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22/04/2025 - Pressafrik - Sénégal
Au Sénégal, l’avortement reste interdit sauf en cas de danger avéré pour la vie de la mère. Pourtant, chaque jour, dans l’ombre des hôpitaux, des centres de santé et des maisons familiales, des femmes et jeunes filles vivent le drame du viol, de l’inceste, de la grossesse non désirée. Certaines trouvent la mort, d’autres finissent en prison. D’autres encore abandonnent leur bébé dans une rue ou un égout. Face à ce fléau, Ndeye Fatou Diaw Touré, sage-femme de formation, formatrice en santé sexuelle et reproductive, tire la sonnette d’alarme. Elle revient dans cet entretien exclusif avec PressAfrik sur les raisons de son engagement, les conséquences du manque d’accès à l’avortement médicalisé, et l’urgence d’une prise de conscience collective.
Question : Vous avez participé à une formation de deux jours consacrée à l’avortement médicalisé. En tant que sage-femme, quel était l’objectif principal de cette rencontre ?
Ndeye Fatou Diaw Touré : L’objectif était de conscientiser. Ce n’était pas une simple session technique. C’était un plaidoyer. Nous avons voulu amener tous les porteurs de voix – leaders communautaires, religieux, acteurs de la société civile, journalistes – à se mobiliser autour de cette problématique. Nous, sages-femmes, sommes les premières à recevoir des femmes et des jeunes filles victimes de viol ou d’inceste. Ces histoires nous marquent profondément. Et elles sont plus nombreuses qu’on ne l’imagine.
Aujourd’hui, ces femmes vivent dans le silence, la honte, le rejet. Elles n’ont pas d’avenir, elles sont abandonnées. Alors qu’une société ne peut pas prétendre au progrès si elle laisse ses femmes mourir en silence ou se faire humilier après une agression. Il est temps de lever le voile, de parler franchement, d’inclure tout le monde dans ce combat. L’objectif est d’en faire une priorité nationale de santé publique, avec des réponses concrètes.
Question : Selon plusieurs témoignages, le refus d’autoriser l’avortement médicalisé pousse de nombreuses femmes à recourir à des pratiques dangereuses. Que constatez-vous sur le terrain ?
Ndeye Fatou Diaw Touré : Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’une femme qui a décidé d’avorter, le fera. Légalement ou illégalement. C’est la réalité. Et quand cela se passe dans la clandestinité, dans des conditions non hygiéniques, les conséquences sont dramatiques : infections, perforations, hémorragies, stérilité… parfois la mort. Certaines finissent mutilées, d’autres en prison.
Ce qui est encore plus cruel, c’est que ces femmes paient cher pour cela. L’avortement clandestin est devenu un véritable commerce. Certaines dépensent des centaines de milliers de francs CFA pour des interventions non sécurisées, pratiquées dans des maisons sombres, avec du matériel douteux. Et cela, parce que l’État ferme les yeux sur leur souffrance. En ne leur offrant aucune alternative, on les pousse vers la mort ou l’illégalité.
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