles n’ont pas les mêmes facteurs déterminants en fonction des paramètres géographiques.
Votre équipe va-t-elle s’arrêter là ?
Absolument pas. Nous avons un deuxième financement de l’ANRS (Agence nationale de recherche sur le sida en France) qui va nous permettre de rechercher les SIV chez l’homme car nous pensons que les contaminations continuent à se faire entre les singes et l’homme. Nous sommes donc en permanence sous la menace d’un troisième virus VIH 3 qui peut à tout moment survenir de ces contaminations. Nous avons mis en place un système de veille pour continuer à pister.
Propos recueillis par Yves ATANGA
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